Quelle était la pensée et la philosophie d'Alexandra David Neel ?
Question d'origine :
Quel était la philosophie d'Alexandra David Neel, 1ere femme étrangère à entrer dans Lhassa au Tibet.
Quel était sa propre quête spirituelle ? et son enseignement ?
Réponse du Guichet
Alexandra David-Neel, première femme occidentale à entrer dans Lhassa, consacra sa vie à l'étude du bouddhisme d'abord par l'intermédiaire de la Société de théosophie puis en se rendant au Tibet et au Sikkim où elle découvre les pratiques tantriques. Elle contribue au développement du bouddhisme moderne. Mais pour M. Dapsance, Alexandra David-Neel n'est pas bouddhiste. Elle n'a aidé qu'à diffuser un bouddhisme réinventé, conçu comme l’antithèse du catholicisme.
Bonjour,
Louise Eugénie Alexandrine Marie David alias Alexandra David-Neel, née en 1868 et morte en 1969 à l'âge de 100 ans, fut la première femme occidentale à entrer dans Lhassa en 1924. Sa vie et sa notoriété sont marquées par cet exploit et par ses différents périples en Asie : en Inde et en Indochine en 1894 et 1895-1896, principalement au Sri Lanka, en Inde, au Sikkim, au Népal, au Japon, en Chine et au Tibet de 1911 à 1925 et, durant la période de 1937 à 1946 où elle voyagea de Paris à Pékin (Beijing) par le Transsibérien, rejoignit la frontière tibétaine par le Wutaishan, Hankeou, Chengdu et Dartsedo (Kangding), visita Kunming et enfin revit Darjeeling et Calcutta avant d'être rapatriée en France. (Source : DAVID-NEEL Alexandra, Samuel Thévoz - Aghora, 21/03/2022)
Cette grande exploratrice fut aussi cantatrice, écrivaine, féministe, anarchiste, franc-maçonne et bouddhiste. Avec son premier compagnon, Jean Hautstont, Alexandra David fréquente les milieux artistiques, ésotériques et libertaires bruxellois, cercles bohèmes autant que bourgeois où elle rencontre Élisée Reclus, son père spirituel.
Elle développe très tôt un intérêt pour les religions orientales :
Lectrice passionnée et curieuse, encline à l'introspection, volontiers solitaire, voire misanthrope, la jeune Alexandra aiguise son esprit critique en lisant abondamment les philosophes antiques, la littérature religieuse et les grandes œuvres des religions orientales, au sens large que le terme avait alors.
Source : DAVID-NEEL Alexandra, Samuel Thévoz - Aghora, 21/03/2022)
En 1892 elle devient membre de la Société de théosophie qui lui ouvre les portes de l’Asie puis s'inscrit à l’École pratique des hautes études :
Tout en acceptant des contrats de chant au pied levé, vivant d’expédient, Alexandra David, partiellement insatisfaite de l’approche théosophique des religions d’Asie et du bouddhisme en particulier, s’inscrit à l’École pratique des hautes études. Elle fréquente, dans la mesure de ses disponibilités, les cours de japonais, de religions d’Extrême-Orient et les leçons sur le bouddhisme donnés par Léon de Rosny (1837-1914), savant éclectique, pionnier des études asiatiques et ethnographiques en France avec qui, par l’entremise de Jacques Tasset (1868-1945) rencontré à la Société, elle établit une relation intellectuelle tumultueuse mais durable (MADN, Archives, n.c.). Elle suit aussi le cours de Philippe-Édouard Foucaux (1811-1894) au Collège de France sur le Lalitavistara Sūtra, le premier récit étendu de la vie du Bouddha à avoir retenu l’attention des savants européens. Le voyage qu’effectue Alexandra David en Inde en 1894 s’explique ainsi par son désir de confronter la réalité du terrain à ses conceptions personnelles et aux savoirs et représentations circulant en Europe.
[...]
Les quelques articles qu’Alexandra David publie à cette période sous les noms de Mitra et de Myrial témoignent de son évolution : d’un débat d’idées « en interne » sur les valeurs et les croyances des théosophes, elle s’oriente, suite à son voyage en Asie, vers les milieux socialistes et anarchistes à l’intention desquels elle compose une version libertaire du Bouddha et de son enseignement (Mitra, 1895).
Source : DAVID-NEEL Alexandra, Samuel Thévoz - Aghora, 21/03/2022)
Selon l'article Alexandra David-Neel de l'I-ENS, Institut de l’École Normale Supérieure, elle rencontre Philippe Néel de Saint-Sauveur qu'elle épouse en 1904.
