Où peut-on trouver les archives d'une clinique située rue centrale à Lyon ?
Question d'origine :
Bonsoir. Ma grand mère est née à cette clinique d accouchement 38 rue centrale le 6 Aout 1924 de bon matin. Madame sallet (sayet) était présente ainsi qu'une dame se prenomant Madame Guilhot. Peut on trouver des archives sur cette clinique svp? Merci pour votre réponse. Bien cordialement.
Réponse du Guichet

Madame Saillet, ou sa successeur Mlle Dulac, sont des sages-femmes qui travaillaient depuis leur domicile où en extérieur dans les années 1920. Elles étaient installées au 38 rue Centrale comme en témoignent l'index Henry ou les coupures de journaux d'époque. Ces sages-femmes étaient instruites à l'hospice de la Charité, formées et diplômées à la pratique de la maïeutique. L'immeuble dans lequel elles habitaient appartenaient, selon les plans parcellaires de l'époque, à "La Martinière".
Bonjour,
Vous souhaitez identifier un centre d'accouchement qui se serait situé au 38 rue Centrale, actuelle rue de Brest dans le 1er arrondissement de Lyon, au milieu des années 1920. En 1924, ce centre aurait accueilli votre arrière grand mère pour accoucher en présence de Madame Saillet, sage-femme et d'une certaine Madame Guilhot.
Ces informations concordent en tous points avec une précédente réponse du Guichet du Savoir publiée sur notre site en 2018. Un.e usager.e nous interrogeait déjà sur l'existence d'une clinique située au 38 rue Centrale où aurait exercée Mlle Dulac, sage femme : clinique d'accouchements. Nos collègues du département "documentation régional" avaient alors déterminée la nature de ce centre d'accouchement. Il s'agissait en réalité de l'adresse de ces sages-femmes, qui devaient exercer à domicile et non au sein d'une institution médicale spécialisée. Madame Saillet, puis Mlle Dulac, se seraient relayées à la même adresse à la fin des années 1920 :
Dans l’Indicateur Henry, nous avons trouvé effectivement au 38 de la rue Centrale (actuelle rue de Brest), entre 1920 et 1930, deux personnes pratiquant des accouchements, Mme Saillet et Mlle Dulac. En 1928, Mme Saillet est "sage-femme" et Mlle Dulac "accoucheuse", peut-être en raison d'une différence de diplôme. Mais nous n’avons trouvé aucune clinique ou maison de santé à cette adresse dans les pages professionnelles.
Source : clinique d'accouchements, Guichet du Savoir.
Avant de mettre le doigt sur cette ancienne réponse, nous avions tout de même des doutes. La consultation des plans parcellaires de la ville de Lyon, sur le site des archives municipales de Lyon (l'ancienne rue Centrale s'étire entre le secteur 151 et 167, de la place des Jacobins à la rue Paul Chenavard au nord, près de la place des Terreaux ), pour les années 1913 et 1930 (les deux cartes les plus rapprochées de l'époque qui nous intéresse), fait état de deux bâtiments appartenant aux hospices civiles de Lyon dans ce secteur. Ils auraient très bien pu faire office de centre d'accouchement pour votre aïeul mais il semblerait que ces bâtiments faisaient juste partie du patrimoine immobilier des hospices de Lyon, aujourd'hui encore premier propriétaire foncier de la ville "en raison des dons faits par les malades ou des vieilles personnes sans héritiers" - Dictionnaire historique de Lyon, 2009).
Par ailleurs, les noms indiqués sur les bâtiments de la rue sont ceux de leurs propriétaires. Pour le 38 de la rue centrale, il est écrit "La Martinière", en 1913 comme en 1930. Faut-il en conclure que l'immeuble dans lequel vivaient et pratiquaient ces maïeuticiennes appartenait aux écoles de La Martinière, établissements d'enseignement technique créés par Claude Martin, basés au départ à Lyon ? S'agit-il d'un homonyme ? Nous n'avons pas d'explication. De plus, lorsque nous cherchions des renseignements sur les activités menées à cette adresse dans la presse ancienne lyonnaise et dauphinoise grâce au site Lectura Plus, nous tombions régulièrement sur des annonces à propos de l'étude d'un certain A. Pelloux, docteur en droit et avocat (exemple ici avec Le Salut Public, en date du 9 avril 1924).
Pourtant, en cherchant davantage, nous avons rencontré énormément d'annonces de Madame Saillet ou de Mlle Dulac, relayées dans les annonces du Salut Public ou du Petit Dauphinois. Souvent, celles-ci étaient formulées en ces termes :
Mme Saillet, s-femme, 1re. cl, 38, r. Centrale Lyon.
