Que fumait-on au moyen age

Réponse du Département Civilisation

- Pour une première approche de l’histoire du tabac en Europe, nous vous recommandons de consulter la chronologie du site du Musée anthropologique du tabac de Bergerac, et cette introduction à l’ouvrage de Philippe Jacquin, L’herbe des dieux :
« La rencontre des deux mondes en 1492 a entraîné pour l’Afrique d’abord, puis pour l’Europe et les autres continents, la découverte du tabac, plante d’origine américaine. En France, c’est André Thevet qui, le premier, entreprend de cultiver ce qu’il nomme pétun, du nom que lui donnaient les indigènes qu’il avait rencontrés au Brésil lors de l’expédition à laquelle il avait participé en compagnie de Villegagnon.
En 1560, Jean Nicot, alors ambassadeur au Portugal, informe le cardinal de Lorraine qu’il a « recouvré d’une herbe d’Inde, de merveilleuse et expérimentée propriété contre le noli-me-tangere, et les fistules déplorées comme irrémédiables par les médecins, et de prompt et singulier remède aux navrés. » Le tabac ainsi introduit à la cour de France n’est pas la seule plante que découvre l’Ancien Monde, mais parce qu’on lui prête des vertus médicinales, parce qu’il est un excitant doux et qu’il favorise les rapports sociaux, il connaîtra une diffusion universelle.»
Le tabac ayant été rapporté d’Amérique après la découverte de celle-ci en 1492, il n’était pas donc pas possible de fumer du tabac au Moyen-âge en Europe !

- Mais alors fumait-on, et si oui, que fumait-on, avant la découverte de l’Amérique ?

- La description faite par André Thevet, celui qui avait rapporté et acclimaté les graines de tabac en France, de la façon de fumer des autochtones (« La manière d’en user est telle : ils enveloppent, étant sèche, quelque quantité de cette herbe en une feuille de palmier, qui est fort grande, et la roulent comme de la longueur d’une chandelle, puis mettent le feu par un bout, et en reçoivent la fumée par le nez et par la bouche. ») montre qu’il n’existait certainement pas d’équivalent sur le vieux continent de ces cigares ou cigarettes de tabac. (Cité dans L’herbe à Nicot de Marc et Muriel Vigié.

- Cette relative nouveauté que constitue le fait de fumer est mentionnée également dans l’ouvrage de Terence McKenna : La nourriture des dieux : « Le haschisch est vieux de plusieurs millénaires, bien qu’il ne soit pas clairement établi à partir de quand les êtres humains commencèrent à récolter et à concentrer de cette façon la résine du cannabis. La pratique de fumer les dérivés du cannabis, qui est la façon la plus rapide et la plus efficace d’en obtenir les effets, n’arriva qu’assez tard en Europe. En fait, l’habitude de fumer ne fut introduite en Europe qu’avec le retour de Colomb qui rapportait le tabac de son deuxième voyage vers le Nouveau monde.
Voilà qui est tout à fait remarquable : un important schéma de comportement humain était il y a peu encore inconnu en Europe. » [C'est nous qui soulignons]

- « Dans l’Antiquité gréco-romaine, plusieurs plantes, préalablement séchées, étaient consumées de manière qu’on en respirât la fumée, considérée comme un remède et, parfois, comme un aphrodisiaque. De même le tabac, feuille d’une solanacée, était probablement fumé depuis des siècles par les Amérindiens quand les Européens débarquèrent e, Amérique centrale, ensuite au Canada. (…)
D’abord introduit en Espagne, le tabac s’est répandu en Europe (en France dans les années 1560). Vers 1600, il était cultivé dans tout l’ancien continent, à l’exception des pays à climat trop rude. (…)
A l’image du calumet utilisé par les Amérindiens, la pipe européenne très tôt fumée par les marins, était suffisamment répandue au XVIIe siècle pour apparaître dans la peinture (Le Nain, La Tabagie, 1643) et sur les enseignes des cabarets.» Article « Tabac » du Dictionnaire culturel en langue française sous la dir. d’Alain Rey.

- L’introduction du cannabis en Europe serait due aux Scythes, mais l’historien de l’antiquité Hérodote (0484-0420 av. J.-C.) relate que ceux-ci projettent les graines sur le feu pour bénéficier des effets euphorisants de cette fumigation, et ne fait nullement allusion à une quelconque méthode pour le fumer.
Si le chanvre était bien connu dès l’Antiquité et faisait parie de la pharmacopée pour ses qualités analgésiques, il semble bien que ses feuilles et graines aient été le plus souvent absorbées en décoctions, tisanes, mêlées aux aliments ou brûlées en fumigations.

- L'article d’ Hélène Houdayer dans la revue Psychotropes Vol. 7 2001/1 évoque le Moyen-âge :
« Historiquement, le chanvre ne s’apparente pas à une drogue. Le souvenir de la culture du chanvre en France est d’abord de nature textile. Les vêtements, draperies et toiles de chanvre du Moyen Âge restent une industrie traditionnelle de l’époque. Charlemagne à la fin du VIIIe siècle ordonne partout la plantation de canava. Le commerce du chanvre entoure les principaux ports de la Méditerranée en raison des cordages et des toiles nécessaires aux navires, mais l’existence à la même époque de grandes quantités de pipes atteste sa référence en tant que drogue. »
Mais le « pétard » n’avait pas encore été inventé !