Question d'origine :
Bonjour,
Quelles informations avez vous concernant la vie de résistant de Frédéric Dugoujon, mis à part sa présence lors de l'arrestation de Jean Moulin?
Pourquoi la réunion avait elle lieu dans son cabinet?
Quelles ont été les conséquences pour lui d'avoir accueilli cette réunion?
Merci beaucoup.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 29/05/2010 à 13h32
Lyon, en 1943, est occupée, comme la zone sud de la France, depuis novembre 1942. La police allemande, et avant tout la Gestapo, ennemie de la Résistance, est partout en France. Le 9 juin 1943, le général Delestraint (« Vidal »), chef de l’Armée Secrète (AS), est arrêté à Paris et Jean Moulin (« Max »), délégué du général de Gaulle pour la France, veut lui trouver rapidement un remplaçant, même provisoire. Pour en décider, il projette de réunir les principaux membres de l’Etat-Major de l’AS, le 21 juin 1943, et charge André Lassagne de trouver un lieu sûr.
Non seulement les arrestations de Delestraint et Gastaldo (chef d'état-major de Delestraint, nommé chef d'escadron en mars 1943 par le général de Gaulle, ndlr) ont rendu nécessaire la convocation d’une réunion consacrée à la situation de l’Armée secrète, mais celle-ci est déjà pratiquement prête puisque, avant même les disparitions de Delestraint et Gastaldo, une rencontre au sommet avait été prévue : le 28 juin, à Londres, Raymond Fassin déclara : […] nous en avions discuté avec Lassagne qui avait pouvoir fournir un local à Caluire.
Lassagne avait alors pensé à la maison d’un ami d’enfance devenu médecin à Caluire.
[…]
L’arrangement pris avec Dugoujon pour la réunion AS initialement prévue n’ayant pas servi pour cause de départ et d’arrestation de Delestraint, l’absence de Moulin à Lyon ayant fait encore repousser la rencontre. Lassagne sait, le 19, pouvoir utiliser la villa de Caluire. Le lieu s’y prête. Située dans une banlieue moins surveillée que la métropole lyonnaise et à proximité d’un arrêt de tram, la maison reçoit assez de patients entre 14h et 16h sauf les mardis et vendredis, pour que quelques-uns de plus ou de moins n’attirent pas l’attention.
Sources :
- Présumé Jean Moulin, de Jacques Baynac
- Les secrets de l'affaire Jean Moulin, de Jacques Baynac
- Les lieux secrets de la Résistance : Lyon, 1940-1944 (2003)
- Dictionnaire historique de la Résistance
L’ouvrage Lyon 40-44, de Gérard Chauvy, précise que c’est sur André Lassagne, professeur de lycée à Lyon, que repose la responsabilité de découvrir un toit suffisamment sûr pour abriter l’entrevue capitale du 21 juin 1943 et confirme que le Dr Dugoujon n’a pas eu, jusqu’alors, d’activités concrètes en lien avec la Résistance.
Après avoir écarté le domicile d’un confrère, le professeur Lonjaret, absent le 21 juin, il reste à A. Lassagne « deux possibilités offertes par deux docteurs de ses relations : le Dr Davis à Saint-Rambert et le Dr Dugoujon à Caluire. […] Le jeune médecin Dugoujon n’est pas surpris par cette demande. Lassagne, un ami d’enfance, qui lui confie souvent ses impressions sur son action clandestine, des anecdotes même, sait à qui il a affaire. Même si Dugoujon ne milite pas dans la Résistance, il l’a déjà, en confiance, sollicité au mois de mai. […] Dugoujon ignore tout des détails de cette réunion, tout de l’identité des participants, avec lesquels il n’a, par ailleurs, aucun contact. Le lundi, au matin, le docteur se contente d’informer sa fidèle Marguerite qu’en début d’après-midi M. Lassagne viendra accompagné, et qu’elle devra conduire ces « consultants au 1er étage…
Suit le tragique événement historique de l’arrestation de Jean Moulin, et des participants à cette réunion, retracé dans de nombreux documents de la Bibliothèque municipale de Lyon.
Fréderic Dugoujon est également arrêté ce jour. L’ouvrage Montluc, antichambre de l'inconnu précise qu’il séjourne dans la cellule numéro 130 de la prison Montluc après son arrivée en juin 1943 avant d’être interné à Fresnes puis libéré.
Bruno Permezel, dans Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours : 2824 engagements, consacre une notice à Frédéric Dugoujon :
Né le 30/6/1913 à Champagne-au-Mont-d’Or (Rhône). Fils de Léon, industriel, et de Marie-Paule Bouvier. Frédéric Dugoujon est docteur en médecine. Depuis 1938, il est installé comme généraliste dans une maison située à Caluire (place Castellane). Ami d’André Lassagne, il accepte de prêter une partie de sa maison pour un rendez-vous (fixé au dernier moment) le lundi 21 juin à 14h30. Dans l’ignorance de l’objet de la réunion, de l’identité des participants et de leur nombre, il donne comme d’habitude ses consultations. Jean Moulin, Emile Schwarzfeld et Albert Lacaze attendent dans la salle d’attente lorsque, à 15h10, la Gestapo fait irruption… Le docteur Dugoujon est alors arrêté avec les participants puis conduit dans les locaux de l’Ecole de santé militaire pour interrogation par la Gestapo. Après internement à la prison Montluc, il est transféré à la prison de Fresnes (Val-de-Marne). Il est libéré par la suite. |
Dans l’ouvrage de Dominique Lormier sur Jean Moulin : l'homme , on lit également, à la page 69 : « Le Dr Dugoujon, Albert Lacaze, André Lassagne, Henri Aubry et Emile Schwartzfeld sont transférés à Paris le 26 juin ».
Les articles du Progrès, consultables via Europresse, permettent d’en savoir plus sur la biographie du Dr Dugoujon. A son retour à Caluire, le Dr Dugoujon, puis médecin à la retraite, continue à habiter cette maison, qu’il ne quitte qu'en 1996. Il décède à 91 ans, le 5 août 2004, dans la maison de retraite qui l’accueillait.
Lieu de mémoire de la Résistance inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, la maison est acquise en 2007 par le Conseil général du Rhône qui souhaite en faire un « mémorial » dédié à Jean Moulin. Les travaux sont en cours pour une ouverture mi-2010.
Afin de poursuivre votre recherche, nous vous conseillons de prendre contact avec le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, dont voici le site web. Ce musée possède également un centre de documentation spécialisée sur cette période de l’histoire et conserve notamment le témoignage de Frédéric Dugoujon, recueilli le 17 janvier 2001.
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