Parle-t-on des hospices de Lyon dans un acte de décès de 1812 ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je fais des recherches généalogiques sur ma famille. Dans un acte de décès de 1812 de Saint-Michel-de-Beaumont (Isère) , je trouve la mention suivante (transcrite au mieux...) : "le dix may mille huit cent douze pardevant nous maire de la ville de lion sont comparus [...] et [...] employés à l'ospice des malades de cette ville...".
Est-ce que, selon vous, il peut s'agir des hospices de Lyon créés par la révolution ?
Merci et bonne journée.
Réponse du Guichet

En 1812, l’expression « hospices des malades » renvoie très probablement aux Hospices Civils de Lyon, issus de la fusion de l’Hôtel-Dieu et de l’Hôpital de la Charité en 1797 et parachevée en 1802. Principal établissement hospitalier de la ville et seconde entité sanitaire du pays, ils accueillaient de nombreux malades et nécessiteux avant que d'autres institutions plus spécialisées ne s’y rattachent peu à peu tout au long du XIXème siècle (Antiquaille, Perron etc.). Aussi, "Lion" était bien une ancienne orthographe avérée de la cité. Pour l'année 1812 donc nous serions tentés d'abonder dans votre sens. Une double vérification aux archives municipales de Lyon pourrait quand même s'imposer !
Bonjour,
Sans plus d'informations et de précisions, il nous sera compliqué d'affirmer avec certitudes qu'il s'agit des Hospices de Lyon dont il est ici fait mention. Mais nous serions tentés d’abonder dans votre sens. En 1812 à Lyon, le terme "hospices des malades " faisait généralement référence aux Hospices Civils qui étaient, de fait, plus grande institution médicale de la ville. Née de la fusion entre l'Hôpital de la Charité et l'Hôtel Dieu en 1797 (et consacrée par arrêté ministériel en 1802), cette nouvelle entité devait parer à la dégradation financière des deux anciennes institutions et faire face à un afflux toujours plus important de malades et de nécessiteux (Le Grand Hôtel Dieu de Lyon - carnet de l'avant, Frédérique Malotaux, Ombline d'Aboville Ed. du Libel, 2016). Elle constituait même alors la deuxième administration hospitalière française juste derrière l'Assistance publique de Paris :
Les Hospices Civils de Lyon constituent la deuxième administration hospitalière française après l’Assistance publique de Paris. Ils naissent officiellement en 1802. Premier employeur de la ville, le maire de Lyon en préside, de droit, le conseil d’administration. Leur naissance remonte, au XVIIIème et XIXème siècles, de la fusion en deux étapes des hôpitaux pour parvenir à une gestion commune dans un souci de rééquilibrage des budgets. Le nom d’hospice est choisi au moment de la Révolution. Les deux bâtiments fondateurs sont l’Hôtel-Dieu du Pont du Rhône (hospice général des malades) et la Charité (hospice des vieillards et des orphelins). Au fil du temps, d’autres bâtiments et spécialités viennent s’ajouter.
Source : Brève histoire des hôpitaux de Lyon sur l'Influx, webzine de la BmL (2023)
Les autres bâtiments qui vinrent s'ajouter à la même époque sont, par exemple, l’hospice du Perron, premier établissement hospitalier créé par les Hospices Civils de Lyon en dehors des limites de la ville en 1845. Il sera surnommé "l'hospice des incurables". L'hospice de l'Antiquaille, implanté en haut des pentes de la colline Fourvière, rejoindra lui aussi l'institution cette même année. Cet établissement accueillait les "aliénés" et traitait les patients atteints par des maladies vénériennes. Actif depuis 1803, ce petit hospice pourrait lui aussi être celui mentionné dans cet acte de décès.
Il y avait aussi l'hopital de la Croix Rousse, créé en 1861 pour désengorger l'Hôtel Dieu mais aussi l'asile Sainte-Eugénie, ouvert le 27 mai 1867 et fondé à l'initiative de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, en réaction à ses visites de l'Hôtel Dieu et de l'hopital de la Croix Rousse (Hospices civils de Lyon - Fonds de l'hôpital Sainte-Eugénie (1866-1979)).
Il faut à cela ajouter que l'Hôtel Dieu était traditionnellement, et ce dès le 18ème siècle, associé à l'accueil des malades tandis que la Charité avait à sa charge l'accueil des vieillards et des orphelins comme nous l'expliquent les archives municipales de Lyon. La réorganisation administrative n'a pas fondamentalement bousculé cette répartition des tâches :
La loi du 7 octobre 1796 permet à La Charité de retrouver définitivement la jouissance de ses biens nationalisés en 1794 ; elle organise également la réunion des commissions administratives de l’hospice général des malades (l’Hôtel-Dieu) et de l’hospice des vieillards et orphelins (La Charité) en une seule commission hospitalière. La nouvelle commission, composée de 5 membres, est installée le 18 mars 1797.
