Pouvez-vous me confirmer la traduction de ces vers de Marie de France ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je viens d'écouter et retranscrire le "Lai du bisclavret" de Marie de France lu par des comédiennes, dans la traduction de François Morvan parue chez Actes Sud. Il me semble que quelques vers ont été (volontairement) omis dans le début que voici (ma transcription) :
- Puisqu’à présent je fais des lais,
- Je n’oublierai le Bisclavret.
- Bisclavret, disent les Bretons.
- Chez les Normands, Garou dit-on.
- ...
- En Bretagne était un baron.
- Grande merveille en disait-on.
Je réside en Corée du Sud et il ne m'est pas possible de consulter l'ouvrage. Pourriez-vous me confirmer la chose et éventuellement me communiquer ces vers manquants ?
Bien cordialement,
Stéphane
Réponse du Guichet
Voici les vers qui vous manquent du deuxième paragraphe du "Lai du bisclavret" de Marie de France selon la traduction de Françoise Morvan pour Actes Sud. Les vers précédents et suivants sont bien les bons.
Bonjour,
Marie de France est une poétesse du XIIème siècle (1154-1189). Son nom est généralement associé à trois œuvres littéraires en français : un recueil de lais (poèmes lyriques et narratifs du Moyen-Age), un recueil de fables et une traduction du Purgatoire de saint Patrice, bien que des doutes subsistent quant au troisième. Ses œuvres passent pour être les premières écrites en Occident en langue "vulgaire" (populaire) pour une femme de lettre. Elles connurent un succès considérable, notamment ses fables lues sans discontinuités du XIIème au XVIIIème siècle (Wikipédia).
Mais nous ne connaissons que fort peu de choses à son sujet. Elle est désignée sous le nom de "Marie de France" depuis le XVIème siècle en raison de l'épilogue des Fables où elle se présente en ces termes : Marie ai num, si sui de France (« mon nom est Marie, et je suis de France ») (Universalis - Marie de France). Selon Daniel Poirion, auteur de la notice Universalis, le nom "de France" désigne l'île de France d'où elle serait originaire. Cependant, Marie vivrait en Angleterre anglo-normande au vu des traits dialectaux qui marquent son œuvre. Il estime aussi que les lais de Marie ont été composés entre 1160 et 1178 et probablement avant 1170. Philippe Walter, dans sa préface des Lais pour les éditions Folio (2020) les situent aussi entre 1160 et 1180.
"Le Lai du bisclavret" qui signifie "loup-garou" est résumé ainsi sur Universalis :
Bisclavret : Un seigneur breton révèle imprudemment à sa femme qu'il se transforme parfois en loup-garou (bisclavret) et lui apprend qu'en dérobant ses vêtements, qu'il cache dans la forêt lorsqu'il est sous forme animale, on l'y maintiendrait pour toujours. C'est ce que fait bientôt la femme pour l'amour d'un autre. Plusieurs années après, le loup-garou, débusqué dans la forêt par la chasse du roi, sait suffisamment se faire comprendre de celui-ci pour que la vérité soit découverte. On lui rend, avec ses vêtements, sa forme humaine.
Source : Marie de France - Universalis.
En effet, votre version est écourtée de plusieurs vers. Nous nous référons aux deux traductions de Françoise Morvan que nous possédons dans nos collections pour vous aider à compléter : Lais Marie de France (Actes Sud, 2022) (édition lycée, ressource enseignante) et Le lai du rossignol et autres lais courtois de Marie de France (Librio, 2011). Nous ne notons aucune différence entre les deux. Voici donc le passage manquant :
Chez les Normands "garou" dit-on.
Jadis on allait racontant
(Et la chose arrivait souvent)
Que d'aucuns, changés en garous,
Fuient dans les bois comme des loups.
Le garou est bête sauvage ;
Tant qu'il est pris de cette rage ,
Il tue les gens, faits grands méfaits,
Et vit et court dans les forêts.
Mais sur ce, en voilà assez :
Du bisclavret je vais parler.
En Bretagne était un baron
...
Source : Lais de Marie de France (Actes Sud, 2022) (p. 37)
On ne résiste pas à vous partager cette note de bas de page au sujet de la traduction "garou" :
Le texte original indique "Bisclavret ad nun en bretan / Garwalf l'apelent li Norman". Le nom normand "garwalf" a donné "garou" ; en breton "bisclavret" correspond à l'association de bleiz, "loup", et de "clavret", transposition de "garou". Il signifie donc "loup-garou".
Mais aussi cette analyse qui fait référence à cette traduction et au long-garou sur le blog Actuel Moyen-âge : Ce qui fait peur au XIIe siècle : le « Lai du bisclavret » de Marie de France.
Bonne journée.
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