Question d'origine :
Bonjour… et grand merci pour vos recherches et documentations.
Ma question :
Le Moyen Âge connaissait peu ou prou les Romains et les Grecs, berceaux de notre culture à travers les ouvrages. Mais connaissaient-ils l'Égypte ? Dans l'affirmative, par quel biais?
merci de votre apport collaboratif
bonne journée
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 29/08/2014 à 11h08
Bonjour,
Pour commencer, vous trouverez des éléments de réponse sur cette étude, qui aborde le sujet de l’héritage laissé par l’ Egypte pharaonnique au moyen Age occidental:
On a l’habitude de considérer que l’Égypte disparaît totalement des préoccupations de l’Occident avec la chute de l’Empire romain et l’avènement de ce qu’il est convenu d’appeler le Moyen-Âge. Une telle opinion mérite, en réalité, quelques nuances .En effet, même s’il n’y a désormais plus aucun contact direct avec la civilisation pharaonique,- qui a alors cessé d’exister, vaincue par l’Empire romain, le Christianisme, puis l’Islam,- le Moyen-Âge chrétien entretient une certaine image de l’ancienne Égypte, héritée des textes antiques. Rappelons que plusieurs épisodes bibliques se déroulent en terre d’Égypte, comme l’histoire de Joseph et ses frères, l’Exode ou la fuite de la Sainte Famille après la naissance du Christ. En outre, nombre de Pères de l’Église, tels Eusèbe de Césarée, Rufin d’Aquilée ou saint Augustin, évoquent, en général pour les tourner en dérision, les cultes pharaoniques et, ce faisant, contribuent à entretenir leur aura de mystère, même s’ils sont souvent présentés comme fallacieux et démoniaques. Pour le savant de l’époque, ainsi que Charles Burnett l’a parfaitement mis en évidence1, l’Égypte est également la source de la médecine et de la science des étoiles, ou encore la patrie d’Hermès Trismégiste[fg. 1], grande figure de l’alchimie, envisagé comme un sage païen, mais néanmoins vénérable, respecté et même étudié. En somme, les sources bibliques, classiques et arabes disponibles à l’époque médiévale enracinent définitivement dans l’imaginaire collectif occidental cette vision de l’Égypte pharaonique nimbée de mystère et de sagesse ancestrale que les Grecs, puis les Romains, avaient créée et qui a encore très largement cours aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins, bien sûr, que, sur cet arrière-plan de mémoire culturelle plus que millénaire, c’est avec la Renaissance et l’humanisme qui la caractérise,- cette volonté de redécouvrir et de redonner naissance à l’Antiquité par le recours et le retour aux sources anciennes,- que la vieille civili-sation pharaonique va commencer à être exhumée des sables du passé qui avaient fini par l’engloutir.
Des sources sur l’Egypte antique : Histoire de l’Egypte ancienne, Insecula.com :
Le travail réalisé par Manéthon, très imparfait, propose des listes de pharaons, classés par ordre de succession et répartis en trente et une dynasties, avec les durées de règnes et sommes des années. Ce prêtre de Sébennytos (l'actuelle Samanoud dans le Delta) avait reçu de Ptolémée II la mission de rédiger en grec une histoire de l'Egypte, de Ménès à la conquête macédonienne. Son oeuvre, Aegyptiaca, écrite en grec en 30 volumes, nous est parvenue de façon très fragmentaire à travers les écrits tardifs de Flavius Josèphe, historien d'origine juive du Ier siècle de notre ère et des chronographes chrétiens Sextus Julius l'Africain (début du IIIème siècle) et Eusèbe (début du IVème siècle).
Un héritage en matière de Mathématiques :
La multiplication égyptienne
Le système de numération rend les additions complètement évidentes, puisqu’il s’agit de compter le nombre de symboles de chaque sorte, en tenant compte des retenues éventuelles. La technique de la multiplication repose entièrement sur la duplication qui est aussi extrêmement simple, et quelquefois sur la multiplication par 10, qui nécessite un simple décalage dans les symboles. Parallèlement le processus de division par 2 était utilisé. Cette technique par duplication était appelée « multiplication égyptienne »et enseignée dans les écoles grecques. Elle figurait aussi dans les traités de calcul du Moyen Âge en Europe, ainsi que la division par 2.
