pouvoir de la pensée
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 29/03/2014 à 14h45
441 vues
Question d'origine :
Bonjour!
Dans son livre "Encyclopédie du savoir relatif et absolu", Bernard WERBER, romancier et grand amateur de faits scientifiques étonnants, relate l'histoire d'un marin, enfermé accidentellement plusieurs jours dans le compartiment frigorifique d'un cargo, et mort d'avoir cru qu'il faisait froid, puisque le frigo n'était pas en marche et qu'il y faisait, en réalité, 19°... Cette histoire extraordinaire illustre l'emprise qu'exerce sur nous la puissance de nos émotions, de nos pensées. Bernard WERBER dit qu'elle se passe dans les années 50, sur un bateau transportant du vin de Madère.
Je suis très tentée de lui faire confiance; mais j'ai du mal à convaincre les sceptiques! Est-il possible de trouver d'autres précisions sur le sujet?
Un grand merci à vous, même si vous n'y parvenez pas!
Cordialement...
Réponse du Guichet

Bonjour,
Tout d’abord, rappelons que l’Encyclopédie du savoir relatif et absolu est avant tout une œuvre de fiction : les anecdotes et les avis qu’elle contient sont donc le reflet de la pensée et de l’imagination de leur auteur, et leur valeur métaphorique peut prendre le pas sur les vérités scientifiques. En l’occurrence, nous ne pouvons confirmer si l’aventure malheureuse de ce marin est inspirée de faits réels, ou pure fiction.
Ceci étant dit, nous pouvons préciser que ce récit traite de l’autosuggestion. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, on trouve une littérature abondante, notamment du côté de la pensée positive et de la méthode Coué (ou méthode d’autosuggestion consciente). Ce phénomène a d’ailleurs une application courante bien connue : l’effet placebo.
Voici quelques exemples d’articles sur le sujet :
• L’autosuggestion, est-ce que ça marche ?, doctissimo
• La méthode coué : l’autosuggestion à l’œuvre, Cerveau & Psycho
• L’effet placebo enfin expliqué, futura-sciences
• L’effet placebo : mais qu’est-ce que c’est au juste ?, Marianne
Toutefois, si les « pouvoirs de l’imagination » peuvent avoir des effets bénéfiques, ils peuvent aussi ne pas avoir d’effet du tout, ou même avoir des effets néfastes. Ainsi, moins connu (et heureusement plus rare) que l’effet placebo, « l’effet nocebo » suscite, à partir de la prise d’un produit inactif, des symptômes indésirables analogues aux effets secondaires des médicaments actifs :
Décrit il y a des siècles, le concept de placebo (en latin : "Je plairai") renvoie à des substances chimiquement inactives qui améliorent les symptômes de nombreuses pathologies, en moyenne chez un tiers des patients. Ces molécules inertes sont classiquement utilisées comme témoins dans les tests de médicaments. Les effets bénéfiques d'un placebo, dont certains peuvent être constatés objectivement, sont surtout le reflet des attentes des malades vis-à-vis d'un traitement et de la force de conviction des prescripteurs. Par un mécanisme en miroir, le phénomène nocebo (en latin : "Je nuirai") renvoie aux effets secondaires d'un placebo ou d'un médicament induits par l'appréhension du patient ou une suggestion négative du corps médical.
Source : L’effet nocebo, alter ego négatif du placebo, Sandrine Cabut, Le Monde, 23/08/2012
De même, les effets des méthodes de pensée positive peuvent être discutés. Ainsi, une étude canadienne menée par Joanne Wood a montré en 2009 que la pensée positive n’était (faiblement) efficace que pour les personnes déjà dotées d’une bonne estime de soi, et que, dans le cas contraire, l’autosuggestion pouvait aller jusqu’à aggraver le mal :
Avoir recours à la pensée positive peut avoir un effet bénéfique lorsqu’on a déjà une bonne estime de soi. Mais si ce n’est pas le cas, l’autosuggestion pourrait même aggraver l’état d’esprit dans lequel on se trouve.
C’est la conclusion toute paradoxale à laquelle sont arrivés des chercheurs canadiens : « Non seulement les livres et autres stratégies axés sur la pensée positive n’aident pas ceux à qui ils s’adressent majoritairement, mais ils peuvent même leur nuire », écrivent-ils1.
Et pour les personnes qui ont une bonne estime d’elles-mêmes, l’effet de tels « mantras » serait positif, mais n’aurait pas d’effet significatif sur le bien-être global.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont mené une étude en trois étapes, auxquelles ont pris part plus de 430 étudiants choisis au hasard.
