Qui a créé les catégories de génération "X", "Y", "Z" et comment se répartissent-elles ?
Question d'origine :
Cher guichet,
Je voudrais avoir des définitions claires concernant les générations , leurs proportions dans la population boomers ,Z. , Y etc.tant en France que dans le monde .
Qui a créé ces distinctions ? Tout les sociologues sont -ils d'accord avec?
Merci.
Réponse du Guichet
Les premiers à avoir catégoriser les générations seraient les journalistes Jane Deverson et Charles Hamblett. Douglas Coupland aurait popularisé le terme génération X grâce à son roman Génération X : Tales for an accelerated culture. Vous trouverez dans notre réponse les tranches d'âges de chaque génération ainsi que leur pourcentage en France.
Cependant, très utilisée par les médias, la notion de génération pose problème pour les sociologues. L'identification d'une génération reste soumise à différents critères démographique, généalogique, historique, sociologique, culturel, économique.
Bonjour,
Vous voulez connaître les définitions des générations X, Y, Z, qui a créé cette classification, leur proportion dans la population et savoir si les sociologues sont d'accord avec ces distinctions.
Qui a créé cette classification
Dans l'article [Générations] Mais d’où viennent ces appellations (gen x, y, z, alpha…) ?, l'ifop nous apprend que c’est en 1965 que les générations commencent à porter une lettre de l’alphabet, Jane Deverson et Charles Hamblett, les journalistes du magazine lifestyle britannique « Woman’s Own », ont valorisé ces termes grâce à leur article Generation X, publié le 1er janvier 1964. Cet article a donné lieu à un livre lui aussi intitulé Generation X.
En 1964, Génération X, un livre de poche, est sorti en librairie. [...] C'était un recueil d'entretiens avec des adolescents, avec leurs propres mots. [...]
Ni projet universitaire formel, ni fruit d'une étude marketing, Génération X est le fruit d'un pur hasard. En 1963, Jane Deverson, alors âgée de 23 ans, journaliste pour le magazine Woman's Own, est chargée d'écrire un article sur la jeunesse du pays. Elle parcourt la Grande-Bretagne pour interviewer des jeunes dans des cafés, des maisons de jeunes et chez eux, mais les informations recueillies sont jugées inappropriées par son employeur.
Deverson, cependant, était certaine d'avoir récupéré quelque chose de spécial qui ne devait pas être jeté à la poubelle.
Elle s'est associée au journaliste Charles Hamblett, de 20 ans son aîné, mais passionné par les écrits de la beat generation. Il débarquait tout juste d'Hollywood, après avoir écrit des livres sur des icônes de la jeunesse comme Marilyn Monroe et Marlon Brando.
Ils acceptèrent de poursuivre le travail commencé par Deverson. Une rencontre inspirante à Dublin avec le dramaturge Brendan Behan consolida ce pacte. [...]
Source : The original Generation X = La génération X originale, BBC, News magazine, 1er mars 2014
L'article The original Generation X de la BBC ajoute que le terme génération X serait devenu populaire avec le roman Génération X : Tales for an accelerated culture = Génération X : histoires d'une culture en avance rapide de Douglas Coupland en 1991.
Le livre de poche était épuisé à la fin des années 1960, alors en pleine mutation. Aujourd'hui, le terme «Génération X» est davantage associé au titre du roman de 1991 de l'écrivain canadien Douglas Coupland, qui a lancé une nouvelle appellation pour désigner une nouvelle tendance de jeunes d'une vingtaine d'années à la dérive contre-culturelle. Je n'ai jamais trouvé de preuve tangible de l'utilisation du terme «Génération X», même avant le livre de 1964.
Ce que confirme l'émission Pourquoi parle-t-on de générations Y et Z ?, premier épisode de la série Pourquoi la jeunesse n'est qu'un mot ? qui en compte 5, diffusée sur France culture entre décembre 2023 et janvier 2024.
Voir aussi p.15 de l'ouvrage The ABC of XYZ: Understanding the Global Generations de Mark McCrindle et Emily Wolfinger publié en 2014 et l'article Generation storytelling: (Counter-) narrative identity in Douglas Coupland’s Generation X: Tales for an Accelerated Culture de Per Krogh Hansen, juin 2025.
Définitions des générations boomers, X, Y, Z
Ajoutons à cela l'identification et la datation de ces générations boomers selon Baby boomer sur Wikipédia, X, Y et Z selon [Générations] Mais d’où viennent ces appellations (gen x, y, z, alpha…) ?, de l'ifop.
- La première génération de baby-boomers (nés entre 1946 et 1955), la génération qui incarne les changements culturels des années 1960.