Les nombres en Egypte, E. Cousquer
Voir aussi :
Des hiéroglyphes à la Croix. Ce que le passé pharaonique a légué au christianisme, Jean Doresse
« Les érudits de l’Europe occidentale ont acquis, au haut Moyen Âge déjà, une certaine connaissance de l’Égypte antique, depuis les temps pharaoniques jusqu’à la fin de l’époque byzantine (642). Ces renseignements, bénéficiant de la transmission de témoignages classiques, dès les écrits d’Hérodote et les textes bibliques, furent diffusés par des auteurs médiévaux, en particulier Isidore de Séville. En revanche, depuis la conquête musulmane de 642 jusqu’à la fin du XIIIe siècle, l’Égypte fut pratiquement une terra incognita pour les Européens. Ceci en dépit de certaines remarques insérées dans les relations de voyage de quelques pèlerins en route vers la Terre sainte et surtout de renseignements provenant de l’historiographie latine de l’époque des croisades, dont l’intérêt principal portait sur les guerres entre les croisés et les sultans fatimides et ayyoubides de l’Égypte. Ces renseignements furent diffusés tels quels en Europe occidentale ; à l'exception de l’Histoire orientale de Jacques de Vitry, nourrie par l’expérience de la cinquième croisade, ils ne contenaient ni description du pays, ni données sur son régime et sur sa société. »
Extrait de l’article : La description de l’Égypte au XIVe siècle par les pèlerins et les voyageurs occidentaux, Aryeh Graboïs, Revue Moyen-Age, 2003/3, à lire en entier (voir aussi les références bibliographiques).
Mais dans le long temps du Moyen- Age, il conviendrait peut-être, pour répondre à votre question de façon plus élaborée, de clarifier les notions d’héritage culturel, de temps historique, de temps chrétien, d’historicité et de transmission du savoir pour l’homme médiéval.
Pour ce faire, nous vous conseillons la lecture d’un chapitre particulièrement intéressant intitulé : les ambiguïtés du temps historique :
En dépit de certaines avancées, l’historiographie médiévale se heurte à de redoutables limites. Les bibliothèques médiévales demeurent peu fournies en textes historique, et hormis les quelques best-sellers mentionnés précédemment, les œuvres, en particulièrement les plus récentes, circulent en nombre fort réduit, même si la production accrue de manuscrits, entre XIIIe et XVe siècle procure une amélioration sensible. Les sources sont également restreintes : le recours aux archives est exceptionnel et se limite , au mieux, à celles que possède l’institution au sein de laquelle l’historiographie travaille. Les livres d’.histoire sont pour l’essentiel des compilations d’ouvrages antérieurs, complétées par le témoignage de l’auteur et des contemporains qu’il a pu interroger. Enfin on ignore à peu près tout de la critique de sources, et les critères de la vérité historique sont bien plutôt la vraisemblance et l’autorité de la source d’information (principe acritique selon lequel un récit vaut ce que vaut le prestige de son auteur, réel ou supposé). En outre , si l’histoire est un savoir jugé important, elle n’est pas un métier à part entière. Elle n’est pas non plus une discipline universitaire et n’est même pas enseignée parmi les arts libéraux (ou l’on trouve notamment l’astronomie, la grammaire et la rhétorique..
On aperçoit alors la plus grande limite des conceptions de l’histoire au Moyen Age (sans même parler du fait que le seul véritable acteur de cette histoire est Dieu, les hommes n’étant que les instruments à travers lesquels se réalise le plan divin) . l’absence de séparation claire entre l’hier et l’aujourd’hui projette sans réserve le présent dans le passé et réciproquement.. Les personnages historiques raisonnent comme les contemporains des chroniqueurs. On attribue aux anciens Romains l’éthique courtoise de la chevalerie du XIIe siècle, tandis que les artistes habillent les héros de la Bible et de l’Antiquité comme des clercs médiévaux ou des chevaliers engoncés dans leurs armures. A l’inverse, le passé peut se projeter dans, en faisant d’une lutte contemporaine la répétition d’un combat biblique. Ainsi, « la conscience historique, dans la mesure où on peut employer ce terme au Moyen Age, restait essentiellement antihistorique. De là ce trait inhérent de l’historiographie médiévale – l’anachronisme » (Aaron Gourevich). En dépit d’un essor de la culture historique, surtout entre le XIIe et le XVe siècles, l’historiographie révèle la même ambiguïté que la conception des temps historiques . Elle se fonde, ,pour l’essentiel sur une vision acritique et antihistorique, car, inscrite dans un temps répétitif et immobile, elle peine à différencier le passé et le présent. L’historiographie du Moyen Age est donc séparée de notre propre conception de l’histoire. Par une double rupture : la systématisation des règles de critique du document historique (à partir du XVIIe siècle et l’instauration , un siècle plus tard, d’un régime moderne d’historicité, fondé sur l’expérience et attente, et permettant donc de faire du passé un objet d’étude à par entière
Dans :
La civilisation féodale, de l’an mil à la colonisation de l’Amérique
Une illustration des précédents propos : L’Egypte vue par l’occident médiéval : une enluminure (les égyptiens sont représentés avec des habits médiévaux occidentaux)
La page Les sept merveilles du monde .Visions médiévales explique comment et selon quels auteurs les pyramides étaient décrites comme « les greniers de Joseph ».
