Peut-on savoir de quoi sont mortes les soeurs de ma grand-mère fin XIXe - début XXe ?
Question d'origine :
Bonjour,
Dans la dernière décennie du XIXè siècle et la première décennie du XXè siècle, les trois soeurs de ma grand-mères sont décédées à un âge très précoce. J'aimerais savoir de quoi ces trois petites filles sont mortes. Une telle information figure-t-elle nécessairement sur un acte de décès ? A quel service devrais-je m'adresser ?
Merci par avance de votre attention.
Pauline
Réponse du Guichet

En théorie les actes de décès de l'état civil français ne sont pas censés mentionner les causes du décès mais peuvent parfois les indiquer. Nous vous conseillons donc de consulter l'acte de décès des sœurs de votre grand-mère.
N'hésitez pas à consulter la presse locale ancienne mais aussi les archives hospitalières si ces enfants sont décédées à l’hôpital.
Nous listons ensuite quelques causes possibles de décès chez les petits enfants au tournant du XXe siècle.
Bonjour,
Les prêtres mentionnaient parfois les causes d'un décès dans les registres paroissiaux qu'ils tenaient sous l'ancien régime mais pas de manière systématique. Ce n'est plus le cas des actes de décès de l'état civil rédigés après la révolution française qui répondent à une obligation légale et un cadre très formel.
Nous vous invitons toutefois à consulter l'acte de décès des sœurs de votre grand-mère qui peut peut-être apporter des précisions sur la cause du décès. En effet, les causes pouvaient être précisées de manière exceptionnelle, notamment dans le cas de naissances d'enfants sans vie mais aussi dans d'autres circonstances :
"Les causes d’un décès sont présentes dans un acte d’état civil si cette information est présente sur un extrait mortuaire. Par le principe de transcription intégrale, l’officier d’état civil recopie le contenu du document qui contient la cause du décès.
Certains officiers d’état civil n’ont pas respecté les consignes ont été noté de manière systématique (sur une courte période) la cause de la mort dans la marge des actes. Cette pratique fait suite à la création d’état statistique sur la cause des décès."
nous dit l'article intitulé De quoi est mort votre ancêtre ?
Vous trouverez fort probablement les actes de décès des sœurs de votre grand-mère sur le site des archives départementales de leur lieu de décès. Voici par exemple le lien menant vers les archives d'État civil du département du Rhône. Leurs coordonnées sont consultables sur l'annuaire du site officiel de l'administration française.
Pour trouver les raisons d'un décès, vous devrez probablement suivre d'autres pistes, notamment la consultation de la presse locale ancienne ou encore les archives hospitalières si l'enfant est décédé à l'hôpital :
A défaut d’avoir la raison du décès, vous pouvez chercher ses circonstances qui, elles, vous donneront peut-être une piste de recherche sur cette cause. Par circonstances, il faut comprendre de rechercher le lieu, le contexte général mais aussi la situation particulière.
Pour le lieu, relisez vos actes
Comme dans toute recherche généalogique, il ne faut pas regarder uniquement ce qu’on vous montre. Ainsi, vous devez lire l’acte en entier et vérifier le lieu du décès. Il peut s’agir d’une route, d’un hôpital, d’un point kilométrique.
Vérifiez également les actes précédents et suivants. S’agit-il du même lieu ou de la même famille ?
Recherchez le contexte généralToutes les personnes du village décèdent en même temps ? N’êtes-vous pas face à une épidémie (peste, covid, …) ?
Vérifiez les événements climatiques (inondations, canicule, …) et les accidents (explosion, collision de trains, chute d’avion… ).
De manière systématique, cherchez, si la période le permet, les avis de décès (dans les journaux), et les faire-part de décès (archives privées, archives personnelles, collections …). Vous y lirez peut-être la notion d’accident, de morte subite ou, au contraire, de longue maladie.
A lire aussi :
- Découvrez comment est mort votre ancêtre / Blog de Sophie Boudarel
- Contagion / Blog de Sophie Boudarel
Dans l'article intitulé De quoi mourraient nos ancêtres au XIXe siècle à la campagne ?, plusieurs causes de décès d'enfants en bas âge sont listées. C'est Léobon Pataux, le curé de Saint Quentin La Chabanne de 1862 à 1889, généalogiste et historien, qui a aussi tenu un registre nommé « nécrologie ». Ses données ont été exploitées et en voici les résultats :
De quoi mourait-on ?
Les 517 décès inscrits vont nous le dire et nous informent un peu sur l’état de santé de la population.
