Avez-vous des informations sur la maison de M. Rochet à Lyon 3e ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir si vous avez des informations complémentaires sur l'histoire de la maison d'habitation, autrefois celle de Monsieur Rochet, industriel automobile de fin XIXe et début XXe siècles, sise rue Paul Bert au carrefour avec les rues Maurice flandin, rue de la Vilette, Avenue Lacassagene. Elle est adossée aux lignes de Tramways T3, T4 et station Part-Dieu Villette Sud pour la ligne Stade OL les soirs de matches.
Il y a environ une dizaine d'année l'atelier de cinq sheds qui la prolongeait a été abattu;
Cette maison, témoin du passé industriel automobile lyonnais semble préservée, toute esseulée; est-ce son passé qui la protège (tant mieux, si c'est le cas).
Avez-vous davantage de renseignements sur cette maison, son propriétaire d'origine (Etablissements Rochet-Schneider et Zénith de la rue Feuillat). Etait-ce bien l) le premier atelier de cet industriel fin du XIXe ?
Merci d'avance pour votre recherche.
Bernard L.

Réponse du Guichet

Véritable lieu de résistance à l'urbanisation tous azimuts du quartier de la Part-Dieu, la maison du 94 rue Maurice Flandin a échappé, depuis les années 1970 à diverses entreprises de démolition. La mairie n'a cependant jamais recouru à une enquête pour obtenir une déclaration d'utilité publique, empêchant ainsi son expropriation d'après Mona Vasset, actuelle propriétaire des lieux. Le site sur lequel celle-ci a été construite appartient bien au patrimoine industriel de la ville de Lyon. C'est là que la première usine automobile de la société Rochet-Schneider s'est installée en 1896. Les derniers vestiges de cette époque ont été rasés en 2005 pour être remplacés par un espace de vert de plusieurs hectares : le parc Nelson Mandela.
Bonjour,
Cette maison esseulée, située au carrefour des rues Paul Bert et Maurice Flandin et à l'embouchure de l'avenue Lacassagne fait office de vestige du passé dans un quartier en perpétuelles mutations. Les nouvelles lignes de tram, le renouveau du quartier de la Part-Dieu et plus particulièrement l'aménagement du parc Nelson Mandela jusqu'aux travaux d'extension n'ont, pour l'heure, pas eu raison de la maison du 94 rue Maurice Flandin, véritable village gaulois d'un quartier acquis depuis longtemps aux Romains.
En effet, vous visiez juste. Le site sur lequel se tient la bâtisse est le lieu historique d'implantation de la première usine de production de "voiture sans cheval", sortie de l'esprit des entrepreneurs et industriels lyonnais Édouard Rochet et Théodore Schneider qui se sont associés aux alentours de l'an 1892. Ils forment alors l'entreprise Rochet-Schneider, pionnière de l'automobile française et mondiale qui connut un succès considérable au tournant du 19e et du 20e siècle. Pour se donner les moyens de leurs ambitions, ils achetèrent en 1896 un terrain d'une surface considérable capable de lancer à grande échelle la fabrication de vélocipèdes et d'automobiles "made in Lyon" :
Théodore Schneider prend ce problème immobilier en main et achète un emplacement occupant les numéros 98 et 100 de la Rue Corne-de-Cerf (devenue rue Maurice Flandrin), mais débouchant également au n°202 de la rue Paul-Bert. C'est cette dernière adresse qui sera retenue pour la nouvelle usine et le nouveau siège social.
La nouvelle usine est rapidement construite. Il y a une quinzaine d'années, les travées édifiées subsistaient encore après presque un siècle d'existence et, jusque vers 1972, le fronton portait encore son titre de gloire: "Voitures automobiles".
Source : Rochet-Schneider : un grand constructeur d'automobiles à Lyon : 1889-1960 / Pierre Lucien-Pouzet (Ed. lyonnaises d'art, 1993) (p.18)
Une photo de l'ancienne usine est visible sur la plateforme Pop, du ministère de la Culture : Usine de construction automobile dite Société Lyonnaise de Vélocipèdes et Automobiles Rochet et Schneider puis société cotonnière de Villefranche. Et une seconde de l'atelier de montage intérieur sur le site de l'Inventaire du patrimoine en Auvergne-Rhônes-Alpes.
