Où trouver des menus de banquets organisés par Auguste Michel ?
Question d'origine :
Bonjour,
à Schiltigheim où étaient située son usine, le fabricant de foie gras Auguste Michel invitait à sa table, lors de mémorables banquets, tout ce que l'Alsace comptait d'intellectuels, artistes, historiens, compositeurs, Spindler, Stoskopf, Bucher, Erb, Schnug et tant d'autres. Ces banquets portaient le nom de "Kunschthafe" (pots de culture). Il y en eut trente-cinq entre 1896 et 1905. Auguste Michel faisait confectionner le dessin des menus, véritables oeuvres d'art, par des artistes renommés. La ville de Schiltigheim en conserve un certain nombre mais il en manque un certain nombre. Savez-vous si votre bibliothèque ou d'autres en possèdent également ? En trouverait-on dans des archives, des musées hors d'Alsace ?
Merci

Réponse du Guichet

En dehors des ressources documentaires présentes en Alsace, nous ne pouvons que vous orienter vers Gallica et la bibliothèque municipale de Dijon. Nous n'avons pas trouvé d'autres bibliothèques, musées ou services d'archives susceptibles de conserver des menus de Kunschthafe.
Bonjour,
Tout d'abord voici une petite présentation de ce groupe artistique :
Le « Kunschthafe » ! Ou encore orthographié de la manière suivante « Kunschthaafe », « Kunst-Haafe » ou encore « Kunsthãfe » parmi d’autres écritures désigne un terme dialectal alsacien traduisible par « pot d’art » ou « pot des arts ».
Mais c’est encore à l’un des membres fondateurs de ce cercle d’artistes, Gustave Stoskopf (1869-1944) artiste-peintre et dramaturge alsacien, que revient la meilleure interprétation de l’âme de ce cercle artistique :
« C’est une expression difficile à traduire, mais très parlante en dialecte, entière et dense, ou le terme Kunscht (art) est associé gastronomiquement au vocable Hãfe (le fait-tout). La formule très réductrice, et pourtant très envoûtante « marmite de l’art » suggère la marmite éternelle, ce fait-tout qui, ni jour ni nuit, ne quittait le feu. À chaque fois qu’était prélevé un aliment « à point », il était remplacé par un autre « à cuire » ; à chaque prélèvement de bouillon correspondait le rajout de la même quantité d’eau et d’ingrédients nécessaires. [...]
Auguste Michel organisa 35 banquets entre 1896 et 1905. Parmi ses pairs, autres membres fondateurs du cercle, figuraient également au même titre les illustres Pierre Braunagel , Louis-Philippe Kamm , Émile Schneider , Léo Schnug , Albert Kœrttgé , Émile Stahl , Henri Loux , le musicien Marie-Joseph Erb , le Docteur Pierre Bucher …Toutes les disciplines artistiques de l’Alsace sont représentées et la visite de l’écrivain René Bazinet du comédien Constant Coquelin Aînéparticipe à la représentation du rayonnement artistique « français ». [...]
En pleine occupation allemande, ces agapes étaient donc l’occasion de parler art, culture, politique et, à chaque occasion, Auguste Michel confiait à un artiste l’illustration du menu suivant. Les menus composés par celui-ci pour les réunions du Kunschthaafe, eux-mêmes des œuvres d’art, s’illustraient des talents des artistes membres du cercle tels que Léo Schnug, Joseph Sattler, Léon Hornecker et d’autres semblables.
Chaque artiste s’exprimait ainsi librement, s’identifiant par son empreinte artistique et sa virtuosité propre lorsque seul l’élément de la marmite symbolique se répétait.
Véritables hommages à l’histoire du Kunschthaafe, ces menus illustrent autant la richesse des dîners que l’abondance créative culturelle et artistique du cercle, fruit de l’état d’esprit de ces rencontres.Le cercle du Kunschthaafe s’orientait vers la culture française et vers la France. Ainsi, ces menus écrits en français en pleine « Alsace allemande » se référaient à la tradition culinaire française lui faisant ainsi honneur.
Dès lors, cet usage rappelle que le cercle du Kunschthaafe était un cercle francophile en réaction à la politique et à l’art officiel de l’empire allemand.
Cependant, l’identification à une double culture franco-allemande se démarquait conjointement dans les aspirations et l’esprit de certains membres du groupe tels que Charles Spindler ou Gustave Stoskopf.
Le cercle du Kunschthaafe avait avant tout une ouverture d’esprit de sorte que chacun pouvait librement exprimer ses opinions comme ses convictions.
source : Le Kunschthaafe (1896-1909) : d’un « Stammtisch* » peu ordinaire à la renaissance culturelle alsacienne / Anne-Sophie CHIFFLOT Assistante de collections Iconographie Médiatrice documentaire des collections iconographiques patrimoniales Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg - janvier 2024
Voir aussi le site Mémoire et Patrimoine de Schiltigheim que vous devez déjà connaître ainsi que ce site internet archivé : Le Kunschthafe (Kunschthaafe, Kunsthafe), creuset de la culture alsacienne / kunschthafe.eu
Une vingtaine de ces menus sont signalés dans Numistral, Gallica et dans la Revue alsacienne illustrée (dans l'article intitulé L'Alsace à table écrit par Adolphe Seyboth) mais il en manque probablement tout autant.
"Gallica propose un corpus de menus, rassemblés dans la Sélection "Patrimoine gourmand", issus des collections de la Bibliothèque nationale de France et enrichis de ceux de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg et de ceux de la Bibliothèque municipale de Dijon, qui possède l’une des plus grandes collections françaises de menus."
Quelques exemples :
- 24e réunion du 3 novembre 1900
- 25e réunion du 31 janvier 1901
- 26e réunion du 13 avril 1901
- 28e réunion du 28 novembre 1901
...
Au-delà des archives et bibliothèques alsaciennes, nous n'avons pas été en mesure d'identifier un établissement susceptible de conserver des menus de Kunschthafe.
A la Bibliothèque municipale de Lyon, nous ne semblons pas conserver de menu issu d'un Kunschthafe, seulement cet album : Kunschthafe : album - 1899.
Nous avons toutefois demandé confirmation aux conservateurs de notre fonds ancien et vous tiendrons informé.e de leur réponse.
Nous vous conseillons néanmoins de contacter la Bibliothèque de Dijon qui conserve une collection importante de 13 000 menus :
Historiquement, la constitution de la collection de menus trouve son origine dans la volonté de développer, à partir des années 1980, une politique documentaire orientée vers la gastronomie et le monde culinaire. Au-delà de l'établissement d'une bibliothèque gastronomique de référence, en tant que pôle associé de la Bibliothèque nationale de France, la Bibliothèque s'est attachée à recenser les fonds d'images et d'éphémères qu'elle pouvait conserver, comme les étiquettes, les affiches ou les tracts.
Le socle de la collection de menus s'est formé grâce à l'un des prestigieux fonds particuliers de la bibliothèque, le fonds Muteau. Ce premier ensemble de plus de mille documents est enrichi vers 1985 par le dépôt de près de cinq-cent menus appartenant au journaliste dijonnais Jean Bourgeois. En 2010-2011, la collection se trouve considérablement augmentée par l'acquisition de plus cinq mille menus provenant du collectionneur auxerrois Maurice Piat. En 2017 la collection s'enrichi du prestigieux dépôt Gomez rassemblant près de 1100 menus présidentiels. A ces quatre provenances viennent s'ajouter d'autres ensembles plus modestes. Des acquisitions de pièces historiques, ponctuelles puis de plus en plus fréquentes à partir du milieu des années 2000, alimentent la collection, comme la série de menus belges des années 1860 provenant de la collection Schellekens, les menus de Stowe House, résidence anglaise de Philippe d'Orléans, prétendant au trône de France exilé par la République, les menus présidentiels couvrant plus d'un siècle de réceptions élyséennes ou encore le rarissime menu de la 360e séance du Jury dégustateur de Grimod de la Reynière, datant de 1810. Les dons de particuliers, de plus en plus fréquents, pour la plus grande satisfaction des bibliothécaires, constituent une autre modalité d'entrée, et permettent de renforcer la part des menus de festivités familiales. Ainsi la série de menus faits main appartenant à René Béroud, modeste employé de commerce dijonnais dans les années 1930, dont les menus familiaux sont illustrés de charmants dessins et collages enfantins. Au total, la collection dijonnaise compte aujourd'hui plus de 13000 pièces, quelques 9600 menus numérisés et consultables en ligne à partir de cet inventaire.
Chronologiquement, la collection dijonnaise couvre plus de deux siècles de pratiques gastronomiques, mais les périodes historiques sont différemment représentées. Un seul menu, celui de Grimod de la Reynière, pour la première partie du 19e siècle (période à laquelle le menu n'est pas encore une pratique courante), et une quarantaine de menus, essentiellement belges, pour les années 1846-1870. La collection s'étoffe réellement à partir de 1870, fonds Muteau oblige, et l'on compte 200 menus pour les années 1870-1899 et plus de 500 pour les années 1900-1914. Les années de guerre et de l'entre-deux-guerres sont moins bien pourvues, et l'apport des menus Bourgeois vient abondamment garnir la période 1950-1970, avec une moyenne de 270 menus par décennie. Pour la période contemporaine, on compte en moyenne 120 menus par décennie. [...]
ainsi que la bibliothèque de Reims qui conserve une collection de menus constituée grâce à des dons datant de la fin du XIXe siècle à nos jours.
Des catalogues comme le ccfr ou calames n'en signalent pas d'autres.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse

Le conservateur de notre fonds ancien, que nous remercions ici, confirme que la Bibliothèque municipale de Lyon ne conserve pas de menu de Kunschthafe.
Il apporte toutefois quelques précisions qui pourront vous intéresser :
Si la BM de Dijon et la BnF sont les plus richement dotées en menus, d’autres institutions conservent aujourd’hui des collections de menus plus ou moins importantes. Une recherche «menus» dans la zone «fonds: nom, sujet ou provenance» du Répertoire des fonds du CCFr donne ainsi 31 résultats en France. Le livre de Caroline Poulain (conservatrice à Dijon) intitulé Potage tortue, buisson d'écrevisses et bombe glacée... : Histoire(s) de menus donne à la fin une liste des fonds de menus en France.
A noter : La plupart des collections de menus sont d’intérêt local, qu’elles soient issues de libéralités ou constituées volontairement par les bibliothèques. Seule la bibliothèque de Dijon a développé ses acquisitions d’un point de vue thématique et cherche à couvrir tout le territoire. La BnF en conserve du fait de la richesse de ses collections, et il n’est pas étonnant que la BNUS en ait plusieurs.
Quant à la BM de Lyon, notre collection est aussi d’intérêt local et nous n’avons pas de «kunschthafe».
Le musée de l’imprimerie et de la communication graphique de Lyon conserve un intéressant fonds de menus «vierges», issus des fonds d’imprimeurs. Il s’agissait de menus à choisir pour telle ou telle occasion. Dans la mesure où les kunschthafe étaient une tradition locale alsacienne, il est peu probable que les imprimeurs lyonnais aient des modèles qu’on retrouverait au MICG.