Comment interprétez vous cette formule récurrente des correspondances de Willermoz ?
Question d'origine :
Bonjour
Dans plusieurs correspondances du Dr Sébastien GIRAUD avec J.B Willermoz, il est plusieurs fois question dans ses adresses de bonjour de "la bonne maman".
Par exemple Ms 5 864 (G) lettre du 22 décembre 1781 par deux fois:
"je me recommande à vous, à la bonne maman, au cher Provençal, à tous nos
ffr. et m.re"
Pouvez vous me dire de qui s'git il SVP?
Merci Cordialement
Réponse du Guichet

Claudine-Thérèse Willermoz, épouse Provensal (1729-1810), doit être vue, à n'en pas douter, comme la "bonne maman" à laquelle fait référence Sébastien Giraud (1735-1803) dans sa correspondance adressée à Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824).
Réponse du département des Collections anciennes et spécialisées
Bonjour,
Commençons tout d'abord par une précision sémantique. Au sens propre du terme, "bonne maman" désigne au XVIIIe siècle la grand-mère, tout comme son équivalent "grand-maman", comme le rappelle Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française, 1992, t. 2, p. 1076.
Il serait vain, en revanche, de chercher une trace significative de la grand-mère de Jean-Baptiste Willermoz dans les rapports qu'entretient ce dernier avec ses correspondants franc-maçons.
À défaut de son aïeule, c'est vers sa soeur Claudine-Thérèse qu'il nous faut nous tourner. Aînée d'une fratrie de treize frères et sœurs, elle sera toute sa vie la confidente de son frère Jean-Baptiste, né seulement un an après elle. Le lien induit par cette proximité en âge sera conforté par une disposition avancée au mysticisme.
Veuve de Pierre Provensal en 1769, restée seule avec son fils Jean à élever, elle s'établit au domicile de Jean-Baptiste Willermoz, à la fois pour y chercher appui et aider son frère célibataire à tenir sa maison.
Extrêmement pieuse, saluée par beaucoup pour ses mérites et sa vertu, ainsi que sa gentillesse et sa générosité, elle s'affirme comme un conseiller spirituel de son frère et une source d'inspiration philosophique pour beaucoup d'autres franc-maçons occultistes, comme Claude-Louis de Saint-Martin (Allen (James Smith), A Civil Society: The Public Space of Freemason Women in France, 1744-1944, University of Nebraska Press, 2021, p. 20-21), au point d'être elle-même ordonnée Coën en 1772 par Jean-Baptiste Willermoz.
Louis-Claude de Saint-Martin séjourna à Lyon pendant plus d'un an, à partir de 1773, au domicile des Willermoz, dans le quartier des Brotteaux, afin de parfaire l'instruction de Jean-Baptiste. Là, nous dit Alice Joly dans Un mystique lyonnais et les secrets de la franc-maçonnerie, Jean-Baptiste Willermoz, 1730-1824, Mâcon, Protat Fères, 1938, p. 57, "le gentilhomme partagea en toute simplicité la vie simple du fabricant lyonnais ; il se plut dans la société des Willermoz, appréciant la générosité de Jean-Baptiste et la maternelle sollicitude de Mme Provensal". L'attitude de Claudine-Thérèse à son égard l'amène précisément à la nommer sa "mère" ou sa "bonne petite mère" (Joly, p. 59). James Smith Allen fait état quant à lui des termes de "maman" ou "chère bonne mère" (Allen, p. 21).
Alice Joly insiste sur ce point : "Mme Provensal fut étroitement mêlée à la vie de ces mystiques. [...] Tous ceux qui ont laissé sur Mme Provensal leur témoignage ont parlé d'elle avec un grand attachement, un respect affectueux. Fort discrètement au milieu de ces gens secrets, elle est cette présence féminine de tendresse et de douceur qu'on trouve dans la vie de tant de mystiques. Cette femme [...] eut à cette époque le grand mérite de faire régner pendant quelques temps l'harmonie et la bonne entente au foyer qu'elle dirigeait" (Joly, p. 59).
Il ne fait guère de doute que ces qualités de douceur et de tendresse maternelle avec lesquelles l'aînée des Willermoz menait sa maison n'avaient échappé au médecin piémontais Sébastien Giraud, lui-même intime de Jean-Baptiste Willermoz, le conduisant lui aussi à qualifier la maîtresse de maison de "bonne maman".
Bonne journée.
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