Elle a 36 ans et sombre très rapidement dans la dépression. Son époux comprend très vite qu’elle n’est pas faite pour être une femme au foyer et que sa soif de voyage ne peut pas être étanchée par les quelques petits voyages qu’ils font en commun.
Il accepte qu’elle parte pour les Indes pour un voyage d’étude de 18 mois, elle y restera 14 ans ! Ce retour aux sources du bouddhisme est pour elle une renaissance, elle parcourt les Indes, le Népal, le Sikkim. Elle y rencontre un jeune moine de 14 ans, Aphur Yongden, qui deviendra son fils adoptif. Alexandra ne voulait pas d’un enfant imposé par la nature, elle a choisi le sien.
De 1907 à 1924, elle écrit sous son nom d’autrice Alexandra David dans sa maison arabe achetée par Philippe Neel à la Goulette. Nommée la Mousmé, cette maison représente pour elle son matham : le maṭha est le nom donné aux monastères hindous ; c’est aussi le titre d’une de ses nouvelles en 1903 (Neel-David A., 1903) :
L’œuvre qu’elle produit dans cette première maison d’écrivain prend de multiples formes et se déploie tous azimuts : débats d’idée, pamphlets militants, nouvelles, romans, vulgarisation scientifique. L’autrice en herbe rédige plusieurs études sur l’Asie qui portent tour à tour sur le Japon, la Corée, l’Inde, la Chine, le Tibet. Si les sujets sont des plus divers, bon nombre de ses contributions ont en commun de porter sur les liens entre religion et politique. À l’heure de la loi sur la séparation des Églises et de l’État, elle entend contribuer par la présentation de modèles venus d’Asie au débat autour du « solidarisme » de Léon Bourgeois (1851-1925) par exemple. Concurremment, elle milite en faveur d’un « féminisme rationnel », s’engage pour la défense de l’enseignement et de la morale laïques, de la prise en charge des orphelinats par l’État, de la réforme du mariage, d’une réflexion sur l’instruction des filles ou des indigènes dans les colonies ; toutes ces causes expliquant son entrée en franc-maçonnerie dans ces mêmes années.
[...]
Sur le plan intellectuel, le croisement de son intérêt pour l’Asie, de son combat pour la laïcité et de ses ambitions internationales culminera dans les années 1910 par sa collaboration aux Documents du progrès, revue diffusée en plusieurs langues et dirigée par le sociologue pacifiste et internationaliste Rudolf Broda (1880-1932), et à plusieurs revues connexes. C’est le moment où elle redonne au bouddhisme une place de premier rang dans sa vie (elle présente son matham tunisien comme le siège d’un « Comité de propagande » bouddhiste [The Maha-Bodhi and the United Buddhist World, 1910, p. 448] et développe activement ses relations avec les réseaux bouddhistes mondiaux) comme dans son œuvre (son Bouddhisme du Bouddha et le Modernisme bouddhiste paru en 1911 peut être considéré comme son premier livre d’autrice). C’est aussi le moment où prend forme son projet d’un grand voyage en Asie, encouragé par son mari. Avec l’appui du ministre des Affaires étrangères, Stephen Pichon (1857-1933), et celui, mitigé, de l’archéologue et sinologue Édouard Chavannes (1865-1918) , elle obtient une modeste subvention du Ministère pour une mission scientifique d’une année en vue d’« étudier, sur place, les manifestations modernes des grandes écoles philosophiques et religieuses d’origine hindoue : le bouddhisme réformiste ou moderniste et le néo-védantisme. » (AN, F/17/17281) Pareille mission devait intéresser moins les philologues orientalistes que les ethnographes et anthropologues dont Alexandra David était proche. Complété par « quelques études sur le yoguisme [sic] moderne » et « une enquête sur l’enseignement indigène, spécialement en ce qui concerne l’instruction des filles », le voyage prévu principalement en Inde devait la mener ensuite en Birmanie, en Indochine et au Japon. Rien ne laissait présager qu’Alexandra David deviendrait une autorité sur le Tibet, ni moins encore sur le bouddhisme tantrique tibétain. Cette spécialisation est donc entièrement le fruit d’une rencontre de terrain. Intriguée par le néo-tantrisme bengali lors de son séjour à Calcutta, notamment auprès de John Woodroffe (1865-1936), elle apprend la fuite du Dalai lama à Kalimpong, à la frontière de l’Inde et du Sikkim, où elle se rend sans tarder (David-Neel A., 2000, p. 108-140).
