Question d'origine :
Bonjour mon beau Guichet.
La guerre de 14 /18 ne devait être qu'une formalité, une rigolade de qques jours entre potes et ceci des deux cotés.
Je voudrais savoir quelle quantité d'obus, disons de plus de 75 mm, chaque camp avait en réserve, le nombre de canons correspondant à ces calibres, et la cadence de tir des dits canons (en respectant les conseils de Fernand Renaud sur le refroidissement des futs).
Je pense que quelques malins devaient être parfaitement au courant que cela aller durer un poil plus, mais qu'ils se sont bien gardé de briser ce bel enthousiasme quitte à en fusiller un peu plus tard ceux qui ont compris qu'ils s'étaient bien fait couillonner.
Merci de ta science une nouvelle fois.
Bien à toi.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 18/03/2014 à 14h38
Bonjour,
On a longtemps pensé que la Grande Guerre, compte tenu de la manière dont elle s’était développée, avait été mal conçue, mal préparée, mal envisagée. Et cela aussi bien du côté des hommes politiques et des généraux que de celui des journalistes ou des écrivains, lesquels, dans leur très grande majorité, auraient, dans les années précédant la Grande Guerre, minimisé les dimensions de la guerre future. De cette sous-estimation serait née l’idée de la guerre courte, fraîche et joyeuse, associée au retour des soldats (évidemment victorieux) pour la Noël 14. La recherche internationale récente a eu raison de cette image d’Epinal et a ouvert des horizons autrement complexes, mais plus réalistes, sur ce que furent les anticipations de la guerre future. On distinguera ici trois strates significatives au sein desquelles les vues et les concepts se sont évidemment inspirés mutuellement : celle des militaires professionnels ; celle des hommes politiques ; enfin celle des écrivains et du public en général (lire la suite sur Encyclopédie de la Grande Guerre, 1914-1918 : histoire et culture, sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker)
La quantité de matériel des différents camps est sujette à variation. Le décompte n'a sans doute pas été simple. C'est surtout chez les principaux protagonistes, c'est à dire les Allemands et les Français, que des chiffres ont été plus faciles à trouver. Ainsi...
Côté allemand :
En 1914, l’artillerie allemande possède en dotation de l’ordre de 7700 pièces d’artillerie de campagne ou lourdes, soit 4300 pièces de 77 mm, 1400 pièces de 105 mm et 2000 pièces lourdes dont 400 obusiers de 150 mm en dotation dans les corps d’armée. La cellule de base de l’artillerie de campagne allemande est formée par la batterie de 6 pièces Krupp de 77 mm, modèle 4896, techniquement inférieur à son homologue français de 75 mm. Elle possède également une artillerie lourde « de siège » mobile, constituée pour l’essentiel de 18 bataillons à 2 batteries de 4 mortiers de 210 mm, de 12 bataillons de siège dotés d’obusier de 150 mm, de mortiers de 210 mm, de 305 mm (douze exemplaires) et de 420 mm (cinq exemplaires dont trois fabriqués après la crise d’Agadir), ainsi que des canons de 100 mm et de 130 mm et de 4 bataillons d’artillerie côtière. Elle expérimente enfin environ 150 spécimens de « Minenwerfer » répartis en trois modèles principaux.
Côté français :
L’artillerie française dispose de près de 4100 pièces de campagne dont 3930 canons de 75 mm, et 120 canons de 65 mm de montagne. Le fleuron de l’artillerie de campagne est représenté par le canon à tir rapide de 75mm. Deport Sainte-Claire Deville, adopté en 1897 et considéré comme capable de remplir toutes les missions dévolues à une artillerie de campagne, fût-elle lourde. Sa cadence de tir théorique maximale est de 15 à 20 coups à la minute (soit théoriquement 1200 coups à l’heure). La cadence pratique est de 8 coups à la minute pendant une période de cinq minutes. Il a une portée moyenne de 6900 m et maximale de 8500 m. L’obus percutant de 75 mm a une efficacité équivalente à l’obus allemand de 105 mm. L’approvisionnement réglementaire (unité de feu) est de 1300 à 1500 obus. Les consommations atteignent 300 obus par jour et par pièce dès les premiers mois de la guerre, soit plus d’un million d’obus consommés par jour alors que la production journalière prévue en cas de guerre est de 13600 obus de 75 mm. Les canons de 75 mm sont organisés en batteries de 4 pièces (6 pièces chez les Allemands). L’artillerie dispose de près de 1000 batteries de 75 mm en 1914.
