Je souhaite retrouver le nom du papetier à l'origine d'un manuscrit en filigranes de 1731
Question d'origine :
Bonjour,
J'ai un manuscrit du 18ème dont le papier comporte des filigranes, c'est un livre de règle de 1731 des Compagnons tourneurs du devoir.
Je souhaite retrouver l'origine de ce papetier, je n'ai qu'un indice, le possesseur était de la région de Bordeaux.
Dans l'attente de votre aide pour la méthode de recherche.
je vous remrecie
Amanda Allorge, atelier de reliure de la bibliothèque part Dieu


Réponse du Guichet

Le papetier précis n'a pas pu être déterminé. Etant donné le style de la cloche, il est probable qu'il s'agisse d'un papier du Sud-Ouest de la France, voire de la région d'Angoulême, pour le papier à la cloche. La détermination de l'origine du second papier demeure obscur malgré une piste grâce aux initiales.
Bonjour,
les deux filigranes que vous avez mis en pièce jointe correspondent a priori à deux feuilles différentes.
Le premier filigrane représente une cloche, surmontée d'une couronne. La cloche est un symbole particulièrement répandu dans les filigranes, notamment dans les papiers utilisés pour les manuscrits ou la correspondance. Comme l'indique Raymond Gaudriault dans Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce
"filigrane, qui a une origine italienne, est copié en France dès le XIVe siècle. Il y est utilisé ensuite jusqu'au XIXe siècle. [...] Utilisé surtout comme papier d'écriture le papier à la Cloche est fabriqué très inégalement selon les régions [...sa] zone d'emploi, signalée par Nicolaï s'étend en fait au midi de la France tout entier"
De fait, pour la seule France, la cloche est particulièrement utilisée par les moulins de la généralité de Bordeaux, dans ceux du Limousin, de l'Angoumois, mais aussi de toute l'Occitanie et de la Provence. S'il semble peu usité (mais pas complètement absent) des moulins du centre de l'Auvergne ou d'Ambert, on retrouve la cloche dans le Beaujolais, la Franche-Comté ou la Savoie. Ce symbole, sans être totalement absent, est plus rare dans le Nord de la France et de façon générale en Europe septentrionale. Il est fréquent en Italie du Nord et se retrouve aussi dans la péninsule ibérique.
Il existe toutefois des différences stylistiques notables dans le dessin de la cloche selon les régions et les époques. Nous avons effectué des recherches dans plusieurs répertoires généraux :
- Charles-Moïse Briquet, Les filigranes : dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu'en 1600, Amsterdam : 1968 (réimpression);
- Raymond Gaudriault, Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris : CNRS, 1995 et ses suppléments;
- la base Wasserzeichen : https://www.wasserzeichen-online.de/wzis/index.php;
et d'autres répertoires spécialisés sur le Sud-Ouest :
- Alexander Nicolaï, Histoire des moulins à papier du Sud-Ouest de la France (1300-1800), Bordeaux : Delmas, 1935;
- Teo et Frans Laurentius, Watermarks in paper from the South-West of France, 1560-1860, Leiden : Brill, 2018.
- la base des filigranes anciens des archives de Toulouse : https://www.archives.toulouse.fr/archives-en-ligne/consultez-les-archives-numerisees/les-filigranes-anciens
Nous n'avons pas trouvé le dessin exacte de la cloche représentée dans votre filigrane. Grâce au travail de Teo et Frans Laurentius, il est toutefois possible de rapprocher stylistiquement la cloche de votre papier à celles visibles sur les feuilles provenant du moulin de I. (ou J.) Brun, dans le Bigorre, et utilisés à Auch après 1750. Il reste donc probable que le filigrane désigne un moulin venant du Sud-Ouest de la France, voire proche de cette région.
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Concernant l'autre papier, avec les initiales, nous n'avons pas trouvé de représentation proche de la forme en T (hache ? croix ? épée ?) qui sépare le L du F. La consultation du livre d'Alexandre Nicolaï, qui propose des restitutions des initiales de papetiers du Périgord et de l'Angoumois (Tome 2, p. 64-65), n'a pas permis de retrouver un "L. F.". En revanche, il indique, pour le Périgord un François Lacoste (actif entre 1683-1707) et pour l'Angoumois un François Lafon (actif en 1748). Les deux utilisent toutefois les initiales F.L.
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Il est difficile d'aller plus loin avec les outils actuellement disponibles. Actuellement, aucun outil ne peut prétendre à l'exhaustivité, ne serait-ce que sur une période ou une région. Il demeure possible de rechercher dans d'autres répertoires. Une recherche dans notre catalogue, sur celui de la BnF ou sur le CCFr peuvent permettre de trouver d'autres répertoires qui pourraient être fouillés. Les mots-clés à utilisés sont : "filigranes", "watermarks" (anglais), "filigrana" (espagnol), "filigrane" (italien) ou "wasserzeichen" (allemand). La plupart des répertoires sont classés par ordre alphabétique des objets représentés sur les dessins. C'est à "cloche", "bell" (anglais), "campana" (espagnol et italien) et "glocke" (allemand) que vous trouverez les dessins de cloches. Je n'ai pas pu déterminé le nom du dessin du second filigrane, mais il est possible de rechercher à "initiales" ou des termes équivalents dans les index.
En espérant vous avoir été utile, bien cordialement.