le conte
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/01/2010 à 22h14
259 vues
Question d'origine :
bonjour !
je voudrais avoir une définition précise d'un conte, et ce à quoi il sert. de plus, ma question serait, comment un conte socialise t-il et à qui est-il adressé?
merci beaucoup!
Réponse du Guichet

Réponse du service Guichet du Savoir
Nous ne pouvons retranscrire dans sa totalité, le très intéressant article que l'Encyclopaedia Universalis consacre au conte, mais nous vous incitons à en prendre connaissance dans une bibliothèque.
Extraits :
Le conte, et particulièrement le conte merveilleux, est-il, comme le voulait Paul Delarue, « l'expression la plus parfaite de tous nos récits oraux » ?
[...]
Qu'est-ce qu'un conte populaire ?
Si le terme de conte présente, dans la littérature, des acceptions multiples et des frontières indécises, trois critères suffisent à le définir en tant que récit ethnographique : son oralité, la fixité relative de sa forme et le fait qu'il s'agit d'un récit de fiction.
Le conte populaire s'inscrit d'abord dans ce vaste champ qu'en 1881 Paul Sébillot baptise, d'une expression paradoxale, « littérature orale ». Comme les comptines et les proverbes, les devinettes et les chansons, il bénéficie de cette « transmission de bouche à oreille » qui caractérise, selon Pierre Saintyves, le « savoir du peuple ». [...]
Le conte est, de plus, un récit hérité de la tradition, ce qui ne signifie nullement qu'il se transmette de façon immuable. Le conteur puise dans un répertoire connu depuis longtemps la trame de son récit et lui imprime sa marque propre qui sera fonction de l'heure, du lieu, du public et de son talent spécifique. Le conte populaire est donc à la fois création anonyme, en ce qu'il est issu de la mémoire collective, et création individuelle, celle du « conteur doué », artiste à part entière, qui actualise le récit et, sans en bouleverser le schéma narratif, le fait sien. [...]
À l'intérieur de la littérature mouvante, le conte se singularise surtout par son caractère de fiction avouée. L'incipit « Il était une fois » atteste déjà la rupture avec le monde ordinaire. [...]
L'enfant et le conte
[...]Or, dans les sociétés traditionnelles, les contes étaient destinés aux adultes. C'est seulement à partir du XVIIe siècle en France que le répertoire de la littérature orale et celui de la littérature de jeunesse ont été confondus.
L'amalgame a sans doute été favorisé par le fait que les enfants, admis aux veillées paysannes qui rassemblaient la communauté tout entière, y ont pris du plaisir et se sont appropriés peu à peu ces histoires pour grandes personnes. Ce goût de l'enfant pour le conte - et particulièrement pour le conte merveilleux - a été diversement expliqué.
La première hypothèse avancée par les psychologues, c'est que les contes fournissent à l'enfant un univers aisément déchiffrable parce que fondé sur des oppositions très marquées entre petits et grands, riches et pauvres, bons et méchants. [...]
Par ailleurs, le schéma narratif de ces contes fournit à l'enfant ce qu'Éric Berne appelle un « scénario de gagneur ». Au début du récit, le héros est défavorisé par sa taille (le Petit Poucet, la Moitié-de-Coq), son apparence physique (Riquet à la houppe), son intelligence (c'est un « songe-creux », un idiot de village), sa condition sociale (il n'a pas un sou vaillant) et surtout par son âge (il est presque toujours le cadet de la famille). Il va cependant affronter toutes les épreuves, et il viendra à bout de plus puissant que lui. Message optimiste pour l'enfant, qui retrouve dans les handicaps du héros une image de sa situation dans l'univers des adultes. [...]