Dans Genèse culturelle de l’Europe, l’auteur s’efforce de présenter de la manière la plus systématique possible quels chemins, quelles composantes , quelle chronologie caractérisent la genèse au terme de laquelle la culture antique est devenue médiévale ; voir p. 18 et suivantes.
Voir aussi :
Dictionnaire du Moyen Age :
Aux entrées :
Encyclopédisme :
Nombre d’ouvrages tâchent d’exposer, en un ensemble ordonné, la totalité des connaissances humaines. Il s’agit toujours d’oeuvres de compilation et de vulgarisation qui s’efforcent de mettre à la disposition de milieux cultivés-ecclésiastiques d’abord, laïques ensuite tout le savoir du monde…On peut distinguer deux grandes périodes dans l’histoire et l’encyclopédisme au Moyen Age occidental. La première, qui va du Vie au XIIe siècle, est placée sous le signe de la transmission, en un temps de pénurie philologique, de ce qui reste de l’héritage gréco-romain. L’Occident médiéval reprend, en le christianisant, le projet de compilation et d’ordonnancement de l’ensemble des connaissances. C’est à Saint Augustin, qu’il faut remonter pour trouver la première formulation du programme de l’encyclopédisme chrétien. Plaçant la foi au centre de tout savoir, il en appelle, dans le « de doctrina christiana », à une plus grande connaissance de la nature en vue d’une meilleure compréhension de l’Ecriture…
L’Histoire universelle :
Lorsque l’historien cherche, tout en gardant une armature chronologique à son ouvrage, à l’inscrire dans le temps du salut, en en faisant une histoire de la destinée humaine, dans la mesure de ses connaissances, il écrit une chronique universelle. Le genre s’appuie sur la chronique d’Eusèbe de Césarée (mort en 338) ; traduite du grec et continuée par Saint Jérôme en 381. A la fois religieuses et civiles au Ve et Vie siècles (Prosper d’Aquitaine, Marius d’Avanches, Isidore de Séville, qui fait correspondre les âges successifs de l’humanité avec les épisodes de l’histoire juive, elles sont très influencées par les idées de Saint Augustin sur le temps chrétien et l’établissement de la volonté divine sur terre, à partir du VIIe siècle (Bède le vénérable, puis à l’époque carolingienne Fréculphe de Lisieux, Adon de Vienne, Réginion dePrüm ; puis le morcellement des principautés et le resserrement des horizons se traduisent par une raréfaction des tentatives d’écrire une histoire globale et les chroniques prennent un aspect régional, aux Xe et XIe siecles…
Voir aussi l’entrée :
Le genre littéraire « histoire » :
…Elles sont adressées à des dirigeants, rois ou leurs proches ; et tentent à leur profit, de déchiffrer l’opacité du réel et de proposer une ligne de conduite, ce qu’on peut traduire de façon simpliste par une distinction éloquente par elle-même entre le bien et le mal…
Pour la transmission du savoir, référons nous à Ces gens du Moyen -Age
Bien évidemment, ni le vigneron de Bourgogne, ni le berger des Causses, ni le tisserand de Flandre n’ont entendu parler de l’ Egypte ancienne ni même d Aristote peut-être même pas leur curé de village.
