CUISINE
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 04/06/2014 à 10h00
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Question d'origine :
Bonjour
Quelle est l'histoire de la recette: POULARDE POCHEE SAUCE SUPREME. SVP.
A savor: ORIGINE. NOM DU CREATEUR. ANNEE DE CREATION. LES GRANDS MOMENTS OU CE MET A ETE SEERVIT.
MEERCI
CORDIALEMENT
Réponse du Guichet

Bonjour,
Nous sommes au regret de vous dire que, malgré bien des recherches, nous n’avons pas retrouvé l’inventeur de la poularde pochée sauce suprême, dont l’histoire est manifestement bien moins célèbre que celle de la fameuse poule au pot d’Henri IV (et dont la poularde pochée sauce suprême semble être une variante) : il voulait, ce bon roi, que chaque paysan pût mettre tous les dimanches une poule au pot.
(source : Précis de l'histoire de France, depuis l'origine de la monarchie jusqu'à nos jours: précédé d'un coup d'oeil sur l'histoire des Gaules, P. Clausolles
Quant à la sauce suprême, elle a pour sauce mère le velouté et, selon toute vraisemblance, a dû être inventée entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, période de révolution culinaire qui a fait passer la gastronomie française à l’ère moderne (et aussi période à laquelle fut inventée la sauce béchamel) :
C’est au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle que les sauces commencent à prendre une réelle importance dans la cuisine française. Dans ses Dons de Comus ou les délices de la table (1739), l’auteur, sans doute François Marin, présente près d’une cinquantaine de formules. Dans le chapitre « De l’âme des sauces, ou du bouillon », il explique qu’ « il faut commencer par faire d’excellent bouillon, avec toute l’attention et le soin nécessaire, et avec toute la propreté possible », car « toute la bonté d’un repas, potages, hors-d’œuvres, entrées, entremets, dépend presque uniquement du corps du bouillon qui en est la base ».
Trois ans plus tard, la Suite des Dons de Comus propose cette fois pas moins de quatre-vingt quinze sauces, chiffre qui ne cessera d’augmenter chez nombre d’auteurs culinaires.
Source : De la cuisine à la gastronomie : histoire de la table française, Patrick Rambourg
Mais il semble que ce soit au XIXe siècle que la sauce suprême acquière une certaine popularité, et se trouve mentionnée dans plusieurs traités de cuisine :
- Le livre de cuisine, Jules Gouffé, 1867
- Néo-physiologie du goût, par ordre alphabétique; ou, Dictionnaire générale de la cuisine française, ancienne et moderne, comte de Courchamps, 1839
- Le cuisinier royal, ou L'art de faire la cuisine, la patisserie et tout ce qui concerne l'office, pour toutes les fortunes, A. Viard, Fouret, Pierhugue, 1820
Notons que c’est à partir du XIXe siècle que le système culinaire français se formalise, et que les noms de plats et de sauces se fixent :
Avec le « traité des grandes et petites sauces » de son troisième tome, le second étant consacré aux poissons, Carême dévoile l’ampleur d’un système qui va faire de la cuisine française une cuisine de sauces. Celles-ci correspondent à une préparation aromatique, plus ou moins liquide, donc plus ou moins liée, qui accomode ou accompagne un mets. D’une grande onctuosité – grâce aux matières grasses qui les composent (beurre, huile, crème) – les sauces agrémentent viandes et poissons dont elles renforcent les saveurs. Elles découlent surtout d’un subtil mélange d’ingrédients, défini selon le degré d’harmonisation avec le mets accompagné que l’on souhaite et la finesse gustative recherchée. Le chef systématise quatre sauces majeures : « l’espagnole » (un fond brun un peu rougeâtre lié au roux) ; « le velouté » (un fond blanc lié au roux) ; « l’allemande » (un velouté aux jaunes d’œufs) ; « la béchamel » (un velouté à la crème). Chacune d’elles se prépare en quantité importante la veille de grands dîners, par exemple, et sert à élaborer une multitude d’autres sauces que l’on appelle « petites sauces » ; le jour du repas, il n’y a plus « que les essences et les fumets à faire pour obtenir les différents assaisonnements ». Il suffit d’ajouter un ou plusieurs éléments dans une sauce de base pour créer une nouvelle sauce : « l’allemande » devient une « sauce au suprême » si on y incorpore, au moment du service, « deux cuillerées à bouche de consommé de volaille et deux petits pains de beurre d’Isigny ». La « sauce à la Périgueux » se compose à partir d’une « espagnole » à laquelle on ajoute des truffes et du madère. Cette déclinaison d’un grand nombre de sauces va permettre « un accroissement notable à la cuisine moderne » précise Carême.