Auréolée de belles ventes de véhicules en France (et même aux États-Unis), de plusieurs succès remarqués en courses automobiles et même d'une très médiatisée ascension du Col du Galibier en 1896 (Rochet Schneider : les débuts de l’aventure - Fondation Berliet), l'entreprise acquiert une belle renommée qui se poursuivra jusqu'aux débuts de la Première guerre mondiale. Une telle réussite justifia même l'achat en 1899 d'un second terrain, beaucoup plus vaste, inauguré en 1900, et qui accueille aujourd'hui l'actuelle bibliothèque Lacassagne - Marguerite Yourcenar (Lyon 3ème) :
En 1899, la société fait l’acquisition d’un immense quadrilatère situé entre l’extrémité Est du chemin Feuillat et le chemin des Sablonniers. Le terrain possède des façades sur trois voies publiques : 510 m sur la rue Feuillat, 175 m sur le chemin des Pins et 390 m sur le chemin des Sablonniers.
Edouard Rochet confie à son ami de promotion de La Martinière, Louis Payet un projet considérable, il s’agit de construire la première grande usine lyonnaise d’automobiles. Dès 1900, 10 000m2 couverts sont inaugurés. Très rapidement la marque prend place parmi les plus grands et continue de s’imposer en course. L’Automobile Club du Rhône organise même de 1904 à 1906 une course appelée « Coupe Rochet-Schneider
Source : La Friche RVI, lieu plusieurs fois précurseur sur l'Influx (webzine de la BmL, 2011).
Des éléments historiques de la vie d'une site, ainsi qu'une photo vue du ciel, disponibles sur le site de la plateforme Pop vous permettront de mieux appréhender ce second site de production : Usine de construction automobile dite Rochet-Schneider-Zénith, puis Marius Berliet, actuellement Renault Véhicules Industriels.
Donc, pour répondre concrètement à l'une de vos questions : Oui, l'usine du 202 rue Paul-Bert est bien le premier site consacré à la production automobile construit par le duo Rochet-Schneider. Mais non, il ne s'agit pas de leur premier pas dans le milieu industriel lyonnais. Tout ce savoir faire ne vient pas de nulle part, l'ouvrage de Pierre Lucien-Pouzet nous apprend (p. 18) qu'il existait déjà, en 1889, au n°4 de la place Saint-Pothin à Lyon (devenue place Edgar Quinet), une petite entreprise appelée "Constructions Vélocipédiques du Rhône". Elle fabriquait des bicyclettes et est aujourd'hui encore considérée comme la plus ancienne constructrice lyonnaise de cycles. Pour la petite histoire, le père d’Édouard Rochet, Jean-François, serrurier-mécanicien de formation, serait quant à lui l'authentique créateur du grand bi et des rayons de fil de fer (p.13).
Pour aller plus loin dans l'histoire de l'entreprise, nous ne pouvons que vous recommander la lecture de ces documents :
La page Rochet-Schneider sur Wikipédia.
L'article de Dominique Lejeune, Rochet-Schneider, un société automobile oubliée.
L'article de Lyon Capital, L’architecture lyonnaise et ses secrets : le patrimoine industriel et automobile.
Le livre La grande aventure automobile lyonnaise de Pierre-Lucien Pouzet ; préface de Dominique Perben, Paul Berliet (La Taillanderie, 2006)
S'agissant désormais de l'histoire de la maison du 94 rue Marcel Flandin, il est plus difficile d'être aussi précis... En consultant les plans parcellaires numérisés sur le site des archives de la ville de Lyon, nous pouvons remonter, à certaines dates imposées, l'histoire de ce lieu et surtout le nom des différents propriétaires qui s'y sont succédés.
Si l'on se penche correctement sur les cartes du début du 20e siècle, on se rend compte de l'évolution urbanistique du quartier mais aussi des transformations à prendre en compte (avec l'existant d'aujourd'hui) pour comparer ce qui est comparable. Si l'entreprise Rochet-Schneider est bien domiciliée au 202 de la rue Paul-Bert, la maison qui nous intéresse (où l'ancètre de celle-ci) était placée au 253 (1906) ou au 94 (1935) selon les époques. Voici en quelques mots ce que disent les plans :
En 1911 l'usine Rochet-Schneider est bien signalée au devant de la maison. Au 202 rue Paul-Bert en revanche, le propriétaire est un certain Mr. Galland.
En 1935 Rochet-Schneider est cette fois bien domicilié au 202 et l'usine est encore indiquée à ce nom. Au 94 en revanche, c'est la famille Michey, parente de la chanteuse lyonnaise Mick Micheyl, qui sont installés.
En 1944 les Michey sont toujours là mais l'usine appartient désormais à la société cotonnière de Villefranche.
Nous voyons une dernière fois inscrits les Michey en 1979.
Depuis la fin des années 1970/début des années 1980, c'est la famille Vasset, encore propriétaire actuelle de la maison qui est référencée.
Nous avons découvert l'identité de l'actuelle propriétaire des lieux grâce à un article du journal Le Progrès qui s'est intéressé à une poignée d'individus ayant la particularité de vivre dans un lieu pour le moins... atypique : Ils vivent dans des endroits incroyables.
En déroulant les photos, nous sommes alors tombés sur le témoigagne très touchant de Mona Vasset, propriétaire du 94 rue Marcel Flandin, retraité et habitante depuis petite de la maison. Elle explique que la propriété était vouée à la démolition, attisant la convoitise des promoteurs et urbanistes dès les années 1970. Elle explique aussi les raisons de sa survie :
Elle était vouée à la démolition. Dans les années 1970, déjà, le secteur est frappé d’alignement pour la réalisation du carrefour Paul-Bert/Lacassagne. Mais seul le grand immeuble, mitoyen par l’arrière, passe finalement à la trappe, la municipalité de l’époque renonçant à détruire le pavillon pour gagner un seul mètre.
Le quartier Villette, à quelques encablures de la Part-Dieu, devient ultra-stratégique. Et dans les plans des urbanistes, la petite maison n’est jamais dessinée ! Mais, comme la municipalité n’a pas recouru à une enquête publique (pour obtenir une déclaration d’utilité publique), elle ne peut exproprier.
Source : témoignage de la propriétaire Mona Vasset, pour Le Progrès.
Elle évoque aussi son platane et la vie du quartier d'antan.
Il est aujourd'hui plus étonnant encore de la voir se démarquer dans le voisinage, tant les travaux d'aménagement urbain ont été nombreux dans le quartier. Le dernier en date étant le projet d'extension du parc Nelson Mandela, ce nouvel espace vert dont la fin des travaux est prévue à l'été 2025, et qui s'étend exactement là où se trouvait les anciennes usines et les vestiges de ce quartier industriel : Parc Mandela - Un nouvel espace vert de 4,4 hectares (sur le site Lyon Part-Dieu.com).
S'agissant enfin de la démolition des anciens bâtiments aux toits en sheds, nous apprenons aussi grâce à un article du Progrès (consultable en ligne sur la plateforme Europresse avec un abonnement BmL), que les travaux ont eu lieu en 2005, promettant, déjà, de transformer les décombres en espace vert : Les locaux de l'usine Rochet-Schneider promis à la démolition (2 août 2005).
Enfin, nous ne résistons pas à vous mentionner l'article du Dauphiné Libéré Elle habite dans la dernière maison de la Part-Dieu (2019) qui attise fort notre curiosité... Et pour cause, l'article n'est jamais sortie en presse papier et nos accès numériques aux archives du journal grâce au dépôt légal web de la BmL sont momentanément indisponibles. Si jamais vous êtes abonné, n'hésitez pas à nous communiquer son contenu !
Bonne journée
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