[...]
- La deuxième génération de baby-boomers (Génération Jones) (nés entre 1956 et 1964), la génération qui atteint l'âge adulte dans les années de « malaise » des années 1970.
Source : Baby boomer, Wikipédia
La Génération X (1965-1980) serait la traduction d’une génération qui se cherche et qui a notamment vécu des évolutions socio-économiques.
La Génération Y (1981-1996), elle, serait plutôt dans l’utilisation des outils de communication modernes. Le Y peut également faire référence aux écouteurs qu’ils ont dans les oreilles (aka Walkman Generation et Millenials) !
La Génération Z (1995-2009), quant à elle, est née avec les technologies, les utilisant au quotidien et les transmettant aux parents.
La Génération Alpha (2010-2025) est la dernière identifiée aujourd’hui, les « enfants du millénaire ». Mark McCrindle, démographe australien, identifie cette génération comme étant la première née totalement au XXIème siècle. Celle-ci serait donc un renouveau !
Source : [Générations] Mais d’où viennent ces appellations (gen x, y, z, alpha…) ?, ifop
Pourcentages de chaque catégorie en France et dans le monde
Le tableau de l'insee, Population par sexe et groupe d'âges - Données annuelles 2025 donne les pourcentages par tranches d'âge en France. Nous avons fait le calcul pour trouver le pourcentage par catégorie mais celui des baby-boomers ne comprend pas les 75 - 79 ans.
- Génération Alpha (2010 - 2025) - Moins de 15 ans : 16,7%
- Génération Z (1995 - 2009) - Entre 15 et 29 ans : 17,7%
- Génération Y (1981 - 1996) - Entre 30 et 44 ans : 18,6%
- Génération X (1965 - 1980) - Entre 45 et 59 ans : 19%
- Génération Baby-boomer (1946 - 1964) - Entre 60 et 74 ans : 17,4%
Ourworldindata donne des chiffres dans le monde en billions en 2023 mais pour des tranches d'âges différentes (il faut déplacer votre curseur sur le graphique) :

Génération Alpha (2010 - 2023) - Moins de 15 ans : 2,02403 billions
Visual capitalist donne également une composition par âge à l'échelle mondiale mais le tableau ne correspond pas aux catégories de générations telles que décrites plus haut. La page Population (age group as % of total population) du site World Bank Group donne aussi des chiffres mondiaux mais cette fois-ci les tranches d'âge sont 0 - 14 ans, 15 - 64 ans et plus de 65 ans.
Les sociologues sont-ils d'accord avec ces distinctions ?
Dans les sciences sociales la catégorisation des générations est problématique comme l'exprime Claudine ATTIAS-DONFUT, sociologue, directrice des recherches à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse, dans son article GÉNÉRATION pour l'Encyclopédie Universalis.
La notion de génération est une catégorie qui procède non pas de données biologiques, mais de processus sociaux et temporels. Les naissances et décès continuels, par lesquels la société se renouvelle, ne forment pas en eux-mêmes des générations. Celles-ci sont des abstractions, des produits de l'imaginaire social, dont la fonction symbolique est d'organiser le temps. Si la notion de génération est abondamment utilisée dans les médias, le langage courant et dans de nombreuses disciplines scientifiques, elle apparaît aussi polysémique que problématique dans les sciences sociales.
Du point de vue démographique, le terme est synonyme de « cohorte de naissances » et s'applique à la totalité des individus nés une même année. Mais génération et âge restent deux attributs bien distincts : on fait partie d'une même génération tout au long de sa vie tandis qu'on passe continuellement d'un âge à l'autre.
[...]
Du point de vue généalogique, la génération désigne à la fois une relation de filiation et l'ensemble des personnes classées selon celle-ci. Cette définition s'applique généralement à la parentèle, mais peut être étendue à des groupes plus larges, d'âge indifférent, ayant en commun un même degré de filiation par rapport à un ensemble bien identifié.
[...]
En histoire, la délimitation et la définition de la génération ont fait l'objet de nombreux débats et controverses. De la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, des réflexions et théorisations successives, issues du positivisme français ou de l'historicisme allemand, l'ont promue en catégorie et instrument de l'histoire générale des idées, des sciences, des arts, de la littérature ou de la pensée politique.
Utilisée comme mesure étalon de l'histoire, elle représente une période correspondant à la durée du renouvellement des hommes dans la vie publique ou encore au nombre d'années séparant l'âge du père de celui du fils. Généralement évaluée à trente ans, elle peut aussi se réduire à une décennie, quand elle se rapporte aux idées ou aux modes.