Alexandra David découvre au Sikkim les pratiques tantriques, auxquelles l’initie le troisième sgom chen (« grand yogi ») de Lachen, Kunzang Ngawang Rinchen (1867-1947), dans une caverne aux confins du Tibet qu’elle baptise « De-chen Ashram » (l’ermitage de la « Grande Paix », selon sa propre traduction). L’univers religieux tibétain qu’elle observe et dont elle étudie les textes s’offre à elle comme un terrain d’enquête jusqu’ici inexploré, en marge des formes ritualistes et ecclésiales de ce qu’on appelait alors le « lamaïsme » et auquel on réduisait le fait religieux tibétain. En 1913, dans son rapport intermédiaire de mission (AN, F/17/17281), elle avance ainsi : « Le Bouddhisme thibétain est très peu, et, surtout, très mal connu. Les écrivains qui ont publié des livres à son sujet n’ont parlé que des pratiques extérieures du culte populaire, faute d’avoir pu pénétrer au-delà, la réserve des lamas lettrés étant extrême envers les étrangers. »
[...]
Le sujet de prédilection de nombreux de ses ouvrages, celui du moins qui a le plus durablement retenu l’attention du lectorat, est l’initié tantrique, le lama-yogi qui, « sportsman de l’esprit », est entre autres capable de produire un « feu intérieur » (tumo, tib. gtun mo). Attirant un public familier de l’Asie occulte des théosophes, dans la lignée de quelques ouvrages de vulgarisation et de fiction encore récents sur le tantrisme indien et tibétain, cette figure héroïque est jugée comme quelque peu romanesque par les orientalistes comme Sylvain Lévi...
Source : DAVID-NEEL Alexandra, Samuel Thévoz - Aghora, (21/03/2022)
En 1928, Alexandra David-Neel achète une propriété à Digne qu'elle baptise du nom sanskrit, « Dhyāna Vihāra » (monastère de la méditation), dont l’équivalent tibétain, « Samten Dzong » (bsam gtan rdzong, Fort de la Concentration ou, selon sa propre traduction, Forteresse de la Concentration), deviendra l’identité de la maison de l’écrivaine [...]. En 1929, elle part à la recherche de la mythique cité de Shambhala et d’informations sur les doctrines et pratiques relatives à ce qu’elle appelle une « énergie sans causes perceptible et perpétuellement active en tout ». (Source : DAVID-NEEL Alexandra, Samuel Thévoz - Aghora, 21/03/2022)
L'article On the Threshold of the "Land of Marvels:" Alexandra David-Neel in Sikkim and the Making of Global Buddhism de Samuel Thévoz (2016). The Journal of Transcultural Studies, 7(1), 149-186, aborde l'engagement d'A. David-Neel dans le bouddhisme et sa contribution au développement du bouddhisme moderne :
Convertie au bouddhisme occidental dès ses débuts, Alexandra David-Neel cherche rapidement à entrer en contact avec des représentants du bouddhisme moderne, tant asiatiques qu'occidentaux. Se sentant sans doute isolée dans son propre cercle social, elle s'efforce d'établir de plus vastes « sociétés transcontinentales » au sein du monde bouddhiste. Par exemple, à partir de 1908, elle correspond avec D.T. Suzuki, dont le célèbre ouvrage *Outlines of Mahayana Buddhism* , publié en 1907, a probablement éveillé son intérêt pour le bouddhisme mahāyāna. Elle lui rend ensuite visite au Japon et aborde fréquemment son approche du bouddhisme (moderne) dans ses publications. Elle correspond également, et c'est le plus notable, avec Dharmapala, à partir de 1910, et le représente au Congrès de la Libre Pensée de Bruxelles. En tant que porte-parole des bouddhistes modernes, elle lit la déclaration de Dharmapala selon laquelle « le Bouddha a été le premier à proclamer la science de l’émancipation humaine du ritualisme et de la superstition, créés par un clergé despotique » et que, à sa grande satisfaction, « les promoteurs occidentaux de la pensée scientifique ont travaillé selon le même principe pour l’émancipation et l’éducation de toute la race humaine, sans distinction de nationalité ou de race ».