[…]
La base de cette cuisine de sauces est le « fonds de cuisine », véritable clef de voûte de l’édifice culinaire français. Les fonds représentent l’assise sans laquelle « rien de sérieux ne peut être entrepris, et c’est pourquoi […] ils ont une si large place dans les préoccupations de l’ouvrier désireux de bien faire ». Le « fonds de cuisine » résulte de cette longue tradition de bouillons, qui ont sans cesse été améliorés depuis le XVIIe siècle. Mais l’abus de la « sauce espagnole » a donné une cuisine neutre, où les arômes n’étaient plus reconnaissables, « où toutes les notes de la gamme savorique se confondaient en une seule tonalité insipide ». En clair, les « sauces mères » que Carême avait définies donnaient le même goût à tous les plats. Il était plus que temps de réagir, d’abord en simplifiant le processus de fabrication, mais aussi en utilisant des fonds plus en accord avec les mets cuisinés. « la cuisine moderne a posé cette règle formelle et rationnelle que l’harmonie soit assurée entre les viandes et leurs sauces. Ainsi, un gibier doit être servi avec des sauces, des fonds de gibier ou un fonds de saveur neutre, et non des fonds de viande de boucherie. »
[…]
Cette langue culinaire timidement apparue au XVIIe s’affirme très nettement à partir du XIXe siècle. Formalisant les techniques et les savoir-faire des professionnels, elle participe de l’évolution de la cuisine française et apporte au cuisinier débutant les repères nécessaires à son apprentissage, sans empêcher la création de nouvelles formules. Mais devant l’inflation grandissante des appellations, et la confusion qui en résulte, deux chefs (T.H. Gringoire et L. Saulnier) décident de publier Le Répertoire de la cuisine (1914), un mémento de poche très utile, encore utilisé de nos jours, qui contient environ 7000 recettes, condensées en quelques lignes ou quelques mots. Ils le destinent principalement aux cuisiniers, car ceux-ci ne peuvent mémoriser toutes les dénominations de plats. L’objectif des auteurs est aussi de préserver ce qui existe déjà.
« Chaque jour, en effet, quelque chef bien intentionné baptise d’un nouveau nom un plat depuis longtemps connu sous un autre ; chaque jour aussi, un cuisinier présente sous un nom déjà « enregistré » une préparation différente de celle que ce nom évoque ; ce sont là de graves erreurs contre lesquelles tous les chefs ayant conscience de leur mission ont le devoir de protester avec nous ; car de telles erreurs conduiraient fatalement l’art culinaire vers la décadence, malgré toute la science, malgré tous les efforts de nos maîtres.
Source : De la cuisine à la gastronomie : histoire de la table française, Patrick Rambourg
Nous vous conseillons d'adresser votre question à la bibliothèque municipale de Dijon, qui possède une collection spécialisée dans la gastronomie, dont une des plus grandes collections publiques de menus.
Nous espérons que ces éléments vous seront utiles.
Nous sommes au regret de vous dire que, malgré bien des recherches, nous n’avons pas retrouvé l’inventeur de la poularde pochée sauce suprême, dont l’histoire est manifestement bien moins célèbre que celle de la fameuse poule au pot d’Henri IV (et dont la poularde pochée sauce suprême semble être une variante) : il voulait, ce bon roi, que chaque paysan pût mettre tous les dimanches une poule au pot.
(source : Précis de l'histoire de France, depuis l'origine de la monarchie jusqu'à nos jours: précédé d'un coup d'oeil sur l'histoire des Gaules, P. Clausolles
Quant à la sauce suprême, elle a pour sauce mère le velouté et, selon toute vraisemblance, a dû être inventée entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, période de révolution culinaire qui a fait passer la gastronomie française à l’ère moderne (et aussi période à laquelle fut inventée la sauce béchamel) :
C’est au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle que les sauces commencent à prendre une réelle importance dans la cuisine française. Dans ses Dons de Comus ou les délices de la table (1739), l’auteur, sans doute François Marin, présente près d’une cinquantaine de formules. Dans le chapitre « De l’âme des sauces, ou du bouillon », il explique qu’ « il faut commencer par faire d’excellent bouillon, avec toute l’attention et le soin nécessaire, et avec toute la propreté possible », car « toute la bonté d’un repas, potages, hors-d’œuvres, entrées, entremets, dépend presque uniquement du corps du bouillon qui en est la base ».
Trois ans plus tard, la Suite des Dons de Comus propose cette fois pas moins de quatre-vingt quinze sauces, chiffre qui ne cessera d’augmenter chez nombre d’auteurs culinaires.
