Question d'origine :
Est-ce vrai que les gens qui travaillent dans le monde de la télévision souffrent souvent beaucoup car il paraît qu'il y a beaucoup de méchanceté dans le monde de la télévision? J'ai entendu quelqun dire 'quand on travaille pour la télévision soit on bouffe soit on se fait bouffer'...Est-ce vrai qu'il y a beaucoup de méchanceté dans le monde du travail pour la télévision?
Réponse du Guichet

D'après nos recherches la chaîne M6 et France Télévision sont les deux principaux médias à avoir été et à être encore épinglés pour la souffrance au travail de leurs salariés. Les motifs de cette souffrance chez M6 ? Rémunération insuffisante, manque de moyens, précarité, volume horaire trop important, harcèlement moral, violences verbales, sexistes et sexuelles.
Bonjour,
La souffrance au travail est malheureusement bien trop souvent présente dans le monde du travail et l'univers de la télévision n'en est pas exempt si l'on en croit les titres de différents médias sur une période de 10 ans :
« France Télévisions est devenue un abattoir » : malgré les témoignages de souffrance, aucune réaction de la direction, L'Humanité, 15 janvier 2025
France Télévisions : des salariés à bout de nerfs, Marianne, 16 février 2015
Des salariés de l’émission «Quotidien» témoignent de leur mal-être, La Lettre de l'audiovisuel, 24 septembre 2024
Dans les coulisses de “Quotidien”, des témoignages de souffrance au travail, Télérama, 23 septembre 2024
En décembre 2017, L'Humanité rapportait que l'audiovisuel en France traversait une si mauvaise période que les salariés en subissant les conséquences étaient en souffrance :
L'audiovisuel public français traverse une des pires crises de son histoire. Comme partout en Europe, il est de plus en plus confronté à la concurrence des plateformes de diffusion des géants américains de l'Internet (Netflix, Amazon...) et aux attaques des libéraux, qui ne rêvent que de démanteler les services publics.
[...]
Ce secteur ne cesse d'être fragilisé : économies à tous crins sur les programmes et les masses salariales, succession de plans de suppressions d'emplois, augmentation de la précarité, situations de souffrance au travail. Les dirigeants détricotent le modèle qu'ils jugent archaïque. Ils affirment aussi agir au nom de la révolution numérique, potentiellement une formidable opportunité de démocratisation, de renouvellement des publics et de déploiement de nouveaux outils de production et de diffusion, pour vanter le « média global ». Mutation conduite avec une baisse des moyens budgétaires, avec pour conséquences des menaces majeures d'appauvrissement et de standardisation des contenus.
[...]
Les entreprises de l'audiovisuel public et les milliers de salariés qui les font exister par leur travail souffrent plus des déstabilisations et errements politiques ou managériaux accumulés gouvernance après gouvernance que des évolutions technologiques permanentes qui irriguent et modifient leur activité professionnelle depuis plus de vingt ans. Les salariés de l'audiovisuel public ont été contraints de faire de très nombreux efforts (réduction d'effectif, création de la chaîne info sans moyens supplémentaires, baisse des budgets...).
[...]
... il est essentiel de développer une véritable politique de sécurisation des parcours professionnels dans ce secteur.
Source : Services publics de radiotélévision : y a-t-il péril en la demeure ?, L'Humanité, 19 décembre 2017
En 2025, le journal 20 minutes rapporte les résultats d'un sondage mené parmi les journalistes et réalisateurs de reportages :
91 % des répondants (sur une cohorte d’une centaine de personnes), déclarent avoir ressenti, au cours des dernières années un « excès de stress » et/ou un « sentiment d’épuisement ».
Selon l'enquête, 49 % des répondants (qui comptent 76 % de femmes, 24 % d’hommes) disent avoir été victimes de « crises d’angoisse » et 58 % avoir achevé une de leurs missions pour M6 en état de souffrance ou de burn-out. 4 % reconnaissent même avoir eu des « pensées suicidaires » consécutivement à leur travail.
Les 47 questions du sondage dégagent, parmi les causes de ce mal-être général, « une surcharge de travail, des consignes contradictoires, un manque de reconnaissance, une précarité généralisée, un isolement et une absence de culture d’entreprise ». La GARRD a donc sommé M6 d’améliorer les conditions de travail et de limiter les risques psychosociaux de ses employés.
Source : Stress, burn-out… Les journalistes et réalisateurs de reportage de M6 dépeignent des conditions de travail intenables, 20 minutes, 12 juin 2025
Les résultats de ce sondage réalisé par la Guilde des auteurs-réalisateurs de reportages et documentaires (GARRD) fin 2022 sont en ligne dans Souffrance au travail des auteurs réalisateurs : la fin du silence ? L’enquête de la GARRD - Janvier 2023. Ils indiquent que les motifs de cette souffrance sont structurels, relationnels (harcèlement moral, violence verbale) et sont d'ordre des violences sexistes et sexuelles :
A. Motifs structurels de la souffrance
Rémunération insuffisante, manque de moyens, précarité, volume horaire trop important sont les principaux motifs structurels de la souffrance au travail.
73% des répondant·e·s considèrent que leur rémunération est « souvent » voire « toujours » insuffisante.
69% des répondant·e·s ressentent « souvent ou toujours » un manque de moyens consacrés aux projets.
64% des répondants ressentent « toujours » ou « souvent » la précarité.
56% des répondant·e·s estiment que le volume horaire de travail est « souvent » voire « toujours » à l’origine de cette souffrance au travail.
B. Motifs relationnels de la souffrance
Le sondage révèle que c’est dans les relations avec les producteurs et rédacteurs en chef d'agences de presse que se situe le plus fréquemment l’origine de cette souffrance : « souvent » ou « toujours », pour 38% des répondant·e·s.
En deuxième position, la relation avec les diffuseurs arrive « souvent », voire « toujours » à l’origine de cette souffrance, pour 21% des répondant·e·s.
C. Violences sexistes et sexuelles
66 % des femmes indiquent avoir été victimes de remarques sexistes dans leur environnement de travail (contre 6% d’hommes).
26% des répondantes ont été victimes de harcèlement sexuel (45 cas).
5 % des femmes déclarent avoir été victimes d’agression sexuelle ou de viol dans le cadre du travail (9 cas révélés dans l’enquête).
Lire aussi Enquête sur la souffrance au travail, GARRD.
Depuis 2014 il existe un malaise chez M6 dont Télérama s'était fait le rapporteur avec l'article Démissions, maladies, burn out… chez M6 le malaise explose, 15 juillet 2014.
Une enquête de juin 2025, Conditions de travail des auteur·ices et réalisateur·ices dans le cadre de missions pour M6, toujours de la GARRD, tire la sonnette d'alarme de la chaîne afin que des mesures concrètes soient rapidement mises en œuvre (M6 : conditions de travail des auteurs réal, GARRD).
Si les articles cités ne sont pas publiés intégralement en ligne, vous pouvez les retrouver via le site de la BML, Lire la presse de chez vous, sur Europresse. Condition d'accès : être inscrit·e à la bibliothèque municipale de Lyon.
Bonne journée