La même année, elle écrit à Nyanatiloka Mahāthera (Anton Gueth, né en Allemagne, 1878-1959), qui lui rend visite à son domicile à Tunis. Nyanatiloka Mahāthera avait quitté Francfort en 1902 pour étudier le bouddhisme en Inde, avait été ordonné moine bouddhiste ( bhikkhu ) et avait fondé un « monastère forestier », l’« Ermitage insulaire » de Polgasduwa, sur un îlot du lac Rathgama, près de Dodanduwa, où David-Neel passe du temps à son arrivée à Ceylan en septembre 1911.
Dans le même temps, David-Neel souligne la compatibilité du bouddhisme avec les paradigmes modernes de détraditionalisation, de démythologisation et de psychologisation. Elle partage ainsi explicitement le programme du « bouddhisme moderne », que Lopez définit comme « un bouddhisme international qui transcende les frontières culturelles et nationales, créant […] un réseau cosmopolite d’intellectuels, écrivant le plus souvent en anglais ». Les bouddhistes modernes affirment généralement que le « bouddhisme ancien » partageait fondamentalement les idéaux modernes de « raison, d’empirisme, de science, d’universalisme, d’individualisme, de tolérance, de liberté et de rejet de l’orthodoxie religieuse », et placent la méditation au cœur du bouddhisme. Bien que cette définition n’embrasse qu’un seul aspect, une seule « secte », de la modernisation du bouddhisme, elle correspond au premier objectif de David-Neel, qu’elle expose clairement dans ses premières publications sur le bouddhisme.
Cet article est aussi accessible en .htlm que vous pourrez facilement traduire en français si vous ne maîtrisez pas l'anglais.
Un autre article de Geneviève James, intitulé Alexandra David-Néel : l'orientaliste méconnue, Women in French Studies, vol. 9, 2001, p. 106-122, publié sur Project MUSE, pourrait peut-être nous en apprendre davantage sur sa philosophie, sa quête spirituelle et son enseignement mais nous n'avons accès qu'à son résumé :
Alexandra David-Néel, la première Européenne à pénétrer incognito au Tibet en 1924, connue pour cet exploit, est encore méconnue en tant qu'annonciatrice d'un orientalisme déjà «moderniste» fondé sur l'exploration « sur le terrain » et une expérience bouddhiste personnelle. Sa passion des voyages l'a amenée à explorer l'Asie pendant près de 25 ans, tant pour la documentation de ses récits de voyages et de ses livres sur les philosophies et religions orientales que pour son cheminement « intérieur ». Elle fut une pionnière de l'interdisciplinarité, pratiquant avant la lettre un orientalisme polyvalent. Elle a su, bien avant les savants érudits de son temps, traverser les frontières de sa discipline, rejoindre l'histoire des religions, la sociologie, l'ethnologie, pour construire un pont entre les études orientales et les sciences humaines.
Toutefois, la question de la spiritualité chez Alexandra David-Neel est remise en question par M. Dapsance dans un article publié sur Cairn :
Le bouddhisme des Asiatiques ou le bouddhisme des Théosophes ?
Louise David a découvert le bouddhisme de deux manières : d’abord à Paris, dans les milieux orientalistes (occultistes et savants) à partir des environs de 1890, puis en Asie (à Ceylan et en Indochine, à l’occasion d’une tournée de chant en 1893-1894 ; puis au Sikkim, au Tibet, en Chine, au Japon et en Corée à partir de 1912). Or, il se trouve que ces deux formes de « bouddhisme » sont parfaitement antithétiques. Ce que les observateurs de l’époque ont appelé, à juste titre, le « bouddhisme parisien » ou le « néobouddhisme » est un fait culturel global, nouveau, qui toucha, dès les années 1840, les arts plastiques, décoratifs et scéniques, la littérature, les sphères savantes, occultistes et politiques. Ce « bouddhisme » réinventé au XIXe siècle dans le contexte de la « Renaissance orientale » était explicitement conçu comme l’antithèse du christianisme, et en particulier du catholicisme : il s’agissait de refonder la société européenne sur les bases « saines » et « scientifiques » des « ancêtres aryens », qui fassent fi du délétère héritage « sémitique » (judéo-chrétien), responsable de bien des maux. C’est à cette création antichrétienne qu’adhéra ardemment Louise David, comme en témoignent ses différents articles publiés entre 1894 et 1911 sur le bouddhisme, la religion et les « mythes » juifs, dans lesquels elle ne cesse de créer un parallèle entre