La naissance et les premières années de la vie :
15 enfants sont morts-nés, dont deux jumeaux et un enfant né avant terme. 1 enfant est dit issu de cousins germains (ce qui revient plusieurs fois dans le registre ; enfants anémiés, une muette).
10 enfants vivent moins de 20 jours (anémie, faible constitution, « produit syphilitique », né avant terme).
24 meurent entre 1 mois et 1 an (beaucoup par suite de convulsions, par anémie, croup, variole ou coqueluche, catarrhe).
De 1 à 10 ans, 68 enfants. Croup et convulsions semblent les causes les plus fréquentes, suivies par l’anémie, le rachitisme, 1 cas de typhoïde, 6 de Phtisie, 2 accidents (écrasé par une voiture et un enfant brûlé).
De 10 à 20 ans :
11 garçons et 6 filles (8 par phtisie, 1 variole, 1 méningite, 1 typhoïde, 1 anémie (issu de cousins germains), 1 rougeole, 1 dysenterie, 1 congestion cérébrale.
A noter le cas du jeune François L., 13 ans, ouvrier tuilier, qui meurt d’épuisement par le travail.
Si on ne compte pas les enfants morts-nés, 102 enfants n’ont pas atteint l’âge de 20 ans soit environ 20%
Un article écrit par une historienne revient sur les causes de la mort des enfants en bas âge jusqu'au début du XXe siècle :
Les causes de la mort des petits enfants
Elles sont multiples. Les démographes distinguent traditionnellement la mortalité endogène des premiers jours (due aux malformations congénitales et aux conséquences d’une naissance difficile) et la mortalité exogène des mois qui suivent (due à des circonstances extérieures, maladies, infections, épidémies).
La mortalité endogène (qui correspond à peu près à la mortalité périnatale d’aujourd’hui) est très familière aux gens d’autrefois : en moyenne, jusqu’au début du XXe siècle, 25 % des décédés avant un an meurent à la naissance ou dans les jours qui suivent (aujourd’hui, ils ne sont plus que 0,2 %). Dans certains cas, cette mort est pressentie et attendue. Beaucoup de bébés malingres à la naissance (il y avait beaucoup de prématurés autrefois, et pas de couveuses pour les sauver avant le XXe siècle) sont considérés comme perdus. Le destin des plus faibles est de mourir. Les parents savent dès la naissance que certains nouveau-nés ne vivront pas. En voici un exemple dans le Briançonnais, au début du XXe siècle : « […] le bébé était tout violacé, les jambes et les bras glacés, et il ne bougeait pratiquement pas. La matrone du pays dit encore : “Cette enfant n’a aucune circulation, il faut la baptiser tout de suite” […] ils la baptisèrent du nom de Jeanne. Le soir, l’état de la fillette ne s’améliora pas. Pour la réchauffer, Marie-Rose la prit avec elle dans le lit, et le lendemain, quand elle se réveilla, la gosse était morte [1]. »
Remarquons que, même dans un cas aussi désespéré, les parents n’abandonnent pas le bébé : on court le baptiser, pour qu’il aille directement au paradis, s’il meurt ; et, en attendant, on fait tout pour le réchauffer, en le mettant dans le lit des parents, car la chaleur humaine, c’est la vie. Néanmoins cette préscience de la mort de l’enfant a été parfois démentie. Ainsi Victor Hugo, si chétif en naissant que l’accoucheur ne croyait pas qu’il pût vivre, est sauvé par les soins obstinés de sa mère qui l’allaite et le veille jour et nuit. Ou Chateaubriand qui, parvenu à un âge avancé, écrit au début des Mémoires d’Outre-Tombe : « J’étais presque mort quand je vins au jour. »
Passé le cap des premiers jours, la mortalité exogène prend le sinistre relais : mauvaises digestions dues aux bouillies trop précoces ou aux diarrhées ; rhumes, catarrhes, bronchites et toux entraînées par le froid ; congestions cérébrales et convulsions ; maladies épidémiques : coqueluche, rougeole, variole (en septembre 1736, par exemple, la « petite vérole » tue cinq cents enfants dans la ville du Puy), diphtérie, choléra, typhoïde, méningites (qu’on ne sait ni diagnostiquer, ni soigner).
Enfin, hier encore plus qu’aujourd’hui, on reste confondu par la fréquence des accidents domestiques, souvent fatals aux tout-petits.
source : La mort d'un bébé au fil de l'histoire / Marie-France Morel - Spirale - La grande aventure de bébé, 2004 n° 31(3), 15-34
Lire aussi : Les enfants au XIXe siècle / Catherine Rollet
Bonnes recherches !