Lisons au chapitre « la connaissance »p 309 et suivantes :
Dans les temps médiévaux, la miniature, la fresque, la sculpture sont les supports majuscules : on y trouve l’illustration des scènes religieuses, guerrières, légendaires. Le contenu symbolique de la plupart de ces représentations touche surtout les intellectuels…Les manuscrits ornés de lettres peintes, et même ceux qui se veulent pratiques, comme les bestiaires illustrés, ne sont accessibles qu’aux riches et aux clercs…
Le « commun » n’a en principe rien besoin d’apprendre et s’en remet à ceux qui savent ; ceux qui savent sont les ministres de la « Divinité »…Les clercs, qui écrivaient des récits sur le passé pour des motifs variés et toujours contextuels ; Ils ne visaient pas l’accroissement des connaissances ; l’écriture de l’histoire était généralement liée et subordonnée à une fin politique, théologique ou morale….
Pour finir,
Le monde, l’histoire, essai sur les histoires universelles,un ouvrage fort intéressant , paru récemment.
le numéro 210 du monde de la Bible p.68 : un article d’un historien de l’art :
Le développement de l’iconographie chrétienne dans l’antiquité tardive a estompé la connaissance du monde égyptien antique qu’avaient les romains de l’époque classique. Dans ces images nouvelles rien ne permet plus de situer les scènes représentées, tant l’histoire de Joseph que l’Exode ou la Fuite en Egypte, principaux épisodes égyptiens représentés. Dès lors seule importe la dimension théologique chrétienne des images…
Bonnes lectures
Pour commencer, vous trouverez des éléments de réponse sur cette étude, qui aborde le sujet de l’héritage laissé par l’ Egypte pharaonnique au moyen Age occidental:
On a l’habitude de considérer que l’Égypte disparaît totalement des préoccupations de l’Occident avec la chute de l’Empire romain et l’avènement de ce qu’il est convenu d’appeler le Moyen-Âge. Une telle opinion mérite, en réalité, quelques nuances .En effet, même s’il n’y a désormais plus aucun contact direct avec la civilisation pharaonique,- qui a alors cessé d’exister, vaincue par l’Empire romain, le Christianisme, puis l’Islam,- le Moyen-Âge chrétien entretient une certaine image de l’ancienne Égypte, héritée des textes antiques. Rappelons que plusieurs épisodes bibliques se déroulent en terre d’Égypte, comme l’histoire de Joseph et ses frères, l’Exode ou la fuite de la Sainte Famille après la naissance du Christ. En outre, nombre de Pères de l’Église, tels Eusèbe de Césarée, Rufin d’Aquilée ou saint Augustin, évoquent, en général pour les tourner en dérision, les cultes pharaoniques et, ce faisant, contribuent à entretenir leur aura de mystère, même s’ils sont souvent présentés comme fallacieux et démoniaques. Pour le savant de l’époque, ainsi que Charles Burnett l’a parfaitement mis en évidence1, l’Égypte est également la source de la médecine et de la science des étoiles, ou encore la patrie d’Hermès Trismégiste[fg. 1], grande figure de l’alchimie, envisagé comme un sage païen, mais néanmoins vénérable, respecté et même étudié. En somme, les sources bibliques, classiques et arabes disponibles à l’époque médiévale enracinent définitivement dans l’imaginaire collectif occidental cette vision de l’Égypte pharaonique nimbée de mystère et de sagesse ancestrale que les Grecs, puis les Romains, avaient créée et qui a encore très largement cours aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins, bien sûr, que, sur cet arrière-plan de mémoire culturelle plus que millénaire, c’est avec la Renaissance et l’humanisme qui la caractérise,- cette volonté de redécouvrir et de redonner naissance à l’Antiquité par le recours et le retour aux sources anciennes,- que la vieille civili-sation pharaonique va commencer à être exhumée des sables du passé qui avaient fini par l’engloutir.
Le travail réalisé par Manéthon, très imparfait, propose des listes de pharaons, classés par ordre de succession et répartis en trente et une dynasties, avec les durées de règnes et sommes des années. Ce prêtre de Sébennytos (l'actuelle Samanoud dans le Delta) avait reçu de Ptolémée II la mission de rédiger en grec une histoire de l'Egypte, de Ménès à la conquête macédonienne. Son oeuvre, Aegyptiaca, écrite en grec en 30 volumes, nous est parvenue de façon très fragmentaire à travers les écrits tardifs de Flavius Josèphe, historien d'origine juive du Ier siècle de notre ère et des chronographes chrétiens Sextus Julius l'Africain (début du IIIème siècle) et Eusèbe (début du IVème siècle).