(...)
Désormais, sept administrateurs s’occupent plus particulièrement des charges liées à l’organisation et à la surveillance de l’hospice des vieillards et orphelins : tutelle des enfants, fonctionnement du bureau de l’oeuvre des enfants abandonnés, placement des enfants, admission des vieillards et des incurables et réception des filles enceintes. L’Hospice compte 1087 lits en 1802. Jusqu’à sa fermeture en 1934,
Source : Hospice de la Charité - Archives municipales de Lyon.
Enfin, le nom "Lion" ne peut faire référence à une autre ville que la capitale des Gaules. L'orthographe "Lion" était courante en France pendant plusieurs siècles, entre le Moyen-Age et l'époque moderne. Le dictionnaire historique de Lyon (S. Bachès, 2009) consacre une entrée à ce débat éthymologique et met en avant la thèse du chanoine Meunier, "brillant linguiste" qui date de 1917 : Etymologie et orthographe du nom de la ville de Lion (Lyon, Rhône) par le chanoine J-M Meunier. La transposition de Lugdunum, où plutôt de Lugu-dunum dans le langage populaire d'antan, vers Lyon avec un "y" y est savamment décrite :
Le texte écrit par le chanoine J.M. Meunier reprend l’évolution de l’orthographe de la ville depuis sa fondation romaine sous le nom de Lugdunum jusqu’à son nom actuel Lyon. Il revient notemment sur les diverses significations données au terme «Lugdunum», les plus courants faisant référence au dieu gaulois de la lumière «Lug» et au terme «dunum» : colline, forteresse. Mais il y évoque aussi le terme «lugos» qui renvoie au corbeau. Le terme est ensuite simplifié et devient Ludgon, puis Luon pour enfin donner Lion ou Lyon. Dans son ouvrage, le chanoine Meunier prend le parti de dire que c’est bien l’orthographe Lion qui devrait être utilisée, montrant d’autres exemples dérivés de «Lug» dans d’autres communes françaises.
Le terme « Lion » se retrouve aussi sur plusieurs documents dont ce plan. Le titre est ainsi annoté « Lion, seconde ville du roiaume de France, capitale des provinces du Lionnois, Forez et Beaujollois, situé au confluent du Rhône et de la Saône à 45 degrez, 46 minutes de latitude, à 23 degrez 4 minutes de longitude ». Outre le titre, le plan porte d’autres inscriptions listant les portes de la ville ainsi que les grands monuments qui s’y trouvent.
Source : Présentation des archives de Lyon - Archives municipales de Lyon.
Même si nous ne pouvons en être certain en raison du peu d'éléments dont nous disposons pour commenter cet acte de décès, de prudentes conclusions nous mènent à la piste des Hospices civiles de Lyon et en particulier de l'Hôtel Dieu. De part sa fonction historique d'accueil des malades et nécessiteux, cet "hospice des malades" ne connaît pas de concurrences homonymiques fortes à cet époque. Hormis l'hospice de l'Antiquaille, plus spécifique, et certains établissements religieux qui pourraient employer ce terme par commodité d'usage, il est fort à parier que votre aiëul fut employé aux Hospices Civiles de Lyon.
Peut-être pourriez vous compléter vos recherches en vous rendant directement aux archives municipales de Lyon afin de croiser vos sources ?
Pour aller plus loin, nous vous suggérons également la lecture des documents suivants :
La vie quotidienne des patients à l'hôtel-Dieu de Lyon au XIXème siècle.
Garden, Maurice. « Chapitre I. Mise en situation : Lyon et ses hôpitaux ». Le Budget des Hospices civils de Lyon (1800-1976), Presses universitaires de Lyon, 1980.
Pavillon R, regarder l’hôpital, ateliers de photographies, INSA de Lyon- section arts plastiques études, Université Claude Bernard Lyon 1, HCL, 2013.
Hôpitaux de Lyon 15 siècles de médecine, Annie Crouzet, Éditions du Progrès, Lyon, 2011.
Traces, instants de vie à l’hôpital Edouard Herriot, HCL, Lyon, 2008.
Les hospices civils de Lyon, histoire de leurs hôpitaux, Alain Bouchet, René Mornex, Danielle Gimenez, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, Lyon, 2002.
Les hôpitaux de Lyon, Marianne Tesseraud et Tam Jouvray, numéro 105, septembre 2023.
Le Vinatier, radiographie d’un H.P., Alexandra Lolivrel, numéro 51, mars 2019.
Chroniques des véritables et lyonnaises aventures de Rabelais (1532-1535), Grégoire Berquin, numéro 33 septembre 2017.
Bonnes recherches.
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