Au départ, on a recueilli plusieurs données sur l’état de santé mentale des participants, à l’aide de questionnaires. On a ainsi constaté que la moitié avait souvent recours à la pensée positive pour, par exemple, préparer un examen ou une compétition sportive. Et la plupart croyaient que la pensée positive les aidait à atteindre de meilleurs résultats.
Puis, on a évalué l’influence de la répétition d’une phrase positive – « Je suis une personne aimable » - sur l’humeur et l’estime de soi, tant chez ceux qui avaient une estime d’eux-mêmes élevée que chez ceux qui en avaient une faible.
Pour ceux qui avaient une bonne estime d’eux-mêmes, l’expérience s’est avérée légèrement bénéfique. Mais pour les autres, elle a été nuisible.
Selon les chercheurs, l’effet néfaste découlerait des pensées négatives que ressentent ceux qui, au départ, ont une faible estime d’eux. Pour eux, pareille affirmation positive s’avère contraire à leur perception d’eux-mêmes.
Des « phrases creuses »
« Par définition, les personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes pensent qu’elles ne valent pas grand-chose », explique Camillo Zacchia, chef professionnel en psychologie de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal2.
Aussi, en constatant que l’affirmation positive ne fonctionne pas, elles ont tendance à s’imputer la faute de l’échec... et à s’enfoncer davantage.
Selon le psychologue, il n’a jamais été démontré que la pensée positive, à elle seule, pouvait changer quoi que ce soit chez une personne.
« Il faut axer son intervention sur les croyances de la personne, plutôt que sur la répétition de phrases creuses, dit-il. Si je suis mauvais joueur au golf, ce n’est pas en me disant que je suis bon que je vais le devenir! »
La pensée critique
Comment modifier une croyance?
« En développant la pensée critique, c’est-à-dire en apprenant à observer un événement sous un angle objectif en s’appuyant sur les faits, plutôt que sur les perceptions », explique Camillo Zacchia.
Par exemple, plutôt que de se croire incompétent lorsqu’on commet une erreur au boulot, on va vérifier si on fait réellement plus d’erreurs que ses collègues, si son supérieur est satisfait du rendement global qu’on produit, etc.
« Ça permet souvent de constater qu’on n’est pas si mauvais après tout, qu’on est normal et qu’une erreur n’est pas forcément un échec monumental », conclut-il.
Source : « Je suis capable » : la pensée positive peut aussi avoir des effets négatifs, Martin LaSalle
Pour aller plus loin :
L'hypnose, Pascale Haag et Nathalie Roudil-Paolucci
Thérapeutiques psychiques : de la suggestion à la psychothérapie, Daniel Fanguin
Tout d’abord, rappelons que l’Encyclopédie du savoir relatif et absolu est avant tout une œuvre de fiction : les anecdotes et les avis qu’elle contient sont donc le reflet de la pensée et de l’imagination de leur auteur, et leur valeur métaphorique peut prendre le pas sur les vérités scientifiques. En l’occurrence, nous ne pouvons confirmer si l’aventure malheureuse de ce marin est inspirée de faits réels, ou pure fiction.
Ceci étant dit, nous pouvons préciser que ce récit traite de l’autosuggestion. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, on trouve une littérature abondante, notamment du côté de la pensée positive et de la méthode Coué (ou méthode d’autosuggestion consciente). Ce phénomène a d’ailleurs une application courante bien connue : l’effet placebo.
Voici quelques exemples d’articles sur le sujet :
• L’autosuggestion, est-ce que ça marche ?, doctissimo
• La méthode coué : l’autosuggestion à l’œuvre, Cerveau & Psycho
• L’effet placebo enfin expliqué, futura-sciences
• L’effet placebo : mais qu’est-ce que c’est au juste ?, Marianne
Toutefois, si les « pouvoirs de l’imagination » peuvent avoir des effets bénéfiques, ils peuvent aussi ne pas avoir d’effet du tout, ou même avoir des effets néfastes. Ainsi, moins connu (et heureusement plus rare) que l’effet placebo, « l’effet nocebo » suscite, à partir de la prise d’un produit inactif, des symptômes indésirables analogues aux effets secondaires des médicaments actifs :
Décrit il y a des siècles, le concept de placebo (en latin : "Je plairai") renvoie à des substances chimiquement inactives qui améliorent les symptômes de nombreuses pathologies, en moyenne chez un tiers des patients. Ces molécules inertes sont classiquement utilisées comme témoins dans les tests de médicaments. Les effets bénéfiques d'un placebo, dont certains peuvent être constatés objectivement, sont surtout le reflet des attentes des malades vis-à-vis d'un traitement et de la force de conviction des prescripteurs. Par un mécanisme en miroir, le phénomène nocebo (en latin : "Je nuirai") renvoie aux effets secondaires d'un placebo ou d'un médicament induits par l'appréhension du patient ou une suggestion négative du corps médical.
