Question d'origine :
bonjour monsieur ou madame pourriez vous svp m'informer sur la construction des phares sur des ilots au large (cotes bretonnes ) malgres le probleme des marees et le materiau emploié merci de vos reponses
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 07/07/2014 à 10h20
Bonjour,
Au XIXe siècle plusieurs phares sont construits sur des îles ou des rochers en mer. Ces chantiers posent non seulement des difficultés techniques (érosion de l’ouvrage en cours de construction à chaque marée, interruptions imposées par les conditions météorologiques, difficultés liées au transport et au débarquement des matériaux…) mais aussi un danger mortel pour les ouvriers, au point que l’ingénieur Morice de La Rue s’enorgueillit que la construction du phare de Gatteville ait été réalisée sans pertes humaines.
Voici quelques exemples de constructions décrites dans l'ouvrage Phares : monuments historiques des côtes de France :
Phare du Four, Le croisic (44)
[…]Le phare du Four est une copie pure et simple des phares en mer britanniques d’Eddystone et de Bell Rock. L’adjudication est prononcée le 29 juin 1819 au profit des entrepreneurs Dardel et Genton, de Rennes. La construction rencontre quelques difficultés dues à l’érosion de l’ouvrage commencé à chaque forte marée, dont l’ingénieur en chef Rapatel rend compte au préfet dans sa lettre du 17 juillet 1820 : « Nos mortiers de ciment et mâchefer acquièrent promptement de la consistance sous l’eau et ne sont point décomposés ; je demande l’autorisation d’en faire usage pour la maçonnerie brute jusqu’à ce qu’on soit rendu à une hauteur telle que les vagues ne puissent plus nous inquiéter. » Le 6 octobre 1820, Rapatel adresse au préfet un rapport sur la lanterne à monter sur la plate-forme de la tour rappelant que la commission des Phares, dans son rapport du 17 novembre 1818, prescrivait « un feu fixe, composé de six réflecteurs paraboliques placés sur un seul rang horizontal et attachés aux rayons d’un cercle formant entre eux des angles de 60 degrés ». Rapatel propose à cet égard que la lanterne soit construite à Nantes plutôt qu’à Paris, pour des raisons tant d’économie que de commodité d’installation. Cette proposition est acceptée et le marché de la lanterne est passé le 27 février 1821 avec le ferronnier-serrurier nantais Bertrand Fourmant. Le matériel d’éclairage est fourni par la maison Eyriès & Desforges à Paris, entrepreneurs généraux de l’illumination des phares et fanaux, selon le marché du 8 octobre 1808, renouvelé le 11 juin 1817 pour neuf ans consécutifs, pour un feu fixe blanc, produit par un appareil Bordier-Marcet à six réflecteurs, allumé le 1er janvier 1822. Cette lanterne pose rapidement des problèmes d’entretien et de résistance aux intempéries, notamment à cause de sa couverture en plomb, à laquelle Rapatel propose de substituer une calotte en cuivre, moins sujette à dilatation ; la lanterne fait l’objet de réparations en 1837.
Cette tour se révèle bientôt insuffisante pour sa portée, et doit être exhaussée ; le projet est élaboré par l’ingénieur en chef Cabrol en 1840 et adopté, en même temps qu’une modernisation de l’éclairage, avec un appareil lenticulaire tournant pour un feu de 2e ordre, en 1842. L’ « inventaire des phares et fanaux des côtes de France » du ministère des travaux publics de 1846 précise que « l’appareil à feu rouge doit être maintenu pendant toute la durée des travaux entrepris pour exhausser d’environ 7 mètres la tour du Four. On présume que l’installation du nouveau phare à feu tournant pourra être effectué avant la fin de 1846 ». Cette campagne d’exhaussement de la tour du Four entraîne une transformation significative de l’intérieur : le voûtement des chambres superposées est repris en maçonnerie de blocage plus légère que la précédente pierre de taille, et la communication entre les étages s’effectue par un escalier hélicoïdal en fonte. La construction commence en février 1845 et se termine en mars 1848. La jetée d’accès est achevée et prolongée en 1886. Enfin, le vitrage polygonal de la lanterne est transformé en vitrage circulaire avec un changement de l’appareil lumineux, le 6 octobre 1932.
