Question d'origine :
bonjour,
j'ai entendu un reportage où boris cyrulnik parlait des génocidaires comme des êtres "anormalement normales", d'un point vue psychiatrique comment peut on qualifier cette qualité?
Peut on utiliser ces termes dans un autre contexte?
merci beaucoup pour votre trvail.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 17/03/2009 à 13h24
Nous ne connaissons pas le contexte de votre citation, nous ne pouvons donc guère en faire le commentaire. Sur le sujet de l’(a)normalité du bourreau, vous pouvez vous reporter à « Bourreaux ordinaires : psychanalyse du meurtre totalitaire » de Guy Laval : « Le passage à l’acte meurtrier n’implique ni mentalité de tueur, ni méchanceté intrinsèque : il est la conséquence de l’activation de certaines potentialités "ordinaires" de notre psychisme… Les sociétés "normales" prohibent le meurtre, aidées en cela par la morale et par la loi, s'appuyant chez l'individu sur l'inhibition par le moi des désirs meurtriers de son propre ça : "L'inconscient contient tout le mal de l'âme humaine", nous prévient Freud. Que se passe-t-il dans la tète de ces gens ordinaires qui les rend aptes à tuer ? Comment leur fonctionnement psychique peut-il être ainsi perturbé ? A partir de Freud, cet ouvrage propose une méthodologie psychanalytique d'investigations de tels phénomènes. »
« En l’absence de dialectique entre la conflictualité sociale et la conflictualité interne, le fonctionnement de l’individu s’éteint, privé d’énergie conflictuelle, et adopte une position de conformisme total. Son moi peut continuer à fonctionner de façon technique, opératoire. Donc à tuer pourvu qu’il soit assuré de l’impunité et que les circonstances s’y prêtent.
Quant au surmoi, mis dans la situation où l’idéal du moi est branché sur les idéaux collectifs, il ne peut plus contrôler l’état de l’objet idéalisé. Il est mis structurellement « hors circuit », puisqu’il ne peut plus construire son jugement à partir d’un moi illusionné, clivé et trompé. » in Revue française de psychanalyse 2006/1 volume 70, article de Geneviève Welsh.
Autre piste de recherche sur le fonctionnement psychique qui permet au comportement génocidaire de s’exercer, vous pouvez lire le passage sur le déni émotionnel dans « Un merveilleux malheur » de Boris Cyrulnik pp 142-148. Vous en trouverez un commentaire dans cette page sur la résilience.
Sans doute peut-on utiliser les notions de « normalité », « anormalité »… dans d’autres contextes :
En psychodynamique, la normopathie désigne la tendance à se conformer excessivement à des normes sociales de comportement sans parvenir à exprimer sa propre subjectivité. Cette personnalité a été décrite par les psychanalystes Joyce McDougall (normopath) et Christopher Bollas (normotic personality). Bollas la décrit comme « l'atténuation et finalement la disparition de la subjectivité, en faveur d'un moi conçu comme un objet matériel parmi les autres produits humains. »
Le psychanalyste Christophe Dejours rapproche la notion de normopathie de celle de « banalité du mal » développée par la philosophe Hannah Arendt à propos d'Adolf Eichmann, l'organisateur de la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Wikipedia.
Si vous lisez l’anglais, la consultation du site Online Encyclopedia of Mass Violence vous offrira d’autres pistes.
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