Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir si on peut parler d’altérité radicale dans un domaine autre que la xénophobie. Est il possible de parler de cette altérité dans le cas de personnes marginalisées?
Avez vous des livres à me conseiller afin que je puisse approfondir tout cela?
Merci d'avance!

Réponse du Guichet

Réponse du service Guichet du Savoir
Bonjour,
Avant de répondre à vos questions, nous pouvons vous donner une définition du mot altérité comme élaborée par l’encyclopédie Larousse :
www.larousse.fr Le mot altérité vient du latin alteritas qui signifie différence. En d’autres termes, l’altérité est la « qualité de ce qui est autre, distinct ».
La chercheuse Denise Jodelet nous indique que l’altérité s’inscrit dans plusieurs domaines comme la philosophie, la morale, le juridique, les sciences de l’homme et de la société, et la psychologie sociale (notamment en ce qui concerne les relations raciales).
Elle distingue deux formes d’altérité :
« D’une part,« l’altérité du dehors » qui concerne les pays, peuples et groupes situés dans un espace et/ou un temps distants et dont le caractère « lointain » voire « exotique », est établi en regard des critères propres à une culture donnée correspondant à une particularité nationale ou communautaire ou à une étape du développement social et technoscientifique. D’autre part, « l’altérité du dedans » , référant à ceux qui, marqués du sceau d’une différence, qu’elle soit d’ordre physique ou corporel ( couleur, race, handicap, genre, etc.), du registre des moeurs (mode de vie, forme de sexualité) ou liée à une appartenance de groupe (national, ethnique, communautaire, religieux, etc.), se distinguent à l’intérieur d’un même ensemble social ou culturel et peuvent y être considérés comme source de malaise ou de menace. » Page 10 de son article intitulé « Formes et figures de l’altérité ». Voir le lien : classiques.uqac.ca
Dans le chapitre sur la constitution de l’altérité radicale, Denise Jodelet explique que : « En effet, la forme la plus radicale de l’altérité trouve son expression idéal-typique et extrême dans le racisme qu’il convient de considérer, ainsi que le font Balibar et Wallerstein (1990), comme un « phénomène total », évoquant le « fait social total » de Mauss, dans la mesure où il s’inscrit à la fois dans des pratiques et des discours, suppose des représentations, une théorisation et une organisation d’affects. Au plan des pratiques figurent les diverses formes de violence, de mépris, d’intolérance, d’humiliation, d’exploitation, d’exclusion ; les discours véhiculent des représentations et des théories. Les premières auraient pour caractère d’être des élaborations intellectuelles d’un fantasme de prophylaxie. Articulées autour des marques de la différence, elles rappelleraient la nécessité de purifier le corps social, protéger l’identité de soi-même et du nous de toute promiscuité, de tout métissage tenus pour risque d’invasion. (page 24) (…)
L’analyse des phénomènes racistes montre que représentations et pratiques se trouvent étroitement associées dans la constitution de l’altérité radicale. Ces processus peuvent être repérés dans d’autres formes de rapport à la différence chaque fois que cette dernière constitue une menace pour l’intégrité d’une identité collective comme je l’ai montré à propos du rapport à la folie, figure emblématique de l’altérité, dans une communauté rurale où des ressortissants d’une institution psychiatrique ouverte vivent en liberté et étroitement mêlés au tissu social et à la vie collective (pages 25-26) ».
Marilia Amorim dans son « Dialogisme et altérité dans les sciences humaines » (L’harmattan, 1996) à la page 65 (Voir le lien books.google.fr) fait état de l’altérité radicale formulée par Segalen dans la démarche de l’exotisme.
Sur le site agora.qc.ca il est fait mention de l’altérité radicale de la mort :
« En d’autres mots, il nous faut la laisser être dans son altérité radicale, dans son mystère insondable et non tenter de l’intégrer assez platement, trop souvent, à nos représentations, à nos attentes, à nos espoirs et à nos désirs coutumiers. Si nous réduisons la mort à ce que nous connaissons ou croyons, nous refoulons son altérité et nous refusons d’être transformés par elle (…)
La mort en tant que telle échappe à la culture, à la religion, à la science, à la philosophie, à la civilisation. Elle n’est pas une pensée du dehors, mais, plus radicalement encore, le dehors de toute pensée. La pensée ne peut que la déformer, la traduire, l’assimiler plus ou moins, donc la rater dans son altérité radicale. Et pourtant, ce dehors absolu insiste d’autant plus, il est aussi irréfutable qu’insaisissable. La pensée doit abandonner sa prétention de l’intégrer. La mort indique plutôt du dehors les limites de la pensée, qui doit se résorber, se taire afin de se mettre au diapason du silence de la mort. »
Ainsi nous pouvons dire que l’altérité est un concept qui peut avoir diverses définitions selon le domaine scientifique. Il oscille entre une connotation positive d’exotisme, de revendication d’une différence, et l’altérité radicale. Même si la forme la plus radicale de l’altérité trouve son expression dans le racisme, selon les propos de Denise Jodelet, la notion d’altérité radicale s’applique aussi par exemple aux ressortissants d’une institution psychiatrique (dans la mesure où parler d’altérité concerne une caractéristique affectée à un personnage social). Si nous nous référons à la définition de « l’altérité du dedans » de Jodelet, nous pouvons estimer que les personnes marginalisées « se distinguent à l’intérieur d’un même ensemble social » de part leur mode de vie. Ce qui correspond à une manière de revendication de la différence.