judéo-christianisme et bouddhisme, au détriment du premier, caricaturé au même titre que le second. Le bouddhisme auquel elle souscrit dès le début des années 1890 est dépourvu de surnaturel et de rituels et doit conduire à la découverte que le monde est vide, dénué de sens. Or, le bouddhisme pratiqué par les Asiatiques, qu’elle découvre lors de ses différents voyages, est au contraire marqué par la transcendance : les bouddhistes recherchent par les rituels et la spéculation un au-delà de cette vie, qu’il s’agisse d’une meilleure renaissance ou de la sortie définitive du cycle sans fin des renaissances. Lorsqu’elle constate la religiosité des peuples de Ceylan, d’Indochine et du Tibet, elle conclut, comme d’autres avant elle, que ces gens ne sont pas des bouddhistes authentiques. Entre ces deux écueils (le bouddhisme parisien trop marqué par l’ésotérisme ou, au contraire, par la sèche érudition et le bouddhisme des Asiatiques qui n’a plus de bouddhiste que le nom), elle trouve une troisième voie salvatrice : celle de théosophes anglais devenus moines en Birmanie (Allan Bennett alias « Ananda Metteya » et Frederick S. McKechnie alias « Maung Nee ») et de savants hindous colonisés par les Britanniques et convertis au Bouddha des théosophes européens (Anagarika Dharmapala, Lakshmi Narasu). C’est de ces « militants bouddhistes » qu’elle s’inspire pour un article et son ouvrage de 1911 sur le « bouddhisme du Bouddha ». Ces « écrivains », ces « intellectuels » comme elle les appelle, sont ses véritables inspirateurs et coreligionnaires. Ils sont ceux qui, comme elle, ont fait la synthèse de plusieurs héritages, ayant tous pour but de régénérer la société européenne en sapant ses fondations chrétiennes : l’occultisme franc-maçon et théosophique, le positivisme, l’orientalisme et l’anarchisme. Lorsqu’elle découvrit les pratiques religieuses tibétaines dans les années 1912 et suivantes, elle resta fidèle à sa version du bouddhisme comme miroir inversé du catholicisme et condamna comme de « puériles superstitions » les rituels des lamas. Le malentendu persista jusque dans sa fameuse retraite avec le directeur du monastère de Lachen (1914-1916), comme en témoigne une lettre qu’elle adressa à ce dernier. Louise David ne s’est jamais convertie au bouddhisme des lamas tibétains, ni à celui d’aucun Asiatique. Elle est restée fidèle à son projet intellectuel, qui était de trouver, pour elle et la société dont elle venait, un substitut au catholicisme alors attaqué de toute part.
Source : Dapsance, M. (2019). L’antispiritualité d’Alexandra David-Neel. Études, Juillet-Août(7), 75-82.
Pour M. Dapsance, également autrice de Alexandra David-Néel : l'invention d'un mythe, 2019, A. David-Neel n'aurait contribué qu'à diffuser un bouddhisme réinventé, conçu comme l’antithèse du catholicisme. [...] Elle cherchait un sens à sa vie qu’elle ne trouva pas dans le catholicisme, la religion de sa mère, même si elle songea un temps au carmel « par idéal romantique ». Dans son livre elle écrit que « Louise David, occultiste athée, a joué un rôle important dans la trahison de la pensée bouddhique qui revendique précisément l’indépendance totale de l’esprit par rapport à la matière – rendant seule possible la transmigration. Son objectif, à 30 ans, n’était ni l’épanouissement personnel ni le service d’autrui, « mais simplement la survie face à une société conçue comme aliénante » rapporte l'article de Claire Lesegretain, Alexandra David-Néel, ni bouddhiste, ni spirituelle, La Croix, 16 octobre 2019.
Mais pour en savoir plus à ce sujet, rien de mieux sans doute que de lire les ouvrages d'Alexandra David-Neel dont la BmL possède des exemplaires : Le Bouddhisme du Bouddha et le modernisme bouddhiste et Le Bouddhisme : ses doctrines et ses méthodes.
Vous pourriez également lire ses biographies :
Alexandra David-Néel /Jennifer Lesieur, 2013
Le lumineux destin d'Alexandra David-Neel / Jean chalon, 1985
Alexandra David-Néel : cent ans d'aventure / Jeanne Mascolo de Filippis, 2018
Alexandra David-Néel, passeur pour notre temps / Joëlle Désiré-Marchand ; préface Marie-Madeleine Peyronnet, 2016
Alexandra David-Neel : exploratrice et féministe / Laure Dominique Agniel, 2018
Ainsi que ses propres livres :
Bibliographie d'Alexandra David-Neel à la BmL
Bibliographie de l'association Alexandra David Neel
Bonne journée
Zones