Phare des Héaux de Bréhat, Côtes-d’Armor (22)
Reynaud s’inspire des références que constituent les phares en mer britanniques d’Eddystone III (John Smeaton, 1759, démonté et reconstruit à terre en 1877) et de Bell Rock (Robert Stevenson, 1811), dont la forme en « tronc d’arbre » est particulièrement adaptée aux assauts de la houle et des déferlantes (modèle inauguré en France au phare du Four, mis en service en 1822 au large du Croisic), mais il propose une composition singulière superposant deux volumes nettement différenciés, une base massive « pleine en maçonnerie jusqu’à un mètre au-dessus du niveau des plus hautes mers » adoptant le profil elliptique hérité des phares ci-dessus, et une pure colonne présentant le « degré de légèreté qu’il eut paru convenable d’assigner à une tour de même hauteur exécutée sur le continent ». La silhouette très particulière, unique, des Héaux de Bréhat réside dans la discontinuité entre ces deux parties, soulignée par une galerie aménagée à hauteur du quatrième étage de l’édifice. Le massif inférieur abrite, outre l’entrée accesible par une échelle encastrée dans l’épaisseur du parement, deux étages de magasins. La colonne, haute de six étages, contient la cuisine ouvrant sur la galerie, trois chambres de gardiens, une chambre pour l’ingénieur et la salle de veille. La tour est couronnée par une terrasse circulaire supportant la lanterne métallique et son soubassement en pierre.
D’une hauteur générale de 46 mètres à l’origine, le phare est appareillé en pierre de taille de granite de l’île Grande. La construction, commencée au printemps 1835, connaît très vite de nombreuses difficultés en raison des conditions pénibles du chantier et de l’éloignement des carrières. Elle conduit à la mort accidentelle de deux hommes et à la défection des deux entrepreneurs chargés successivement de l’exécution des travaux. Le chantier se poursuit en régie directe, la soixantaine d’ouvriers étant logés sur place dans des abris construits sur le rocher. Les travaux s’achèvent cinq ans après leur démarrage, pour un coût trois fois supérieur à l’estimation initiale, et le feu est allumé le 1er février 1840. La construction des Héaux de Bréhat, relatée dans les journaux d’époque tels que Le Magasin pittoresque, prend l’allure d’une véritable épopée contribuant à façonner l’imaginaire des phares en mer : « Comme il y a aujourd’hui en Bretagne des gens qui ne croient plus aux ouvrages des fées, il s’en trouve aussi qui ne veulent pas croire davantage à la possibilité de cette tour incomparable » (Le Magasin pittoresque, 1845).
Pour plus d'informations, vous trouverez les phases de la construction du phare d’Ar-Men sur Planète TP. De plus, le site de la mairie de Tourlaville permet de consulter les notices explicatives des travaux des constructions des phares de Gatteville et Goury par Charles-Félix Morice de La Rue.
Vous pouvez aussi visionner le docu-fiction sur la construction du phare de Bell Rock (dont plusieurs ingénieurs français se sont inspirés pour les phares bretons) basé sur le récit de Robert Stevenson :
Pour finir, quelques ouvrages :
- Feux de Mer, Louis le Cunff
- Les phares, Léon Renard
- Etudes et notions sur les constructions à la mer, Prosper Bouniceau
- Le roman des phares, Dominique le Brun
Au XIXe siècle plusieurs phares sont construits sur des îles ou des rochers en mer. Ces chantiers posent non seulement des difficultés techniques (érosion de l’ouvrage en cours de construction à chaque marée, interruptions imposées par les conditions météorologiques, difficultés liées au transport et au débarquement des matériaux…) mais aussi un danger mortel pour les ouvriers, au point que l’ingénieur Morice de La Rue s’enorgueillit que la construction du phare de Gatteville ait été réalisée sans pertes humaines.
Voici quelques exemples de constructions décrites dans l'ouvrage Phares : monuments historiques des côtes de France :
Phare du Four, Le croisic (44)
[…]Le phare du Four est une copie pure et simple des phares en mer britanniques d’Eddystone et de Bell Rock. L’adjudication est prononcée le 29 juin 1819 au profit des entrepreneurs Dardel et Genton, de Rennes. La construction rencontre quelques difficultés dues à l’érosion de l’ouvrage commencé à chaque forte marée, dont l’ingénieur en chef Rapatel rend compte au préfet dans sa lettre du 17 juillet 1820 : « Nos mortiers de ciment et mâchefer acquièrent promptement de la consistance sous l’eau et ne sont point décomposés ; je demande l’autorisation d’en faire usage pour la maçonnerie brute jusqu’à ce qu’on soit rendu à une hauteur telle que les vagues ne puissent plus nous inquiéter. » Le 6 octobre 1820, Rapatel adresse au préfet un rapport sur la lanterne à monter sur la plate-forme de la tour rappelant que la commission des Phares, dans son rapport du 17 novembre 1818, prescrivait « un feu fixe, composé de six réflecteurs paraboliques placés sur un seul rang horizontal et attachés aux rayons d’un cercle formant entre eux des angles de 60 degrés ». Rapatel propose à cet égard que la lanterne soit construite à Nantes plutôt qu’à Paris, pour des raisons tant d’économie que de commodité d’installation. Cette proposition est acceptée et le marché de la lanterne est passé le 27 février 1821 avec le ferronnier-serrurier nantais Bertrand Fourmant. Le matériel d’éclairage est fourni par la maison Eyriès & Desforges à Paris, entrepreneurs généraux de l’illumination des phares et fanaux, selon le marché du 8 octobre 1808, renouvelé le 11 juin 1817 pour neuf ans consécutifs, pour un feu fixe blanc, produit par un appareil Bordier-Marcet à six réflecteurs, allumé le 1er janvier 1822. Cette lanterne pose rapidement des problèmes d’entretien et de résistance aux intempéries, notamment à cause de sa couverture en plomb, à laquelle Rapatel propose de substituer une calotte en cuivre, moins sujette à dilatation ; la lanterne fait l’objet de réparations en 1837.