Source : L’effet nocebo, alter ego négatif du placebo, Sandrine Cabut, Le Monde, 23/08/2012
De même, les effets des méthodes de pensée positive peuvent être discutés. Ainsi, une étude canadienne menée par Joanne Wood a montré en 2009 que la pensée positive n’était (faiblement) efficace que pour les personnes déjà dotées d’une bonne estime de soi, et que, dans le cas contraire, l’autosuggestion pouvait aller jusqu’à aggraver le mal :
Avoir recours à la pensée positive peut avoir un effet bénéfique lorsqu’on a déjà une bonne estime de soi. Mais si ce n’est pas le cas, l’autosuggestion pourrait même aggraver l’état d’esprit dans lequel on se trouve.
C’est la conclusion toute paradoxale à laquelle sont arrivés des chercheurs canadiens : « Non seulement les livres et autres stratégies axés sur la pensée positive n’aident pas ceux à qui ils s’adressent majoritairement, mais ils peuvent même leur nuire », écrivent-ils1.
Et pour les personnes qui ont une bonne estime d’elles-mêmes, l’effet de tels « mantras » serait positif, mais n’aurait pas d’effet significatif sur le bien-être global.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont mené une étude en trois étapes, auxquelles ont pris part plus de 430 étudiants choisis au hasard.
Au départ, on a recueilli plusieurs données sur l’état de santé mentale des participants, à l’aide de questionnaires. On a ainsi constaté que la moitié avait souvent recours à la pensée positive pour, par exemple, préparer un examen ou une compétition sportive. Et la plupart croyaient que la pensée positive les aidait à atteindre de meilleurs résultats.
Puis, on a évalué l’influence de la répétition d’une phrase positive – « Je suis une personne aimable » - sur l’humeur et l’estime de soi, tant chez ceux qui avaient une estime d’eux-mêmes élevée que chez ceux qui en avaient une faible.
Pour ceux qui avaient une bonne estime d’eux-mêmes, l’expérience s’est avérée légèrement bénéfique. Mais pour les autres, elle a été nuisible.
Selon les chercheurs, l’effet néfaste découlerait des pensées négatives que ressentent ceux qui, au départ, ont une faible estime d’eux. Pour eux, pareille affirmation positive s’avère contraire à leur perception d’eux-mêmes.
« Par définition, les personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes pensent qu’elles ne valent pas grand-chose », explique Camillo Zacchia, chef professionnel en psychologie de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal2.
Aussi, en constatant que l’affirmation positive ne fonctionne pas, elles ont tendance à s’imputer la faute de l’échec... et à s’enfoncer davantage.
Selon le psychologue, il n’a jamais été démontré que la pensée positive, à elle seule, pouvait changer quoi que ce soit chez une personne.
« Il faut axer son intervention sur les croyances de la personne, plutôt que sur la répétition de phrases creuses, dit-il. Si je suis mauvais joueur au golf, ce n’est pas en me disant que je suis bon que je vais le devenir! »
Comment modifier une croyance?
« En développant la pensée critique, c’est-à-dire en apprenant à observer un événement sous un angle objectif en s’appuyant sur les faits, plutôt que sur les perceptions », explique Camillo Zacchia.
Par exemple, plutôt que de se croire incompétent lorsqu’on commet une erreur au boulot, on va vérifier si on fait réellement plus d’erreurs que ses collègues, si son supérieur est satisfait du rendement global qu’on produit, etc.
« Ça permet souvent de constater qu’on n’est pas si mauvais après tout, qu’on est normal et qu’une erreur n’est pas forcément un échec monumental », conclut-il.
Source : « Je suis capable » : la pensée positive peut aussi avoir des effets négatifs, Martin LaSalle
L'hypnose, Pascale Haag et Nathalie Roudil-Paolucci
Thérapeutiques psychiques : de la suggestion à la psychothérapie, Daniel Fanguin
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter