Question d'origine :
ombre chinoise/ pourquoi ce nom? comment est il popularisé en Europe? et pourquoi particulierement en Angleterre?
Je sais que les Anglais utilisent une technique d'ombre et de silhouette pour representer des membres de leur famille mais quelle est exactement la raison de cette technique?
merci d'avance
Réponse du Guichet

Selon les deux ouvrages traitant des théâtres d’ombres que nous avons consultés, c’est à dire :
Les théâtres d’ombres, histoire et techniques de Denis Bordat et Francis Boucrot
Ombres et silhouettes de Hetty Pearl, Jack Botermans et Pieter van Delft,
cet art théâtral est très ancien. Il existe depuis l’Antiquité et est né sans doute en Asie, sans certitude sur un pays précis, les documents manquant… Ce dont on est sûr, c’est qu’il a été populaire en Chine dès le XIe siècle et dans le reste de l’Asie vers les XIIIe et XIVe siècle (avec par exemple l’Indonésie, l’Inde, la Thaïlande, le Cambodge ou la Malaisie). Et que c’est peut-être à partir de là qu’il s’est répandu dans le monde…
Quant au terme «d’ombres chinoises», voici ce que dit dans son introduction le livre de Denis Bordat et Francis Boucrot :
«Le spectacle dans lequel la silhouette des personnages se découpe sur un écran s’appelle en France «d’ombres chinoises». Ce nom évoque pour nous les recueils de pièces d’ombres et les théâtres-jouets du XIXe siècle. La couverture de ces recueils et le cadre qui entouraient l’écran étaient décorés de charmantes chinoiseries en lithographie. Mais nous verrons dans le chapitre consacré aux ombres de notre pays qu’il existe peu de rapport entre ces dernières et les ombres chinoises proprement dites.»
En Europe, les théâtres d’ombres commencent à apparaître au XVIIe siècle, peut-être plus tôt en Italie du Sud. «On parle du jeu d’ombres «chinois», celui-ci vient de Turquie et il se joue à l’aide de silhouettes, mot dont l’étymologie remonte au nom d’un ministre de Finances français du XVIIIe siècle»… (in : Ombres et silhouettes)
Pour une histoire complète de la diffusion (complexe et multiforme) de cet art et ses différentes techniques, nous vous invitons à consulter ces ouvrages, afin de saisir toute sa passionnante complexité…
Mais venons-en à la Grande-Bretagne (qui ne paraît pas, en Europe, avoir une position particulière).
Dans la seconde partie du XVIIIe apparaît en France le Théâtre Séraphin (de François Séraphin Dominique, son directeur) d’abord ambulant, puis installé dans un hôtel particulier à Versailles, et ensuite dans l’une des galeries du Palais Royal. On y représente des pièces pour enfants et adultes, souvent drôles, adaptés d’un répertoire populaire et de chansons connues. Ce théâtre contribua à la diffusion du théâtre d’ombres un peu partout.
A partir de 1835, à Londres, les forains qui représentaient du «guignol» la journée donnaient la nuit venue, des représentations d’ombres chinoises, comme Kitty Billing the pot. Certaines pièces du répertoire sont inspirées du théâtre de Séraphin… On les appelait aussi les gallanty shows.
On pouvait également, comme dans toute l’Europe, se procurer des théâtres d’ombres en papier à monter et à manipuler soi-même. Ils étaient parfois appelés chinese shows.
Quant aux silhouettes à découper soi-même, elles existaient sans doute avant 1700. Elles se répandirent surtout en Allemagne (jusqu'à, par exemples, les films de Lotte Reiniger...
Cette technique consistait à projeter le profil d’une personne sur une feuille de papier fixée au mur, on réduisait la silhouette obtenue à l’aide d’un pantographe (je résume rapidement). En 1783 fut inventée, par le philosophe et poète suisse Jean-Gaspard Lavater (inventeur aussi de la physiognonomie), la «chaise à portraiturer»… machine à projeter des silhouettes. A partir de cette silhouette on pouvait, à l’aide du Lavater de poche, analyser le caractère de la personne… Peut-être est-ce à cette sorte de «jeu de société» que vous faites allusion en parlant de représenter les membres de sa famille ?
Il y a aussi en parallèle, toute la littérature autour des «ombres à la main», qui persiste jusqu'à aujourd'hui.
En complément, voici le dossier de presse d’une exposition intitulée : Papiers découpés entre tradition et modernité.
Enfin, sur le site Artefake, voici une description complète du film de Werner Nekes, Cinemagica, qui répertorie nombre de techniques liées aux jeux d’ombres, aux lanternes magiques, et qu’il présente comme les ancêtres du cinéma…

Chaise à portraiturer de Lavater
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