Karl Mannheim a inauguré un renversement de perspective décisif, dans son essai Le Problème des générations, paru en 1928. S'opposant aux conceptions de ses prédécesseurs, il récuse l'idée d'un rythme ou d'un progrès de l'histoire étalonnés par la succession des générations ou le cours de la vie humaine. Adoptant une démarche sociologique, il considère la génération à la fois comme produit et vecteur de la dynamique socio-historique. Il distingue, d'une part, les « générations potentielles », constituées de personnes nées à la même époque, qui, dans une société aux changements lents, n'émergent pas nécessairement comme ensemble social, et, d'autre part, les « générations effectives » qui se constituent lorsque surviennent des ruptures, des événements fondateurs, cristallisant « conscience historico-sociale » et identité collective. Cette imprégnation sociale et culturelle touche de manière privilégiée les jeunes, plus perméables et réceptifs aux changements, à l'âge où se forme une « vision du monde » (Weltanschauung). Toute expérience ultérieure reçoit sa signification de cette expérience originelle soit en la vérifiant et en l'accomplissant, soit en devenant sa négation et son antithèse. Une génération ne forme pas pour autant un ensemble homogène. Au sein d'une même génération, diverses « unités de génération » s'opposent.
[...]
La thèse de Mannheim appelle cependant un certain nombre de critiques. Tout d'abord, une génération ne se caractérise pas uniquement par des faits historiques marquants. Son identification à un événement majeur est une construction rétrospective et sélective, une manière de remémorer et de commémorer l'événement, de le maintenir vivant par cette incarnation qui fonctionne comme délégation de témoignage, à la croisée de la mémoire et de l'histoire. Parmi les expériences vécues qui marquent, prennent place aussi un ensemble de faits sociaux et de repères culturels, qui contribuent à « l'empreinte du temps » telle que la définit la Sociologie des générations (Altias-Donfut, 1988). Cette empreinte est faite de référentiels communs, d'un fond de réminiscences partagées, à l'image des évocations de Georges Perec. Elle est faite des changements progressifs de valeurs et de normes qui accompagnent l'évolution des sociétés et creusent les différences entre jeunes et vieux, dans une « révolution silencieuse », comme la définit Ronald Inglehart. Elle inclut aussi les fluctuations économiques, agissant sur les conditions d'entrée dans la vie active et produisant des générations aux chances de réussite inégales, mises en évidence, par exemple, par la comparaison des carrières professionnelles des trentenaires sur une période de trente ans, par Christian Baudelot et Roger Establet (Avoir trente ans en 1968 et en 1998, 2000).
Enfin, le sentiment d'appartenir à une génération ne se forme pas seulement horizontalement, par rapport à une période historique donnée, mais aussi verticalement, par rapport aux liens de filiation. Les générations se constituent réciproquement, dans la durée, à travers les continuités et transformations de la société et à travers les relations intrafamiliales.
Pour vous faire une plus large idée sur ce que pensent les sociologues à ce propos, vous pourriez lire
- De la conscience de génération aux inégalités intergénérationnelles in Peugny, C. et Van de Velde, C. (2013). Repenser les inégalités entre générations. Revue française de sociologie, . 54(4), 641-662
- Didier Demazière, « Les générations comme catégorie d’analyse », Temporalités [En ligne], 2 | 2004
- « La sociologie des générations depuis les années soixantes : synthèse, bilan et perspective » Guy Falardeau Politique, n° 17, 1990, p. 59-89
- Devriese, Marc. “Approche Sociologique de La Génération.” Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no. 22, 1989, pp. 11–16. JSTOR
Et si vous lisez l'anglais, The brief history of generation – defining the concept of generation. An analysis of literature review / Alexandra Popescu. Journal of Comparative Research in Anthropology and Sociology, published by: Universitatea din Bucuresti, Facultatea de Sociologie si Asistenta Sociala, 2019, pp. 15-30
Et plus largement sur ce sujet, ces ouvrages pourraient vous intéresser :
Le passé à venir : repenser l'idée de génération / Tim Ingold ; traduit de l'anglais par Cyril Le Roy, 2025
Millenial burn-out : X, Y, Z, comment l'arnaque des générations consume la jeunesse / Vincent Cocquebert, 2019
Sociologie des âges de la vie / Cécile Van de Velde, 2015. Version umérisée par Google livres
Le problème des générations / Karl Mannheim ; traduit de l'allemand par Gérard Mauger et Nia Perivolaropoulou ; préface , introduction et postface de Gérard Mauger, 2011
Sociologie des générations / Altias-Donfut, 1988, numérisé par Google livres
Bonne journée
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