Pour Bruno Bettelheim, le conte a surtout le mérite d'exprimer des réalités que l'enfant pressent mais dont il ne veut pas - ou ne peut pas - parler. Ainsi les plus célèbres de nos contes merveilleux évoquent à mots couverts le tabou de l'inceste (Peau d'Âne fuit son père qui voudrait l'épouser), la crainte de la castration (le loup de Prokofiev a la queue coupée), la scatologie (dans les versions orales anciennes, le loup des Trois Petits Cochons détruit les maisons non par le souffle, mais par la seule force de son pet destructeur). La sexualité est donc présente dans les contes, mais sous une forme symbolique qui sollicite l'inconscient de l'enfant.[...]
Dans la version de Perrault, l'histoire, on le sait, finit mal puisque l'héroïne périt dans la gueule du loup. Dénouement sombre, conforme au schéma narratif des contes d'avertissement : une interdiction est formulée, que le héros transgresse, appelant ainsi sur lui le châtiment. Paradoxalement, ces contes cruels sont les seuls de notre tradition orale qui aient été conçus pour les enfants, afin de les prévenir de tous les dangers qui les menacent. Dans le cas du Petit Chaperon rouge, le contenu de l'avertissement a varié. La moralité de Perrault met en garde les jeunes filles contre les loups « doucereux » qui les accostent alors que, dans les éditions enfantines d'aujourd'hui, le dénouement sanctionne la désobéissance.[...]
Reste que, sous ses autres formes, le conte représente un matériau psycho-pédagogique irremplaçable. C'est un « abécédaire, où l'enfant apprend à lire dans le langage des images », souligne Bruno Bettelheim. C'est aussi un réservoir fantasmatique qui lui permet, par les scénarios réconfortants qu'il offre, de se libérer de ses craintes. Il donne de plus à la mère (à l'adulte) la possibilité d'établir une relation chaleureuse et un dialogue véritable avec l'enfant. Sara Cone Bryant a montré, dans un ouvrage déjà ancien, à quel point le conte était fait pour être dit, non pour être lu. C'est à cette condition seulement qu'il remplira pleinement sa fonction, qu'il favorisera l'adaptation de l'enfant au monde qui l'entoure et sa découverte des autres.
A lire également, deux autres réponses du GDS sur les contes :
- Les contes
- Ouvrages sur les contes de fées, de la veine de Bruno Bettelheim
Petite bibliographie :
- Le conte populaire : approche socio-anthropologique
- Les pouvoirs du conte
- Le conte populaire français
Nous ne pouvons retranscrire dans sa totalité, le très intéressant article que l'Encyclopaedia Universalis consacre au conte, mais nous vous incitons à en prendre connaissance dans une bibliothèque.
Extraits :
Le conte, et particulièrement le conte merveilleux, est-il, comme le voulait Paul Delarue, « l'expression la plus parfaite de tous nos récits oraux » ?
[...]
Qu'est-ce qu'un conte populaire ?
Si le terme de conte présente, dans la littérature, des acceptions multiples et des frontières indécises, trois critères suffisent à le définir en tant que récit ethnographique : son oralité, la fixité relative de sa forme et le fait qu'il s'agit d'un récit de fiction.
Le conte populaire s'inscrit d'abord dans ce vaste champ qu'en 1881 Paul Sébillot baptise, d'une expression paradoxale, « littérature orale ». Comme les comptines et les proverbes, les devinettes et les chansons, il bénéficie de cette « transmission de bouche à oreille » qui caractérise, selon Pierre Saintyves, le « savoir du peuple ». [...]
Le conte est, de plus, un récit hérité de la tradition, ce qui ne signifie nullement qu'il se transmette de façon immuable. Le conteur puise dans un répertoire connu depuis longtemps la trame de son récit et lui imprime sa marque propre qui sera fonction de l'heure, du lieu, du public et de son talent spécifique. Le conte populaire est donc à la fois création anonyme, en ce qu'il est issu de la mémoire collective, et création individuelle, celle du « conteur doué », artiste à part entière, qui actualise le récit et, sans en bouleverser le schéma narratif, le fait sien. [...]
À l'intérieur de la littérature mouvante, le conte se singularise surtout par son caractère de fiction avouée. L'incipit « Il était une fois » atteste déjà la rupture avec le monde ordinaire. [...]
L'enfant et le conte
[...]
L'amalgame a sans doute été favorisé par le fait que les enfants, admis aux veillées paysannes qui rassemblaient la communauté tout entière, y ont pris du plaisir et se sont appropriés peu à peu ces histoires pour grandes personnes. Ce goût de l'enfant pour le conte - et particulièrement pour le conte merveilleux - a été diversement expliqué.
La première hypothèse avancée par les psychologues, c'est que les contes fournissent à l'enfant un univers aisément déchiffrable parce que fondé sur des oppositions très marquées entre petits et grands, riches et pauvres, bons et méchants. [...]
Par ailleurs, le schéma narratif de ces contes fournit à l'enfant ce qu'Éric Berne appelle un « scénario de gagneur ». Au début du récit, le héros est défavorisé par sa taille (le Petit Poucet, la Moitié-de-Coq), son apparence physique (Riquet à la houppe), son intelligence (c'est un « songe-creux », un idiot de village), sa condition sociale (il n'a pas un sou vaillant) et surtout par son âge (il est presque toujours le cadet de la famille). Il va cependant affronter toutes les épreuves, et il viendra à bout de plus puissant que lui. Message optimiste pour l'enfant, qui retrouve dans les handicaps du héros une image de sa situation dans l'univers des adultes. [...]
Pour Bruno Bettelheim, le conte a surtout le mérite d'exprimer des réalités que l'enfant pressent mais dont il ne veut pas - ou ne peut pas - parler. Ainsi les plus célèbres de nos contes merveilleux évoquent à mots couverts le tabou de l'inceste (Peau d'Âne fuit son père qui voudrait l'épouser), la crainte de la castration (le loup de Prokofiev a la queue coupée), la scatologie (dans les versions orales anciennes, le loup des Trois Petits Cochons détruit les maisons non par le souffle, mais par la seule force de son pet destructeur). La sexualité est donc présente dans les contes, mais sous une forme symbolique qui sollicite l'inconscient de l'enfant.[...]
Dans la version de Perrault, l'histoire, on le sait, finit mal puisque l'héroïne périt dans la gueule du loup. Dénouement sombre, conforme au schéma narratif des contes d'avertissement : une interdiction est formulée, que le héros transgresse, appelant ainsi sur lui le châtiment. Paradoxalement, ces contes cruels sont les seuls de notre tradition orale qui aient été conçus pour les enfants, afin de les prévenir de tous les dangers qui les menacent. Dans le cas du Petit Chaperon rouge, le contenu de l'avertissement a varié. La moralité de Perrault met en garde les jeunes filles contre les loups « doucereux » qui les accostent alors que, dans les éditions enfantines d'aujourd'hui, le dénouement sanctionne la désobéissance.[...]
Reste que, sous ses autres formes, le conte représente un matériau psycho-pédagogique irremplaçable. C'est un « abécédaire, où l'enfant apprend à lire dans le langage des images », souligne Bruno Bettelheim. C'est aussi un réservoir fantasmatique qui lui permet, par les scénarios réconfortants qu'il offre, de se libérer de ses craintes. Il donne de plus à la mère (à l'adulte) la possibilité d'établir une relation chaleureuse et un dialogue véritable avec l'enfant. Sara Cone Bryant a montré, dans un ouvrage déjà ancien, à quel point le conte était fait pour être dit, non pour être lu. C'est à cette condition seulement qu'il remplira pleinement sa fonction, qu'il favorisera l'adaptation de l'enfant au monde qui l'entoure et sa découverte des autres.
A lire également, deux autres réponses du GDS sur les contes :
- Les contes
- Ouvrages sur les contes de fées, de la veine de Bruno Bettelheim
Petite bibliographie :
- Le conte populaire : approche socio-anthropologique
- Les pouvoirs du conte
- Le conte populaire français
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter