Edition de jeux semblables à des jeux existants
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 28/07/2014 à 14h35
780 vues
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais concevoir des jeux de société sur la modèle de jeux déjà existants mais portant sur des thématiques différentes.
Par exemple un jeu de Qui-est-ce où je remplacerais les têtes des personnages par des fruits et légumes.
Par conséquent je m'interroge sur les droits d'auteurs dans l'univers des jeux de société. Est-il possible de reprendre le principe d'un jeu de société existant, de l'adapter à une thématique choisie, pour ensuite l'éditer?
Par avance, je vous remercie de votre réponse.
Cordialement,
naiice0
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 30/07/2014 à 11h12
Bonjour,
Tout d’abord nous vous rappelons que nous ne sommes pas juristes, ni spécialistes du droit d’auteur : les informations que nous vous donnons sont d’ordre général, et ne se substituent en aucun cas à la consultation d’un avocat, ou les conseils de votre éditeur.
Par ailleurs, nous vous signalons la fiche d’astuce du Guichet sur le Droit d’auteur qui contient plusieurs liens utiles.
Les jeux de société sont bien protégés par le droit d’auteur, et pas seulement :
Comment protéger mon jeu de société ?
Votre jeu de société peut cumuler plusieurs protections.
• Le nom de votre jeu peut être protégé en tant que marque.
• Les éléments esthétiques de votre jeu (le plateau du jeu, les figurines…) peuvent faire l’objet d’un dépôt de dessins et modèles.
• Si un dispositif technique innovant a été conçu à cette occasion, un dépôt de brevet peut être également envisagé.
• La règle de votre jeu peut être protégée par le droit d’auteur si elle est originale, c’est-à-dire si elle témoigne de l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Source : INPI
Le droit d’auteur ne s’applique pas aux idées ou aux concepts, mais à la forme (qu’elle soit écrite, musicale, graphique…). Par ailleurs, pour déterminer si une oeuvre en copie une autre, on n'examinera pas les différences, mais les ressemblances. Ainsi, si vous souhaitez « adapter » un jeu de société existant à une thématique différente, mais que vous conservez des règles identiques, il est probable que votre création constitue une contrefaçon, car les règles du jeu (si elles sont considérées comme « originales », c’est-à-dire reflétant la personnalité de l’auteur) sont protégées par le droit d’auteur.
Concrètement, ce système appliqué aux jeux de société pose plusieurs difficultés que résument l’avocat Stéphane Boudin sur le blog webavocat.fr :
Seul le dépôt d'une enveloppe Soleau semble pouvoir trouver une application en matière de protection de jeu. Encore faut-il en saisir toutes les subtilités.
Rappelons que, contrairement au droit anglo-saxon du copyright, en France, une œuvre octroie des prérogatives à son auteur dès sa création (sa matérialisation), sous réserve de son originalité et non à partir d'un quelconque dépôt.
La difficulté, en cas de contrefaçon, est de démontrer l'antériorité de sa création par rapport à celle de l'autre partie pour déterminer qui est l'éventuel contrefacteur. C'est le rôle de l'enveloppe Soleau, qui va être utilisée au cours du procès, au même titre que des attestations ou des documents écrits, à titre de preuve.
Mais ce procédé est limité : l'enveloppe Soleau est conservée à l'INPI pour une période de cinq ans renouvelable une fois et ne peuvent être insérés dedans que sept feuillets maximum à l'exception de tout "corps dur" (carton, caoutchouc, cuir, disquette ...). Ne peuvent donc être déposées par ce moyen concrètement que des règles de jeu et non des cartes, des pions cartonnés ou un plateau de jeu.
De plus, certains auteurs, adeptes du procédé, déposent régulièrement des règles qu'ils modifient à de nombreuses reprises. Or, en cas de litige, seule sera prise en compte par les tribunaux la dernière version des règles et non toutes les règles intermédiaires.
Une difficulté se pose, en tout état de cause, dans le domaine des jeux de société concernant l'effort de créativité. En effet, le problème est la redondance des thèmes et des mécanismes, qui ne laissera bien souvent pas transparaître pour un œil de profane (en matière de jeu) l'effort de créativité de l'auteur.
Nul doute qu'il sera donc très difficile de voir des procédures en contrefaçon aboutir.
Enfin, un argument essentiel en la matière tient au coût de la procédure. En effet, pour agir en contrefaçon au civil, il faut saisir le Tribunal de Grande Instance (depuis le 31 octobre 2007, les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître de façon exclusive, des actions en matière de contrefaçon, article L331-1, L521-3-1 et 716-3 du Code de la Propriété Intellectuelle), devant lequel la représentation des parties par avocat est obligatoire.
Il s'agit d'une procédure écrite. Les parties ne seront donc jamais entendues en personne par le Juge pour s'expliquer sur l'affaire, de même, bien évidemment, que d'éventuels témoins.
Ce type de procédure coûte très cher et ne sera pas vraiment "rentable", sauf à ce que les sommes en jeu dépassent plusieurs dizaine de milliers d'euros.
On peut enfin citer l’affaire des jeuxJungle Speed et Jungle Jam , qui reconnait aux créateurs du premier jeu un « effort créatif certain » donnant à Jungle Speed qualité d’œuvre originale protégée par le droit d’auteur… et reconnaissant Jungle Jam comme une contrefaçon :
Le Tribunal de Grande Instance de Paris était saisi dans cette affaire d’une action en contrefaçon artistique d’un jeu de société dénommé JUNGLE SPEED. Le jeu argué de contrefaçon et le JUNGLE SPEED avaient en commun :
- la règle du jeu, dont l’objectif est de se débarrasser au plus vite de ses cartes en étant plus rapide que les autres joueurs pour saisir le totem à l’apparition de cartes présentant le même symbole,
- les cartes à jouer de deux sortes : les premières faisant figurer un motif, les secondes disposant d’une fonction perturbant le déroulement du jeu (en inversant le tour, etc…),
- la présence d’un totem en bois sculpté,
- le rattachement arbitraire du jeu à l’univers de la jungle.
Ne pouvant contester ces reprises, les défenderesses faisaient valoir que les seuls éléments protégeables au titre du droit d’auteur étaient les motifs des cartes et le conditionnement, qui étaient en l’espèce très différents d’un jeu à l’autre.
Le Tribunal quant à lui, après avoir constaté qu’aucun jeu semblable n’était connu antérieurement, a jugé le JUNGLE SPEED protégeable au titre du droit d’auteur, l’ensemble constitué par les cartes à jouer de deux sortes et aux motifs variés, le totem en bois sculpté, le rattachement arbitraire à l’univers de la jungle par le nom du jeu, les motifs et les formes adoptés, résultant d’un effort créatif certain.
La démarche du Tribunal pour parvenir à pareille conclusion est certes classique mais doit être soulignée : le jeu de société étant un ensemble complexe, son originalité (et donc sa protection) résulte de l’addition du « mérite » des éléments le composant.
En l’espèce, le Tribunal relève que certains des éléments constitutifs du JUNGLE SPEED sont protégeables en eux-mêmes (les cartes, les motifs, le titre), d’autres ne pouvant donner prise au droit d’auteur (le totem).
Mais au final, le bilan est positif et l’ensemble dénote un effort créatif certain.
Le Tribunal a donc dit qu’en important, en offrant à la vente et en vendant le jeu JUNGLE JAM, les défenderesses ont commis des actes de contrefaçon du JUNGLE SPEED de Messieurs VUARCHEX et YAKOVENKO.
Cette décision est notable à plusieurs titres :
- en premier lieu, par une application claire de la méthode d’appréciation de l’originalité d’une œuvre « complexe »,
- ensuite, en ce qu’elle porte sur un type d’œuvre, « le jeu de société », peu et souvent mal considéré par les magistrats,
- enfin, par sa rigueur dans la détermination des mesures réparatrices : Messieurs VUARCHEX et YAKOVENKO, créateurs du JUNGLE SPEED, sollicitaient du Tribunal la somme de 106.220 euros au titre du chiffre d’affaire perdu du fait de la contrefaçon et « une condamnation de principe » au titre de l’atteinte à leur droit moral. Le Tribunal les déboute de l’ensemble de leurs demandes pécuniaires, en retenant que :
« …selon un contrat conclu le 15 décembre 2003, Thomas Vuarchex et Pierric Yakovenko ont cédé à la société Asmodée le droit exclusif de reproduire et de représenter …le jeu qu’ils ont conçu, moyennant une redevance de X% du prix public HT. Compte tenu de ce contrat, la perte de chiffre d’affaires tenant à la diminution des ventes du jeu JUNGLE SPEED est subie par la société Asmodée et les auteurs, qui subissent éventuellement une diminution de leurs redevances, ne peuvent demander l’allocation de dommages et intérêts en vue de compenser la perte de chiffre d’affaires subi par la société éditrice . »,
« ...une demande portant sur une condamnation de principe est une demande indéterminée et est donc irrecevable, à ce titre ».
Le Tribunal condamne néanmoins les défenderesses à payer aux créateurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile (CPC) le coût des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat effectués dans cette affaire.
La société ASMODEE, éditrice du JUNGLE SPEED, se voit quant à elle allouée la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts et 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Source : Le jeu de société, une oeuvre comme les autres..., par Alexandre JACQUET, Avocat au barreau de Paris, la-contrefacon.info
Pour plus d’informations vous pouvez prendre contact avec une association d’auteurs de jeu de société comme la MAJ (Maison des Auteurs de Jeux) ou encore Créoludo.
Bonne journée.
Tout d’abord nous vous rappelons que nous ne sommes pas juristes, ni spécialistes du droit d’auteur : les informations que nous vous donnons sont d’ordre général, et ne se substituent en aucun cas à la consultation d’un avocat, ou les conseils de votre éditeur.
Par ailleurs, nous vous signalons la fiche d’astuce du Guichet sur le Droit d’auteur qui contient plusieurs liens utiles.
Les jeux de société sont bien protégés par le droit d’auteur, et pas seulement :
Votre jeu de société peut cumuler plusieurs protections.
• Le nom de votre jeu peut être protégé en tant que marque.
• Les éléments esthétiques de votre jeu (le plateau du jeu, les figurines…) peuvent faire l’objet d’un dépôt de dessins et modèles.
• Si un dispositif technique innovant a été conçu à cette occasion, un dépôt de brevet peut être également envisagé.
• La règle de votre jeu peut être protégée par le droit d’auteur si elle est originale, c’est-à-dire si elle témoigne de l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Source : INPI
Le droit d’auteur ne s’applique pas aux idées ou aux concepts, mais à la forme (qu’elle soit écrite, musicale, graphique…). Par ailleurs, pour déterminer si une oeuvre en copie une autre, on n'examinera pas les différences, mais les ressemblances. Ainsi, si vous souhaitez « adapter » un jeu de société existant à une thématique différente, mais que vous conservez des règles identiques, il est probable que votre création constitue une contrefaçon, car les règles du jeu (si elles sont considérées comme « originales », c’est-à-dire reflétant la personnalité de l’auteur) sont protégées par le droit d’auteur.
Concrètement, ce système appliqué aux jeux de société pose plusieurs difficultés que résument l’avocat Stéphane Boudin sur le blog webavocat.fr :
Seul le dépôt d'une enveloppe Soleau semble pouvoir trouver une application en matière de protection de jeu. Encore faut-il en saisir toutes les subtilités.
Rappelons que, contrairement au droit anglo-saxon du copyright, en France, une œuvre octroie des prérogatives à son auteur dès sa création (sa matérialisation), sous réserve de son originalité et non à partir d'un quelconque dépôt.
La difficulté, en cas de contrefaçon, est de démontrer l'antériorité de sa création par rapport à celle de l'autre partie pour déterminer qui est l'éventuel contrefacteur. C'est le rôle de l'enveloppe Soleau, qui va être utilisée au cours du procès, au même titre que des attestations ou des documents écrits, à titre de preuve.
Mais ce procédé est limité : l'enveloppe Soleau est conservée à l'INPI pour une période de cinq ans renouvelable une fois et ne peuvent être insérés dedans que sept feuillets maximum à l'exception de tout "corps dur" (carton, caoutchouc, cuir, disquette ...). Ne peuvent donc être déposées par ce moyen concrètement que des règles de jeu et non des cartes, des pions cartonnés ou un plateau de jeu.
De plus, certains auteurs, adeptes du procédé, déposent régulièrement des règles qu'ils modifient à de nombreuses reprises. Or, en cas de litige, seule sera prise en compte par les tribunaux la dernière version des règles et non toutes les règles intermédiaires.
Une difficulté se pose, en tout état de cause, dans le domaine des jeux de société concernant l'effort de créativité. En effet, le problème est la redondance des thèmes et des mécanismes, qui ne laissera bien souvent pas transparaître pour un œil de profane (en matière de jeu) l'effort de créativité de l'auteur.
Nul doute qu'il sera donc très difficile de voir des procédures en contrefaçon aboutir.
Enfin, un argument essentiel en la matière tient au coût de la procédure. En effet, pour agir en contrefaçon au civil, il faut saisir le Tribunal de Grande Instance (depuis le 31 octobre 2007, les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître de façon exclusive, des actions en matière de contrefaçon, article L331-1, L521-3-1 et 716-3 du Code de la Propriété Intellectuelle), devant lequel la représentation des parties par avocat est obligatoire.
Il s'agit d'une procédure écrite. Les parties ne seront donc jamais entendues en personne par le Juge pour s'expliquer sur l'affaire, de même, bien évidemment, que d'éventuels témoins.