Tel 48.33. Pension à t. époque. Se charge de l'enfant. Cons. t. les jours. Discrétion.
Source : Le Petit Dauphinois (18 janvier 1923, p. 4).
Comprenez ainsi, comme l'expliquaient nos collègues dans leur précédente réponse, que ces professionnelles exerçaient le plus souvent au domicile des familles dans l'entre deux guerres. Elles pouvaient aussi recevoir ou se rendre dans les hôpitaux ou dans les maisons de santé :
L’Indicateur Henry signale les métiers des personnes habitant les rues de Lyon, mais cela ne signifie pas que ces personnes exerçaient obligatoirement leur métier à leur domicile. Et c’est d’autant plus vrai pour les accoucheuses : les sages-femmes et accoucheuses exerçaient soit dans des cliniques, maisons de santé, hôpitaux, soit au domicile des parturientes. Selon Françoise Thébaud, auteur de Quand nos grands-mères donnaient la vie, dans l’entre-deux-guerres, les deux pratiques coexistent avec une préférence des sages-femmes pour l’accouchement à domicile. Celui-ci contribue à la sauvegarde de la profession et la sage-femme participe du bien-être familial pendant l'accouchement et ses suites. Un médecin ne doit être appelé que si un problème survient.
Source : clinique d'accouchements, Guichet du Savoir.
Nous apprenons grâce à la lecture de ce chapitre coécrit par Mathilde Dubesset et Michelle Zancarini-Fournel « Sage-femme : un métier du féminin » dans Parcours de femmes : Réalités et représentations (Presses universitaires de Lyon, 1993) qu'il existait alors différentes classes de sages-femmes, d'où la mention 1re. Cl, pour "première classe", dans l'annonce de Madame Saillet. Les sages-femmes lyonnaises étaient très réputées grâce aux formations exigeantes reçues par les sœurs à la maternité de l'hôpital de la charité :
La création d’une école d’accouchement, demandée plusieurs années durant dans la presse locale, par des mémoires de médecins est finalement obtenue en 1889 dans les services de la maternité de l’Hôtel-Dieu.
(...)
Toutes les sages-femmes rencontrées ont été élèves à Lyon, à la maternité de l’hôpital de la Charité.
(...)
Mais, à peine créée, cette école est menacée par la nouvelle réglementation des études et de la profession mise en place entre 1892 et 1894. En effet celle-ci distingue deux classes de sages-femmes : la première classe qui requiert le brevet élémentaire et les cours d’une faculté de médecine ou d’un établissement assimilé et la deuxième classe qui nécessite la possession du certificat d’études et les cours d’une école d’accouchement.
Leurs conditions d'installation et d'exercice sont aussi évoquées :
C’est ainsi que débute une carrière de sage-femme à domicile. Certaines de nos interlocutrices, pourtant en retraite, ont gardé cette plaque sur leur porte, de même que leur trousse et leur sarrau, signes d’attachement à un métier dont elles parlent avec une fierté non dissimulée. En règle générale, la sage-femme se déplace pour aller au domicile de ses clientes. Plus rarement, elle ouvre une maison d’accouchement, le plus souvent un appartement avec quelques chambres, sans installation médicale particulière. Trois établissements de ce type sont ainsi mentionnés dans L’Annuaire de la Loire en 1910.
Le mention "discrétion" est aussi discutée :
La mention de l’enseigne : « Soins et discrétion absolue » laisse supposer qu’elles s’adressent en partie à des femmes désireuses de cacher leur grossesse : à Paris, Danièle Tucat a recensé de nombreux établissements de ce type, où l’on venait parfois de loin accoucher dans la discrétion.
Pour plus d'informations, nous vous suggérons la lecture des documents suivants :
Sage-Pranchère, N. (2014). L'appel à la sage-femme. La construction d'un agent de santé publique (France, xixe siècle) Annales de démographie historique, 127(1), 181-208.
La thèse de Nathalie Sage-Pranchère : L’école des sages-femmes, Sciences de l’Homme et Société. Sorbonne Université, 2011.
Le mémoire Les sages-femmes et l’avortement entre 1920 et 1975 de Estelle Wolozyn à l’École de Sages-Femmes Saint-Antoine, 2016.
S'agissant de pratiques professionnelles individuelles, nous ne sommes pas certains que des archives des accouchements de Madame Saillet ou Mademoiselle Dulac soient conservées. En revanche, vous trouverez les registres d'accouchement de filles-mères de l'hospice de la Charité sur le site des archives municipales de Lyon.
Bonne journée.