... et les autres :
Une fois surmontée la grave crise d’approvisionnement en munitions qui frappa la Russie dès la fin de l’été 1914, puis les armées françaises et britanniques dès l’automne, [le] rôle nouveau de l’artillerie se traduisit par un immense développement du nombre de pièces et de coups tirés. Sur la Somme, lors du bombardement allié de sept jours qui précéda l’offensive du 1er juillet 1916, 1 500 000 obus furent tirés par les seuls 50 000 artilleurs britanniques (au prix d’ailleurs d’un effort physique inouï de la part de ces derniers), soit une moyenne d’une trentaine d’impacts pour 1 000m2. En 1918, les offensives alliées sur les fronts ouest ou italiens furent régulièrement appuyées par 5 à 8 000 pièces d’artillerie. Ce développement spectaculaire eut beaucoup d’effets induits. La dépendance s’accrut face aux différents modes d’observation aérienne, rendant par contrecoup plus nécessaire le camouflage des positions.
Le dictionnaire de la grande guerre, sous la direction de Jean-Yves Le Naour, avance également quelques chiffres :
le célèbre canon de 75mm avec ses huit coups à la minute : la France en possède environ 4 000. Avantage décisif, au point que l’artillerie lourde a été négligée : à peine 300 pièces de 120 et 155mm, dont beaucoup apparaissent obsolètes.
Début août 1914, les réserves d’obus de 75 ne représentent que 1200 coups par pièce. Le 20 septembre1914, la moitié des stocks de 75 est épuisée et il ne reste que quinze jours d’approvisionnement. […] deux mois à peine ont suffi pour rendre caduques les prévisions de l’état-major en matière d’artillerie.
210 millions d’obus de 75 et 32 millions de 155 mm ont été produits durant la guerre. La production journalière des usines françaises est de 400 000 obus tous calibres confondus en 1918. A cette date, l’artillerie française est forte de 13 000 pièces, dont 5500 canons de 75 et autant de pièces lourdes.
Dans l'inventaire de la grande guerre, sous la direction de François Lagrange :
Durant toute la guerre, l’action de l’artillerie n’a cessé de croître. En novembre 1918, l’artillerie française compte 5484 canons de 75mm, 96 canons de 65 mm de montagne, 5000 pièces lourdes de campagne, 750 pièces d’artillerie lourde de grande puissance (ALGP), 442 canons antiaériens, 1680 mortiers de tranchées et 2300 chars d’assaut. L’augmentation est similaire du côté allemand, sauf pour les chars.
Quant à l’artillerie américaine, on peut la considérer comme la « fille » de l’artillerie française, le 75 étant fabriqué sous licence aux Etats-Unis.
Autre document : Production des usines Renault dans la guerre
On a longtemps pensé que la Grande Guerre, compte tenu de la manière dont elle s’était développée, avait été mal conçue, mal préparée, mal envisagée. Et cela aussi bien du côté des hommes politiques et des généraux que de celui des journalistes ou des écrivains, lesquels, dans leur très grande majorité, auraient, dans les années précédant la Grande Guerre, minimisé les dimensions de la guerre future. De cette sous-estimation serait née l’idée de la guerre courte, fraîche et joyeuse, associée au retour des soldats (évidemment victorieux) pour la Noël 14. La recherche internationale récente a eu raison de cette image d’Epinal et a ouvert des horizons autrement complexes, mais plus réalistes, sur ce que furent les anticipations de la guerre future. On distinguera ici trois strates significatives au sein desquelles les vues et les concepts se sont évidemment inspirés mutuellement : celle des militaires professionnels ; celle des hommes politiques ; enfin celle des écrivains et du public en général (lire la suite sur Encyclopédie de la Grande Guerre, 1914-1918 : histoire et culture, sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker)
La quantité de matériel des différents camps est sujette à variation. Le décompte n'a sans doute pas été simple. C'est surtout chez les principaux protagonistes, c'est à dire les Allemands et les Français, que des chiffres ont été plus faciles à trouver. Ainsi...
Côté allemand :
En 1914, l’artillerie allemande possède en dotation de l’ordre de 7700 pièces d’artillerie de campagne ou lourdes, soit 4300 pièces de 77 mm, 1400 pièces de 105 mm et 2000 pièces lourdes dont 400 obusiers de 150 mm en dotation dans les corps d’armée. La cellule de base de l’artillerie de campagne allemande est formée par la batterie de 6 pièces Krupp de 77 mm, modèle 4896, techniquement inférieur à son homologue français de 75 mm. Elle possède également une artillerie lourde « de siège » mobile, constituée pour l’essentiel de 18 bataillons à 2 batteries de 4 mortiers de 210 mm, de 12 bataillons de siège dotés d’obusier de 150 mm, de mortiers de 210 mm, de 305 mm (douze exemplaires) et de 420 mm (cinq exemplaires dont trois fabriqués après la crise d’Agadir), ainsi que des canons de 100 mm et de 130 mm et de 4 bataillons d’artillerie côtière. Elle expérimente enfin environ 150 spécimens de « Minenwerfer » répartis en trois modèles principaux.
Côté français :
L’artillerie française dispose de près de 4100 pièces de campagne dont 3930 canons de 75 mm, et 120 canons de 65 mm de montagne. Le fleuron de l’artillerie de campagne est représenté par le canon à tir rapide de 75mm. Deport Sainte-Claire Deville, adopté en 1897 et considéré comme capable de remplir toutes les missions dévolues à une artillerie de campagne, fût-elle lourde. Sa cadence de tir théorique maximale est de 15 à 20 coups à la minute (soit théoriquement 1200 coups à l’heure). La cadence pratique est de 8 coups à la minute pendant une période de cinq minutes. Il a une portée moyenne de 6900 m et maximale de 8500 m. L’obus percutant de 75 mm a une efficacité équivalente à l’obus allemand de 105 mm. L’approvisionnement réglementaire (unité de feu) est de 1300 à 1500 obus. Les consommations atteignent 300 obus par jour et par pièce dès les premiers mois de la guerre, soit plus d’un million d’obus consommés par jour alors que la production journalière prévue en cas de guerre est de 13600 obus de 75 mm. Les canons de 75 mm sont organisés en batteries de 4 pièces (6 pièces chez les Allemands). L’artillerie dispose de près de 1000 batteries de 75 mm en 1914.
... et les autres :
Une fois surmontée la grave crise d’approvisionnement en munitions qui frappa la Russie dès la fin de l’été 1914, puis les armées françaises et britanniques dès l’automne, [le] rôle nouveau de l’artillerie se traduisit par un immense développement du nombre de pièces et de coups tirés. Sur la Somme, lors du bombardement allié de sept jours qui précéda l’offensive du 1er juillet 1916, 1 500 000 obus furent tirés par les seuls 50 000 artilleurs britanniques (au prix d’ailleurs d’un effort physique inouï de la part de ces derniers), soit une moyenne d’une trentaine d’impacts pour 1 000m2. En 1918, les offensives alliées sur les fronts ouest ou italiens furent régulièrement appuyées par 5 à 8 000 pièces d’artillerie. Ce développement spectaculaire eut beaucoup d’effets induits. La dépendance s’accrut face aux différents modes d’observation aérienne, rendant par contrecoup plus nécessaire le camouflage des positions.
Le dictionnaire de la grande guerre, sous la direction de Jean-Yves Le Naour, avance également quelques chiffres :
le célèbre canon de 75mm avec ses huit coups à la minute : la France en possède environ 4 000. Avantage décisif, au point que l’artillerie lourde a été négligée : à peine 300 pièces de 120 et 155mm, dont beaucoup apparaissent obsolètes.
Début août 1914, les réserves d’obus de 75 ne représentent que 1200 coups par pièce. Le 20 septembre1914, la moitié des stocks de 75 est épuisée et il ne reste que quinze jours d’approvisionnement. […] deux mois à peine ont suffi pour rendre caduques les prévisions de l’état-major en matière d’artillerie.
210 millions d’obus de 75 et 32 millions de 155 mm ont été produits durant la guerre. La production journalière des usines françaises est de 400 000 obus tous calibres confondus en 1918. A cette date, l’artillerie française est forte de 13 000 pièces, dont 5500 canons de 75 et autant de pièces lourdes.
Dans l'inventaire de la grande guerre, sous la direction de François Lagrange :
Durant toute la guerre, l’action de l’artillerie n’a cessé de croître. En novembre 1918, l’artillerie française compte 5484 canons de 75mm, 96 canons de 65 mm de montagne, 5000 pièces lourdes de campagne, 750 pièces d’artillerie lourde de grande puissance (ALGP), 442 canons antiaériens, 1680 mortiers de tranchées et 2300 chars d’assaut. L’augmentation est similaire du côté allemand, sauf pour les chars.
Quant à l’artillerie américaine, on peut la considérer comme la « fille » de l’artillerie française, le 75 étant fabriqué sous licence aux Etats-Unis.
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