Source : De la cuisine à la gastronomie : histoire de la table française, Patrick Rambourg
Mais il semble que ce soit au XIXe siècle que la sauce suprême acquière une certaine popularité, et se trouve mentionnée dans plusieurs traités de cuisine :
- Le livre de cuisine, Jules Gouffé, 1867
- Néo-physiologie du goût, par ordre alphabétique; ou, Dictionnaire générale de la cuisine française, ancienne et moderne, comte de Courchamps, 1839
- Le cuisinier royal, ou L'art de faire la cuisine, la patisserie et tout ce qui concerne l'office, pour toutes les fortunes, A. Viard, Fouret, Pierhugue, 1820
Notons que c’est à partir du XIXe siècle que le système culinaire français se formalise, et que les noms de plats et de sauces se fixent :
Avec le « traité des grandes et petites sauces » de son troisième tome, le second étant consacré aux poissons, Carême dévoile l’ampleur d’un système qui va faire de la cuisine française une cuisine de sauces. Celles-ci correspondent à une préparation aromatique, plus ou moins liquide, donc plus ou moins liée, qui accomode ou accompagne un mets. D’une grande onctuosité – grâce aux matières grasses qui les composent (beurre, huile, crème) – les sauces agrémentent viandes et poissons dont elles renforcent les saveurs. Elles découlent surtout d’un subtil mélange d’ingrédients, défini selon le degré d’harmonisation avec le mets accompagné que l’on souhaite et la finesse gustative recherchée. Le chef systématise quatre sauces majeures : « l’espagnole » (un fond brun un peu rougeâtre lié au roux) ; « le velouté » (un fond blanc lié au roux) ; « l’allemande » (un velouté aux jaunes d’œufs) ; « la béchamel » (un velouté à la crème). Chacune d’elles se prépare en quantité importante la veille de grands dîners, par exemple, et sert à élaborer une multitude d’autres sauces que l’on appelle « petites sauces » ; le jour du repas, il n’y a plus « que les essences et les fumets à faire pour obtenir les différents assaisonnements ». Il suffit d’ajouter un ou plusieurs éléments dans une sauce de base pour créer une nouvelle sauce : « l’allemande » devient une « sauce au suprême » si on y incorpore, au moment du service, « deux cuillerées à bouche de consommé de volaille et deux petits pains de beurre d’Isigny ». La « sauce à la Périgueux » se compose à partir d’une « espagnole » à laquelle on ajoute des truffes et du madère. Cette déclinaison d’un grand nombre de sauces va permettre « un accroissement notable à la cuisine moderne » précise Carême.
[…]
La base de cette cuisine de sauces est le « fonds de cuisine », véritable clef de voûte de l’édifice culinaire français. Les fonds représentent l’assise sans laquelle « rien de sérieux ne peut être entrepris, et c’est pourquoi […] ils ont une si large place dans les préoccupations de l’ouvrier désireux de bien faire ». Le « fonds de cuisine » résulte de cette longue tradition de bouillons, qui ont sans cesse été améliorés depuis le XVIIe siècle. Mais l’abus de la « sauce espagnole » a donné une cuisine neutre, où les arômes n’étaient plus reconnaissables, « où toutes les notes de la gamme savorique se confondaient en une seule tonalité insipide ». En clair, les « sauces mères » que Carême avait définies donnaient le même goût à tous les plats. Il était plus que temps de réagir, d’abord en simplifiant le processus de fabrication, mais aussi en utilisant des fonds plus en accord avec les mets cuisinés. « la cuisine moderne a posé cette règle formelle et rationnelle que l’harmonie soit assurée entre les viandes et leurs sauces. Ainsi, un gibier doit être servi avec des sauces, des fonds de gibier ou un fonds de saveur neutre, et non des fonds de viande de boucherie. »
[…]
Cette langue culinaire timidement apparue au XVIIe s’affirme très nettement à partir du XIXe siècle. Formalisant les techniques et les savoir-faire des professionnels, elle participe de l’évolution de la cuisine française et apporte au cuisinier débutant les repères nécessaires à son apprentissage, sans empêcher la création de nouvelles formules. Mais devant l’inflation grandissante des appellations, et la confusion qui en résulte, deux chefs (T.H. Gringoire et L. Saulnier) décident de publier Le Répertoire de la cuisine (1914), un mémento de poche très utile, encore utilisé de nos jours, qui contient environ 7000 recettes, condensées en quelques lignes ou quelques mots. Ils le destinent principalement aux cuisiniers, car ceux-ci ne peuvent mémoriser toutes les dénominations de plats. L’objectif des auteurs est aussi de préserver ce qui existe déjà.
« Chaque jour, en effet, quelque chef bien intentionné baptise d’un nouveau nom un plat depuis longtemps connu sous un autre ; chaque jour aussi, un cuisinier présente sous un nom déjà « enregistré » une préparation différente de celle que ce nom évoque ; ce sont là de graves erreurs contre lesquelles tous les chefs ayant conscience de leur mission ont le devoir de protester avec nous ; car de telles erreurs conduiraient fatalement l’art culinaire vers la décadence, malgré toute la science, malgré tous les efforts de nos maîtres.
Source : De la cuisine à la gastronomie : histoire de la table française, Patrick Rambourg
Nous espérons que ces éléments vous seront utiles.
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