l'abduction

Réponse du service Guichet du Savoir

Bonjour,

Charles Sanders Peirce est l'auteur de travaux sémiotiques dans lesquels il analyse, entre autres, les processus de la pensée. Il explique notamment que la logique est divisée en trois parties : la déduction, l’induction, et la méthode qui utilise les hypothèses, c’est à dire la méthode de l’inférence à la meilleure explication. Pour rendre cette triade symétrique, il appelle le troisième élément « abduction ».
Source : college-de-france.

L'abduction, au contraire de la déduction et de l'induction, concerne non le traitement d'hypothèses mais les processus et produits de découverte d'hypothèses nouvelles. L'abduction concerne les résultats de l'instinct, de l'introspection ou de l'intuition....Source : L'enseignante experte, l'enseignant expert , François Victor Tochon, p. 146-147.

Si l’on ne peut affirmer que cette théorie de Charles Sanders Peirce est appliquée par les enseignants (la théorie et plus généralement les théories apparaissant bien souvent inapplicables sur le terrain) et qu'elle a bien souvent été négligée par les chercheurs, il est en revanche possible de noter que la notion d’abduction a fait l'objet de réflexions de quelques pédagogues dont François Victor Tochon.

Dans l'ouvrage Images de la pédagogie, pédagogie de l'image Yves Baudry explique que l’ABDUCTION peircéenne consiste, non pas à partir d’une hypothèse mais à y parvenir. C’est ainsi que procède notamment la recherche sémiotique. La pré-disposition sensorielle et mentale, l’état de manque qui précède toute nécessité urgente d’action et de création (réaction,), la sensation a priori de l’inévitable rencontre avec l’inconnu prévisible, sont les définitions profondes de la créativité. Le comportement abductif est alors la posture créatrice et pédagogique qui va permettre l’émergence. D’où la possibilité du terme : « créativité pédagogique ».

Dans un développement successif l’auteur analyse les méthodes de Peirce appliquée à la pédagogie pour faire comprendre le principe du « silence » et donner à cette règle une force personnelle de questionnement et de réponse. La pédagogie doit alors être appréhendée comme une quête, un cheminement complet qui passe par quatre phases : la préparation, la présentation des connaissance, la production et l’appréhension.

De même, Jean-Louis Boutte précise que dans la relation de transmission, finalisée par l’apprentissage par le Successeur, la « situation problème » peut être simulée, comme le ferait tout formateur, elle peut aussi être provoquée ou saisie opportunément dans l’action, dans la situation réelle. Dans le premier cas, le problème est à construire, avec ou sans référence aux problèmes déjà vécus. Il s’agit d’une construction, dans une temporalité différente de celle de l’action. Or, nous l’avons dit l’Expert en situation, tend à la fois à raisonner par analogie, et par abduction (Bastien, Tochon). Son expérience lui permet de concentrer sa réflexion sur des situations particulières dont il appréhende les informations pertinentes.
Source : Transmission de savoir-faire: Réciprocité de la relation éducative expert-novice

Dans un même temps, il apparaît que cette théorie peut être mise en application dans des contextes précis : l'abduction pourrait enrayer le processus de violence. En effet, selon Philippe Bernier, les vertus des « pratiques de l’institutionnel » (Pain) dans la prévention des violences, que ce soit dans une institution psychiatrique ou dans une classe, ne sont plus à prouver (...) Rémi Casanova s’inspire d’un ouvrage de Tochon (1993) sur « l’enseignant expert », qui présente l’abduction. Selon Rémi Casanova, ce type de raisonnement permet aux enseignants d’anticiper à partir des « signes, parfois des signaux, des seuils » (Pain 1992, 88), et de prévenir l’émergence de manifestations de violence dans leur classe. Cette analyse s’inscrit dans la tendance « empirique » (Casanova 2004, 50) qui émerge du discours des enseignants qui réussissent dans leur classe. Rappelons que c’est Charles Sanders Peirce qui a conceptualisé ce mode d’inférence qui complète la déduction et l’induction. A la différence de ces modes de réflexion qui se caractérisent par une démarche linéaire (montante ou descendante, du particulier au général), l’abduction prend des raccourcis et établit des liens entre deux points n’entretenant apparemment pas de relation....
Source : spirale-edu-revue

Pour aller plus loin :

* L'économie de la recherche chez Charles Sanders Peirce , Christiane CHAUVIRÉ, Revue de Métaphysique et de Morale
2005/3 - n° 47.

La recherche-intervention éducative : transition entre famille et CPE François Tochon, Jean Marie Miron, 2004.

* Former des enseignants professionnels: Quelles stratégies ? , Marguerite Altet,Léopold Paquay,Évelyne Charlier,Philippe Perre

* Chercheurs en éducation Par Jean Hassenforder,Jean-Pierre Astolfi, 1992