L'origine de la panne d'électricité qui a touché la péninsule ibérique a-t-elle été trouvée ?
Question d'origine :
Silence radio sur les causes de la grande panne électrique hispano-portugaise du 28 avril dans les médias dits mainstream. Pourquoi ? Les recherches de cause seraient-elles toujours en cours ?
Réponse du Guichet

Les conclusions sur les causes de la grande panne d'électricité qui a touché l'Espagne et le Portugal en avril 2025 ont été rendues publiques dans un rapport gouvernemental publié à la mi juin 2025. Les capacités de régulation du système n'ont pas été suffisantes pour prévenir un survoltage du réseau causé par l'énergie solaire espagnole, tandis que les producteurs d'électricité avaient mis à l'arrêt des centrales électriques potentiellement régulatrices, pour faire remonter les prix de l'électricité vendue sur le marché européen. Selon le journal Mediapart, cet incident démontre autant les vulnérabilités du système de gestion du réseau électrique espagnol qu'il souligne l'absurdité d'un marché plus intéressé par la spéculation que par la garantie de sa sécurité énergétique.
Bonjour,
Au sujet de l'immense panne d'électricité qui a paralysé l'Espagne et le Portugal le 28 avril 2025, nous vous suggérons la lecture de cet article publié sur le journal Mediapart : Électricité : les leçons à ne pas oublier du Black-out espagnol par Martine Orange le 19 juin 2025.
Si vous trouverez sur internet de nombreux articles restituant les conclusions du rapport public rendu par une commission d'enquête pour le compte du gouvernement espagnol, ils sont peu à analyser plus en détail la vulnérabilité du réseau électrique espagnol, transformé par les énergies renouvelables, et les dysfonctionnements du marché européen de l'électricité.
Alors que de nombreuses hypothèses circulaient (cyberattaque, phénomène atmosphérique rare, problèmes techniques provenant de l'extérieur du pays, voir cet article du mois d'avril sur Euronews : Quelle a pu être la cause de l'importante panne d'électricité en Espagne et au Portugal ?), les experts et la ministre de l'énergie et de l'environnement, Sara Aagesen, ont conclu à un "enchainement d'incidents et d'erreurs d'appréciation" imputables au Red Eléctrica de España (REE), gestionnaire du réseau électrique, et aux producteurs d’énergie : Iberdrola, Endesa et Naturgy.
Le REE est accusé d'avoir mal anticipé un risque de survoltage du réseau.
En effet, des oscillations des fréquences étaient régulièrement observées depuis plusieurs jours (la fréquence du réseau doit absolument se stabiliser sur 50 hertz pour que l'électricité circule sur le réseau espagnol et européen) en raison des productions d'énergie solaire massive au sud de l'Espagne. Le 28 avril, vers midi, le réseau est une nouvelle fois en surcharge. Comme à son habitude lorsqu'il s'agit de réguler l'activité, l'Espagne cesse de transférer son électricité à la France pour ne pas déséquilibrer les réseaux européens. Elle mise alors sur l'entrée en service d'une centrale électrique capable compenser les aléas énergétiques du solaire. Problème, celle-ci est trop longue à redémarrer. Près de 90 minutes sont nécessaires alors qu'il faut réagir très rapidement. Dès lors tout s'accélère, les coupe-circuits automatiques se déclenchent pour protéger les infrastructures et déconnectent les capacités de production du pays et c'est en quelques instants toute la péninsule ibérique qui est privée d'électricité.
Les producteurs d'électricité sont quant à eux accusés d'avoir stoppé la production des centrales, pour ne pas vendre à perte sur le marché européen.
En effet quelques jours avant le Black-out, l’Espagne produisait 100% de son électricité à partir de renouvelables, entraînant une surproduction et des prix négatifs sur le marché européen. Les producteurs, par appât du gain, ont donc décidé de mettre à l'arrêt des centrales pour faire remonter les prix et c'est notamment ce délai de redémarrage qui a fragilisé la sécurité d'approvisionnement du réseau.
Remarques et conclusion :
La décentralisation de la production d'électricité avec le déploiement d'énergies renouvelables a fortement complexifié la gestion du réseau. L'Espagne se rend compte de sa propre vulnérabilité énergétique. Ses protocoles de sécurité n'ont pas été suffisamment préparés et son système entier souffre d'un défaut de modernisation nécessaire mais très couteux. D'un autre côté le fonctionnement du marché de l'électricité en Europe est pointé du doigt, plus propice à la spéculation (et défectueux lorsqu'il s'agit de contenir la flambée des prix), qu'à la fiabilité et la sûreté de l'approvisionnement en énergie.
Plus largement, nous pouvons dire que cet épisode souligne l'extrême dépendance du monde moderne à l'électricité comme le prouve ce retour d'expérience à Madrid de cet article du Point : À Madrid, ma journée sans électricité, mais avec des transistors à piles.
Pour rappel, un abonnement à la BmL vous permet d'obtenir un accès au journal Mediapart dont le site est consultable depuis chez vous grâce à vos identifiants de la bibliothèque. Si vous ne faites pas partie de cette belle communauté, vous trouverez l'article en question au format PDF sur ce site : Black-out électrique en Espagne : causes et conséquences.
Le journal Le Monde, sans entrer autant dans les détails et l'analyse que Mediapart, avait aussi écrit un article sur le rapport gouvernemental espagnol : La panne électrique en Espagne et au Portugal a été provoquée par « un phénomène de surtensions », selon un rapport du gouvernement espagnol.
Un autre excellent compte rendu, très détaillé, est à retrouver sur le blog de Mediapart, tenu par ses abonnés. Un certain Bernard Drouère "expert en réseau électrique et en traitement du signal à la retraite", propose un compte rendu très fouillé de la situation et des carences du système espagnol.
Enfin, IAE, l'Agence internationale de l'énergie, tire elle ses conclusions de l'événement du mois d'avril et souligne dans un article l'importance capitale de la sécurité électrique dans nos sociétés.
Bonne journée,