Ce type de procédure coûte très cher et ne sera pas vraiment "rentable", sauf à ce que les sommes en jeu dépassent plusieurs dizaine de milliers d'euros.
On peut enfin citer l’affaire des jeux
Le Tribunal de Grande Instance de Paris était saisi dans cette affaire d’une action en contrefaçon artistique d’un jeu de société dénommé JUNGLE SPEED. Le jeu argué de contrefaçon et le JUNGLE SPEED avaient en commun :
- la règle du jeu, dont l’objectif est de se débarrasser au plus vite de ses cartes en étant plus rapide que les autres joueurs pour saisir le totem à l’apparition de cartes présentant le même symbole,
- les cartes à jouer de deux sortes : les premières faisant figurer un motif, les secondes disposant d’une fonction perturbant le déroulement du jeu (en inversant le tour, etc…),
- la présence d’un totem en bois sculpté,
- le rattachement arbitraire du jeu à l’univers de la jungle.
Ne pouvant contester ces reprises, les défenderesses faisaient valoir que les seuls éléments protégeables au titre du droit d’auteur étaient les motifs des cartes et le conditionnement, qui étaient en l’espèce très différents d’un jeu à l’autre.
Le Tribunal quant à lui, après avoir constaté qu’aucun jeu semblable n’était connu antérieurement, a jugé le JUNGLE SPEED protégeable au titre du droit d’auteur, l’ensemble constitué par les cartes à jouer de deux sortes et aux motifs variés, le totem en bois sculpté, le rattachement arbitraire à l’univers de la jungle par le nom du jeu, les motifs et les formes adoptés, résultant d’un effort créatif certain.
La démarche du Tribunal pour parvenir à pareille conclusion est certes classique mais doit être soulignée : le jeu de société étant un ensemble complexe, son originalité (et donc sa protection) résulte de l’addition du « mérite » des éléments le composant.
En l’espèce, le Tribunal relève que certains des éléments constitutifs du JUNGLE SPEED sont protégeables en eux-mêmes (les cartes, les motifs, le titre), d’autres ne pouvant donner prise au droit d’auteur (le totem).
Mais au final, le bilan est positif et l’ensemble dénote un effort créatif certain.
Le Tribunal a donc dit qu’en important, en offrant à la vente et en vendant le jeu JUNGLE JAM, les défenderesses ont commis des actes de contrefaçon du JUNGLE SPEED de Messieurs VUARCHEX et YAKOVENKO.
Cette décision est notable à plusieurs titres :
- en premier lieu, par une application claire de la méthode d’appréciation de l’originalité d’une œuvre « complexe »,
- ensuite, en ce qu’elle porte sur un type d’œuvre, « le jeu de société », peu et souvent mal considéré par les magistrats,
- enfin, par sa rigueur dans la détermination des mesures réparatrices : Messieurs VUARCHEX et YAKOVENKO, créateurs du JUNGLE SPEED, sollicitaient du Tribunal la somme de 106.220 euros au titre du chiffre d’affaire perdu du fait de la contrefaçon et « une condamnation de principe » au titre de l’atteinte à leur droit moral. Le Tribunal les déboute de l’ensemble de leurs demandes pécuniaires, en retenant que :
« …selon un contrat conclu le 15 décembre 2003, Thomas Vuarchex et Pierric Yakovenko ont cédé à la société Asmodée le droit exclusif de reproduire et de représenter …le jeu qu’ils ont conçu, moyennant une redevance de X% du prix public HT. Compte tenu de ce contrat, la perte de chiffre d’affaires tenant à la diminution des ventes du jeu JUNGLE SPEED est subie par la société Asmodée et les auteurs, qui subissent éventuellement une diminution de leurs redevances, ne peuvent demander l’allocation de dommages et intérêts en vue de compenser la perte de chiffre d’affaires subi par la société éditrice . »,
« ...une demande portant sur une condamnation de principe est une demande indéterminée et est donc irrecevable, à ce titre ».
Le Tribunal condamne néanmoins les défenderesses à payer aux créateurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile (CPC) le coût des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat effectués dans cette affaire.
La société ASMODEE, éditrice du JUNGLE SPEED, se voit quant à elle allouée la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts et 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Source : Le jeu de société, une oeuvre comme les autres..., par Alexandre JACQUET, Avocat au barreau de Paris, la-contrefacon.info
Pour plus d’informations vous pouvez prendre contact avec une association d’auteurs de jeu de société comme la MAJ (Maison des Auteurs de Jeux) ou encore Créoludo.
Bonne journée.
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