Question d'origine :
Cher Guichet,
Il nous est arrivé à plusieurs reprises, à plusieurs de mes amis et moi, de remarquer la spécificité de la démarche des Japonaises, au Japon ou en France. Alors que les pieds des Occidentaux semblent s'orienter naturellement vers la direction visée (pieds droits - sauf "pieds en canard" ou "en dedans"), ceux des Japonaises semblent tournés vers l'intérieur, impliquant une démarche particulière ainsi qu'une 'déformation' des jambes (genoux "en dedans" ou jambes arquées).
Plusieurs hypothèses, après observation in situ et recherches sur internet, pourraient nous aiguiller quant à la raison de cette démarche. Nous n'arrivons pas à savoir si elle est spécifique aux JaponaisES ou si elles concernent aussi leurs congénères masculins ; aux Japonaises d'une génération particulière ou dans leur ensemble ; s'il s'agit d'une 'déformation' d'ordre physiologique ou non ; si au contraire elle est le résultat d'une déformation 'cultivée' ; si elle résulterait de l'usage de couches ou de chaussures particulières pendant l'enfance ; si la position du seiza adoptée très tôt est en cause...
Cher Guichet, sauras-tu éclairer nos lanternes : pourquoi les Japonaises (ou certaines Japonaises) marchent-elles de cette façon ?
Merci d'avance,
Pauline Silvestre.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 11/10/2013 à 14h32
Bonjour,
En 2000, Claude Estèbe, artiste, s’intéresse lui aussi à cette démarche particulière des japonaises nommée uchimata ou les « pieds en dedans », traduction bien maladroite des dictionnaires qui ne savent pas rendre compte de la charge esthétique – et donc sémantique – propre à chaque aire géographique. Car tandis que la danse classique aura au fil des siècles occidentaux valorisé le port altier, le pas léger et l’envol vers les cieux divins, les frottements au sol, les petits pas qui rattrapent en saccade un corps qui joue sa fragilité, qui feint d’être au bord de l’effondrement, caractérisent en extrême Asie une manière de manifester son anatomie qui n’a rien de ridicule ou de balourd mais, au contraire, se trouve teinté du caractère kawaii, fragile, doux, enfantin peut-être, mais assurément féminin et qui saura inspirer le désir...
On pourrait imaginer que les kimonos pesants des oirans du Yoshikawa, leurs getas trop lourdes, trop hautes, trop peu fixées furent la cause d’une démarche impliquant une caresse chtonienne permanente, un contact constant au sol de la voute plantaire qui veillerait à ce que le corps ne soit pas emporté avec ses parures. Mais comment comprendre alors l’homographie si forte qu’il y a avec les figures féminines (parfois bien peu vêtues) présentes dans les manga modernes ? Ce qui rend aujourd'hui dans le monde entier immédiatement reconnaissable « le style manga », indépendamment du trait et des dessins, c’est un catalogue de postures connues et dénommées « à la japonaise » par les fans. Une homographie, et un invariant séculaire, – le même que celui saisi par l’objectif de Claude Estèbe.
En amont des femmes dessinées, actuelles ou passées, celles que l’on croise sur l’archipel donc. Et jusqu’aux gyarus, célèbres à Shibuya pour l’extravagance de leur style d’habillement tout autant que pour leur manière d’être. Tout en s’arrachant à ce qu’elles considèrent comme le poids de traditions (vestimentaires autant que comportementales) elles continuent le jeu, sur leurs talons aiguilles et dans leurs mini-jupes provocantes, et se tiennent d’une façon qui reproduit singulièrement les images qui nous ont été laissées par le monde d’Edô.
Il semblerait que cette démarche un peu enfantine soit kawaï ou mignon en japonais et qu’il s’agit de la raison principale qui pousse les jeunes femmes à l’adopter.
Enfin, plusieurs forums dédiés au Japon avancent la pratique du seiza (« s’asseoir sur les talons » en japonais) et le fait qu’elle favoriserait les jambes arquées comme explication à la démarche si particulière des japonaises.
Source : Kanpai
Toutefois, nous n’avons pas trouvé d’études plus approfondies sur les raisons, culturelles ou morphologiques, de cette démarche prisée par les japonaises.
Pour en savoir plus sur les japonaises, nous vous conseillons la lecture de l’ouvrage Tokyo Sisters : dans l’intimité des femmes japonaises de Raphaëlle Choël et Julie Rovéro-Carrez.
En 2000, Claude Estèbe, artiste, s’intéresse lui aussi à cette démarche particulière des japonaises nommée uchimata ou les « pieds en dedans », traduction bien maladroite des dictionnaires qui ne savent pas rendre compte de la charge esthétique – et donc sémantique – propre à chaque aire géographique. Car tandis que la danse classique aura au fil des siècles occidentaux valorisé le port altier, le pas léger et l’envol vers les cieux divins, les frottements au sol, les petits pas qui rattrapent en saccade un corps qui joue sa fragilité, qui feint d’être au bord de l’effondrement, caractérisent en extrême Asie une manière de manifester son anatomie qui n’a rien de ridicule ou de balourd mais, au contraire, se trouve teinté du caractère kawaii, fragile, doux, enfantin peut-être, mais assurément féminin et qui saura inspirer le désir...
On pourrait imaginer que les kimonos pesants des oirans du Yoshikawa, leurs getas trop lourdes, trop hautes, trop peu fixées furent la cause d’une démarche impliquant une caresse chtonienne permanente, un contact constant au sol de la voute plantaire qui veillerait à ce que le corps ne soit pas emporté avec ses parures. Mais comment comprendre alors l’homographie si forte qu’il y a avec les figures féminines (parfois bien peu vêtues) présentes dans les manga modernes ? Ce qui rend aujourd'hui dans le monde entier immédiatement reconnaissable « le style manga », indépendamment du trait et des dessins, c’est un catalogue de postures connues et dénommées « à la japonaise » par les fans. Une homographie, et un invariant séculaire, – le même que celui saisi par l’objectif de Claude Estèbe.
En amont des femmes dessinées, actuelles ou passées, celles que l’on croise sur l’archipel donc. Et jusqu’aux gyarus, célèbres à Shibuya pour l’extravagance de leur style d’habillement tout autant que pour leur manière d’être. Tout en s’arrachant à ce qu’elles considèrent comme le poids de traditions (vestimentaires autant que comportementales) elles continuent le jeu, sur leurs talons aiguilles et dans leurs mini-jupes provocantes, et se tiennent d’une façon qui reproduit singulièrement les images qui nous ont été laissées par le monde d’Edô.
Il semblerait que cette démarche un peu enfantine soit kawaï ou mignon en japonais et qu’il s’agit de la raison principale qui pousse les jeunes femmes à l’adopter.
Enfin, plusieurs forums dédiés au Japon avancent la pratique du seiza (« s’asseoir sur les talons » en japonais) et le fait qu’elle favoriserait les jambes arquées comme explication à la démarche si particulière des japonaises.
Source : Kanpai
Toutefois, nous n’avons pas trouvé d’études plus approfondies sur les raisons, culturelles ou morphologiques, de cette démarche prisée par les japonaises.
Pour en savoir plus sur les japonaises, nous vous conseillons la lecture de l’ouvrage Tokyo Sisters : dans l’intimité des femmes japonaises de Raphaëlle Choël et Julie Rovéro-Carrez.
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