En plus des références indiquées ci-dessus, vous pouvez consulter l’ouvrage suivant :
« Figures de la marge : marginalité et identité dans le monde contemporain, textes réunis par Hélène Menegaldo » :
sbibbh.si.bm-lyon.fr
Bonjour,
Avant de répondre à vos questions, nous pouvons vous donner une définition du mot altérité comme élaborée par l’encyclopédie Larousse :
www.larousse.fr Le mot altérité vient du latin alteritas qui signifie différence. En d’autres termes, l’altérité est la « qualité de ce qui est autre, distinct ».
La chercheuse Denise Jodelet nous indique que l’altérité s’inscrit dans plusieurs domaines comme la philosophie, la morale, le juridique, les sciences de l’homme et de la société, et la psychologie sociale (notamment en ce qui concerne les relations raciales).
Elle distingue deux formes d’altérité :
« D’une part,
Dans le chapitre sur la constitution de l’altérité radicale, Denise Jodelet explique que : « En effet, la forme la plus radicale de l’altérité trouve son expression idéal-typique et extrême dans le racisme qu’il convient de considérer, ainsi que le font Balibar et Wallerstein (1990), comme un « phénomène total », évoquant le « fait social total » de Mauss, dans la mesure où il s’inscrit à la fois dans des pratiques et des discours, suppose des représentations, une théorisation et une organisation d’affects. Au plan des pratiques figurent les diverses formes de violence, de mépris, d’intolérance, d’humiliation, d’exploitation, d’exclusion ; les discours véhiculent des représentations et des théories. Les premières auraient pour caractère d’être des élaborations intellectuelles d’un fantasme de prophylaxie. Articulées autour des marques de la différence, elles rappelleraient la nécessité de purifier le corps social, protéger l’identité de soi-même et du nous de toute promiscuité, de tout métissage tenus pour risque d’invasion. (page 24) (…)
L’analyse des phénomènes racistes montre que représentations et pratiques se trouvent étroitement associées dans la constitution de l’altérité radicale. Ces processus peuvent être repérés dans d’autres formes de rapport à la différence chaque fois que cette dernière constitue une menace pour l’intégrité d’une identité collective comme je l’ai montré à propos du rapport à la folie, figure emblématique de l’altérité, dans une communauté rurale où des ressortissants d’une institution psychiatrique ouverte vivent en liberté et étroitement mêlés au tissu social et à la vie collective (pages 25-26) ».
Marilia Amorim dans son « Dialogisme et altérité dans les sciences humaines » (L’harmattan, 1996) à la page 65 (Voir le lien books.google.fr) fait état de l’altérité radicale formulée par Segalen dans la démarche de l’exotisme.
Sur le site agora.qc.ca il est fait mention de l’altérité radicale de la mort :
« En d’autres mots, il nous faut la laisser être dans son altérité radicale, dans son mystère insondable et non tenter de l’intégrer assez platement, trop souvent, à nos représentations, à nos attentes, à nos espoirs et à nos désirs coutumiers. Si nous réduisons la mort à ce que nous connaissons ou croyons, nous refoulons son altérité et nous refusons d’être transformés par elle (…)
La mort en tant que telle échappe à la culture, à la religion, à la science, à la philosophie, à la civilisation. Elle n’est pas une pensée du dehors, mais, plus radicalement encore, le dehors de toute pensée. La pensée ne peut que la déformer, la traduire, l’assimiler plus ou moins, donc la rater dans son altérité radicale. Et pourtant, ce dehors absolu insiste d’autant plus, il est aussi irréfutable qu’insaisissable. La pensée doit abandonner sa prétention de l’intégrer. La mort indique plutôt du dehors les limites de la pensée, qui doit se résorber, se taire afin de se mettre au diapason du silence de la mort. »
Ainsi nous pouvons dire que l’altérité est un concept qui peut avoir diverses définitions selon le domaine scientifique. Il oscille entre une connotation positive d’exotisme, de revendication d’une différence, et l’altérité radicale. Même si la forme la plus radicale de l’altérité trouve son expression dans le racisme, selon les propos de Denise Jodelet, la notion d’altérité radicale s’applique aussi par exemple aux ressortissants d’une institution psychiatrique (dans la mesure où parler d’altérité concerne une caractéristique affectée à un personnage social). Si nous nous référons à la définition de « l’altérité du dedans » de Jodelet, nous pouvons estimer que les personnes marginalisées « se distinguent à l’intérieur d’un même ensemble social » de part leur mode de vie. Ce qui correspond à une manière de revendication de la différence.
En plus des références indiquées ci-dessus, vous pouvez consulter l’ouvrage suivant :
« Figures de la marge : marginalité et identité dans le monde contemporain, textes réunis par Hélène Menegaldo » :
sbibbh.si.bm-lyon.fr
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