Cette tour se révèle bientôt insuffisante pour sa portée, et doit être exhaussée ; le projet est élaboré par l’ingénieur en chef Cabrol en 1840 et adopté, en même temps qu’une modernisation de l’éclairage, avec un appareil lenticulaire tournant pour un feu de 2e ordre, en 1842. L’ « inventaire des phares et fanaux des côtes de France » du ministère des travaux publics de 1846 précise que « l’appareil à feu rouge doit être maintenu pendant toute la durée des travaux entrepris pour exhausser d’environ 7 mètres la tour du Four. On présume que l’installation du nouveau phare à feu tournant pourra être effectué avant la fin de 1846 ». Cette campagne d’exhaussement de la tour du Four entraîne une transformation significative de l’intérieur : le voûtement des chambres superposées est repris en maçonnerie de blocage plus légère que la précédente pierre de taille, et la communication entre les étages s’effectue par un escalier hélicoïdal en fonte. La construction commence en février 1845 et se termine en mars 1848. La jetée d’accès est achevée et prolongée en 1886. Enfin, le vitrage polygonal de la lanterne est transformé en vitrage circulaire avec un changement de l’appareil lumineux, le 6 octobre 1932.
Phare des Héaux de Bréhat, Côtes-d’Armor (22)
Reynaud s’inspire des références que constituent les phares en mer britanniques d’Eddystone III (John Smeaton, 1759, démonté et reconstruit à terre en 1877) et de Bell Rock (Robert Stevenson, 1811), dont la forme en « tronc d’arbre » est particulièrement adaptée aux assauts de la houle et des déferlantes (modèle inauguré en France au phare du Four, mis en service en 1822 au large du Croisic), mais il propose une composition singulière superposant deux volumes nettement différenciés, une base massive « pleine en maçonnerie jusqu’à un mètre au-dessus du niveau des plus hautes mers » adoptant le profil elliptique hérité des phares ci-dessus, et une pure colonne présentant le « degré de légèreté qu’il eut paru convenable d’assigner à une tour de même hauteur exécutée sur le continent ». La silhouette très particulière, unique, des Héaux de Bréhat réside dans la discontinuité entre ces deux parties, soulignée par une galerie aménagée à hauteur du quatrième étage de l’édifice. Le massif inférieur abrite, outre l’entrée accesible par une échelle encastrée dans l’épaisseur du parement, deux étages de magasins. La colonne, haute de six étages, contient la cuisine ouvrant sur la galerie, trois chambres de gardiens, une chambre pour l’ingénieur et la salle de veille. La tour est couronnée par une terrasse circulaire supportant la lanterne métallique et son soubassement en pierre.
D’une hauteur générale de 46 mètres à l’origine, le phare est appareillé en pierre de taille de granite de l’île Grande. La construction, commencée au printemps 1835, connaît très vite de nombreuses difficultés en raison des conditions pénibles du chantier et de l’éloignement des carrières. Elle conduit à la mort accidentelle de deux hommes et à la défection des deux entrepreneurs chargés successivement de l’exécution des travaux. Le chantier se poursuit en régie directe, la soixantaine d’ouvriers étant logés sur place dans des abris construits sur le rocher. Les travaux s’achèvent cinq ans après leur démarrage, pour un coût trois fois supérieur à l’estimation initiale, et le feu est allumé le 1er février 1840. La construction des Héaux de Bréhat, relatée dans les journaux d’époque tels que Le Magasin pittoresque, prend l’allure d’une véritable épopée contribuant à façonner l’imaginaire des phares en mer : « Comme il y a aujourd’hui en Bretagne des gens qui ne croient plus aux ouvrages des fées, il s’en trouve aussi qui ne veulent pas croire davantage à la possibilité de cette tour incomparable » (Le Magasin pittoresque, 1845).
Pour plus d'informations, vous trouverez les phases de la construction du phare d’Ar-Men sur Planète TP. De plus, le site de la mairie de Tourlaville permet de consulter les notices explicatives des travaux des constructions des phares de Gatteville et Goury par Charles-Félix Morice de La Rue.
Vous pouvez aussi visionner le docu-fiction sur la construction du phare de Bell Rock (dont plusieurs ingénieurs français se sont inspirés pour les phares bretons) basé sur le récit de Robert Stevenson :
Pour finir, quelques ouvrages :
- Feux de Mer, Louis le Cunff
- Les phares, Léon Renard
- Etudes et notions sur les constructions à la mer, Prosper Bouniceau
- Le roman des phares, Dominique le Brun
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