Question d'origine :
Bonjour,
J'ai plusieurs questions à propos de M. Stanislavski et de sa "Méthode" de jeu théâtrale. Dans ses livres explicatifs de sa méthode, il la définit clairement comme la seule vraie façon de jouer, d'interpréter, et de construire un personnage. Il dit qu'il faut être et non pas faire semblant d'être, ne pas montrer mais vivre des sentiments, en recherchant le tout dans sa mémoire par le travail de l'imagination et de la concentration, etc, etc... L'Actor's Studio (créé par Strasberg utilise cette méthode...)
J'ai maintenant, donc, plusieurs questions à vous poser concernant le jeu des acteurs en général, les exigences qu'on attend d'eux dans le CINEMA (et pas théâtre) actuel, et leur façon d'interpréter des personnages.
1. Existe-t-il d'autres grandes méthodes de jeu?
2. Est-ce qu'un acteur est, ajourd'hui, et selon les critères et critiques du cinéma, les exigences et les attentes de celui-ci, obligé de passer par cette méthode pour "jouer juste". Autrement tournée, ma question serait: Est-ce qu'un acteur qui n'a pas suivi cette méthode, joue faux (toujours selon les exigences du cinéma de nos jours)
3. Quand on dit: il joue bien, il ne joue pas bien. Sur quoi se base-t-on? Qu'est-ce qui nous fait dire qu'un acteur joue faux. Quels sont les critères? Si l'on disait: il ne joue pas bien parce qu'il n'a pas été formé à la méthode, alors peu d'acteurs joueraient juste ;-)
4. Les grands acteurs comme Hoffman, Pacino, De Niro, et j'en passe, ont été formés à la méthode. Est-ce pour cela qu'ils sont meilleurs que d'autres? Et de nouveau, comment place-t-on la "barre de jugement"?
En espèrant que vous pourrez répondre à ces quelques questions, je vous remercie d'avance.
JohanB
Réponse du Guichet

Nous ne pouvons, pour l'instant, répondre à votre question que d'un point de vue théâtral. Une réponse complémentaire pourra vous être donnée ultérieurement à propos du cinéma.
La méthode stanislavskienne a eu un impact considérable sur le jeu de l'acteur. Sans cesse réajustée aux découvertes de la psychologie ou aux progrès accomplis dans la connaissance du corps humain, elle a été plus réactualisée par Michael Chekhov. Lee Strasberg, plus tard, l'a remise sur le chantier de l'Actors studio de New-York en empruntant à la psychanalyse et en valorisant surtout, avec la mémoire émotionnelle, le développement de la subjectivité du comédien. Devenue en Union soviétique doctrine officielle d'enseignement, corrigée et travestie, cette méthode est aujourd'hui encore un point de référence obligé pour qui réfléchit sur l'art de l'acteur et sur la construction du personnage. Aucun praticien aujourd'hui ne peut la contourner, même si c'est pour s'en détacher.
Ainsi, les écoles de théâtre actuelles semblent toutes s'inspirer plus ou moins de la méthode du professeur d'art dramatique russe Stanislavski. Tout acteur est, en somme l' héritier plus ou moins conscient, plus ou moins consentant de cette méthode. On pourrait presque dire qu'il est dans son intérêt d’en approfondir la connaissance pour assumer, ou pas, cet héritage et ses conséquences.
De fait : « Il n'est pas de comédien authentique qui n'ait, un jour ou l'autre, emprunté sciemment ou non, quelques-uns des sentiers de cette analyse, que Constantin Stanislavski décrit minutieusement dans son livre » (Jean Vilar).
Même, Augusto Boal qui apparaît comme étant une autre figure majeure du théâtre de la seconde moitié du XXe siècle fait référence à Stanislavski. Cet écrivain, dramaturge, metteur en scène, théoricien, homme de théâtre, et homme politique est le fondateur du mouvement "Le Théâtre de l'opprimé" qui est désormais répandu à travers le monde entier.
Cette forme de théâtre souhaite aider à lutter contre toutes les formes d'oppressions pouvant exister dans les sociétés humaines. Son objectif politique nécessitant un impact fort, il a essentiellement travaillé sur l'imagination (la création collective) et l'émotion. Après avoir étudié attentivement le travail de Stanislavski, il déclare dès 1960 : "L'émotion doit être prioritaire, elle doit déterminer librement la forme finale (du spectacle)".
Affinant sa réflexion sur la mémoire affective, il s'interroge sur la mécanisation des gestes, des sensations et des systèmes de pensée qui rendent l'acteur insensible à son quotidien et l'empêche de le ré-inventer.
Pour Boal, le théâtre démontre toujours quelque chose, sans quoi il n'a pas de raison d'exister. Ce besoin de "sens" influe directement sur le travail de l'acteur.
En somme, outre Augusto Boal il ne semble pas exister aujourd'hui d'autres grandes méthodes de jeu.
Néanmoins, nous ne saurions que vous conseiller de lire La direction d'acteurs de Sophie Proust, un ouvrage de référence récent sur le jeu d'acteur.
Enfin, pour ce qui est de votre interrogation sur les critères sur lesquels on se base pour dire qu'un acteur joue bien ou mal, tout est question de subjectivité, non ?

Réponse du Guichet

Pour compléter la réponse du département Arts vivants, et concernant la partie cinéma, nous vous conseillons vivement de visionner les trois DVD de la série « Actors Studio » qui vous donneront concrètement « les fondements incarnés » de cette méthode d’apprentissage du jeu d’acteur.
Hello Actors Studio 1: l'atelier des acteurs de Annie Tresgot
Hello Actors Studio 2:une solitude publique de Annie Tresgot
Hello Actors Studio 3:une communauté de travail de Annie Tresgot
Par ailleurs vous pouvez consulter les deux ouvrages suivants:
L'acteur au XXe siècle: éthique et technique de Odette Aslan
Cet ouvrage retrace les grands styles de jeu depuis le début du 20e siècle. Le jeu de l'acteur est abordé à travers sa pensée, son corps, sa voix…L’auteure étudie aussi l'interaction entre éthique et technique dans la formation et la pratique ainsi que la part créative de l’acteur.
Un chapitre est consacré au cinéma en particulier.
Outre la méthode de Stanislavski précisément étudiée (voix, gestuelle, art des émotions vécues, éthique…) d’autres approches de l’art de jouer sont évoquées: notemment la méthode de Mikhaïl Tchekhov…
L'acteur de cinéma de Jacqueline Nacache
Il s’agit d’une étude sur les caractéristiques et techniques de l'acteur ainsi que d'une réflexion sur son rôle et son importance au cinéma dans un contexte historique, culturel et esthétique. L’ouvrage aborde de manière très complète l’ensemble des problématiques propres à l’acteur, en particulier la question centrale qui vous préoccupe, à savoir : le jeu. (jouer de son apparence ; un rapport avec la mimésis ; corps, voix, mouvements ; l’action et l’interprétation ; jouer ou vivre ; trop de vrai tue le vrai » sont autant de chapitres qui vont vous offrir éléments de réflexion et autres pistes…même s’il ne s’agit pas d’une méthode en particulier !
Enfin Un colloque et une journée d'études doctorales ont été consacrés au sujet:
Le Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle :
Du 28 septembre 2005 au 2 octobre 2005, Château de Cerisy (Manche) en France
sous la direction de Vincent Amiel, Jacqueline Nacache, Geneviève Sellier et Christian Viviani, un colloque international intitulé: "L'acteur de cinéma : approches pluridisciplinaires".
L'acteur de cinéma: le jeu et le geste
Journée d’études doctorales
(CERHEC Paris 1 /INHA)
DANS NOS COLLECTIONS :
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