La multiplication égyptienne
Le système de numération rend les additions complètement évidentes, puisqu’il s’agit de compter le nombre de symboles de chaque sorte, en tenant compte des retenues éventuelles. La technique de la multiplication repose entièrement sur la duplication qui est aussi extrêmement simple, et quelquefois sur la multiplication par 10, qui nécessite un simple décalage dans les symboles. Parallèlement le processus de division par 2 était utilisé. Cette technique par duplication était appelée « multiplication égyptienne »et enseignée dans les écoles grecques. Elle figurait aussi dans les traités de calcul du Moyen Âge en Europe, ainsi que la division par 2.
Les nombres en Egypte, E. Cousquer
Voir aussi :
Des hiéroglyphes à la Croix. Ce que le passé pharaonique a légué au christianisme, Jean Doresse
« Les érudits de l’Europe occidentale ont acquis, au haut Moyen Âge déjà, une certaine connaissance de l’Égypte antique, depuis les temps pharaoniques jusqu’à la fin de l’époque byzantine (642). Ces renseignements, bénéficiant de la transmission de témoignages classiques, dès les écrits d’Hérodote et les textes bibliques, furent diffusés par des auteurs médiévaux, en particulier Isidore de Séville. En revanche, depuis la conquête musulmane de 642 jusqu’à la fin du XIIIe siècle, l’Égypte fut pratiquement une terra incognita pour les Européens. Ceci en dépit de certaines remarques insérées dans les relations de voyage de quelques pèlerins en route vers la Terre sainte et surtout de renseignements provenant de l’historiographie latine de l’époque des croisades, dont l’intérêt principal portait sur les guerres entre les croisés et les sultans fatimides et ayyoubides de l’Égypte. Ces renseignements furent diffusés tels quels en Europe occidentale ; à l'exception de l’Histoire orientale de Jacques de Vitry, nourrie par l’expérience de la cinquième croisade, ils ne contenaient ni description du pays, ni données sur son régime et sur sa société. »
Extrait de l’article : La description de l’Égypte au XIVe siècle par les pèlerins et les voyageurs occidentaux, Aryeh Graboïs, Revue Moyen-Age, 2003/3, à lire en entier (voir aussi les références bibliographiques).
Mais dans le long temps du Moyen- Age, il conviendrait peut-être, pour répondre à votre question de façon plus élaborée, de clarifier les notions d’héritage culturel, de temps historique, de temps chrétien, d’historicité et de transmission du savoir pour l’homme médiéval.
Pour ce faire, nous vous conseillons la lecture d’un chapitre particulièrement intéressant intitulé : les ambiguïtés du temps historique :
En dépit de certaines avancées, l’historiographie médiévale se heurte à de redoutables limites. Les bibliothèques médiévales demeurent peu fournies en textes historique, et hormis les quelques best-sellers mentionnés précédemment, les œuvres, en particulièrement les plus récentes, circulent en nombre fort réduit, même si la production accrue de manuscrits, entre XIIIe et XVe siècle procure une amélioration sensible. Les sources sont également restreintes : le recours aux archives est exceptionnel et se limite , au mieux, à celles que possède l’institution au sein de laquelle l’historiographie travaille. Les livres d’.histoire sont pour l’essentiel des compilations d’ouvrages antérieurs, complétées par le témoignage de l’auteur et des contemporains qu’il a pu interroger. Enfin on ignore à peu près tout de la critique de sources, et les critères de la vérité historique sont bien plutôt la vraisemblance et l’autorité de la source d’information (principe acritique selon lequel un récit vaut ce que vaut le prestige de son auteur, réel ou supposé). En outre , si l’histoire est un savoir jugé important, elle n’est pas un métier à part entière. Elle n’est pas non plus une discipline universitaire et n’est même pas enseignée parmi les arts libéraux (ou l’on trouve notamment l’astronomie, la grammaire et la rhétorique..
On aperçoit alors la plus grande limite des conceptions de l’histoire au Moyen Age (sans même parler du fait que le seul véritable acteur de cette histoire est Dieu, les hommes n’étant que les instruments à travers lesquels se réalise le plan divin) . l’absence de séparation claire entre l’hier et l’aujourd’hui projette sans réserve le présent dans le passé et réciproquement.. Les personnages historiques raisonnent comme les contemporains des chroniqueurs. On attribue aux anciens Romains l’éthique courtoise de la chevalerie du XIIe siècle, tandis que les artistes habillent les héros de la Bible et de l’Antiquité comme des clercs médiévaux ou des chevaliers engoncés dans leurs armures. A l’inverse, le passé peut se projeter dans, en faisant d’une lutte contemporaine la répétition d’un combat biblique. Ainsi, « la conscience historique, dans la mesure où on peut employer ce terme au Moyen Age, restait essentiellement antihistorique. De là ce trait inhérent de l’historiographie médiévale – l’anachronisme » (Aaron Gourevich). En dépit d’un essor de la culture historique, surtout entre le XIIe et le XVe siècles, l’historiographie révèle la même ambiguïté que la conception des temps historiques . Elle se fonde, ,pour l’essentiel sur une vision acritique et antihistorique, car, inscrite dans un temps répétitif et immobile, elle peine à différencier le passé et le présent. L’historiographie du Moyen Age est donc séparée de notre propre conception de l’histoire. Par une double rupture : la systématisation des règles de critique du document historique (à partir du XVIIe siècle et l’instauration , un siècle plus tard, d’un régime moderne d’historicité, fondé sur l’expérience et attente, et permettant donc de faire du passé un objet d’étude à par entière
Dans :
La civilisation féodale, de l’an mil à la colonisation de l’Amérique
La page Les sept merveilles du monde .Visions médiévales explique comment et selon quels auteurs les pyramides étaient décrites comme « les greniers de Joseph ».
Dans Genèse culturelle de l’Europe, l’auteur s’efforce de présenter de la manière la plus systématique possible quels chemins, quelles composantes , quelle chronologie caractérisent la genèse au terme de laquelle la culture antique est devenue médiévale ; voir p. 18 et suivantes.
Voir aussi :
Dictionnaire du Moyen Age :
Aux entrées :
Nombre d’ouvrages tâchent d’exposer, en un ensemble ordonné, la totalité des connaissances humaines. Il s’agit toujours d’oeuvres de compilation et de vulgarisation qui s’efforcent de mettre à la disposition de milieux cultivés-ecclésiastiques d’abord, laïques ensuite tout le savoir du monde…On peut distinguer deux grandes périodes dans l’histoire et l’encyclopédisme au Moyen Age occidental. La première, qui va du Vie au XIIe siècle, est placée sous le signe de la transmission, en un temps de pénurie philologique, de ce qui reste de l’héritage gréco-romain. L’Occident médiéval reprend, en le christianisant, le projet de compilation et d’ordonnancement de l’ensemble des connaissances. C’est à Saint Augustin, qu’il faut remonter pour trouver la première formulation du programme de l’encyclopédisme chrétien. Plaçant la foi au centre de tout savoir, il en appelle, dans le « de doctrina christiana », à une plus grande connaissance de la nature en vue d’une meilleure compréhension de l’Ecriture…
Lorsque l’historien cherche, tout en gardant une armature chronologique à son ouvrage, à l’inscrire dans le temps du salut, en en faisant une histoire de la destinée humaine, dans la mesure de ses connaissances, il écrit une chronique universelle. Le genre s’appuie sur la chronique d’Eusèbe de Césarée (mort en 338) ; traduite du grec et continuée par Saint Jérôme en 381. A la fois religieuses et civiles au Ve et Vie siècles (Prosper d’Aquitaine, Marius d’Avanches, Isidore de Séville, qui fait correspondre les âges successifs de l’humanité avec les épisodes de l’histoire juive, elles sont très influencées par les idées de Saint Augustin sur le temps chrétien et l’établissement de la volonté divine sur terre, à partir du VIIe siècle (Bède le vénérable, puis à l’époque carolingienne Fréculphe de Lisieux, Adon de Vienne, Réginion dePrüm ; puis le morcellement des principautés et le resserrement des horizons se traduisent par une raréfaction des tentatives d’écrire une histoire globale et les chroniques prennent un aspect régional, aux Xe et XIe siecles…
Voir aussi l’entrée :
…Elles sont adressées à des dirigeants, rois ou leurs proches ; et tentent à leur profit, de déchiffrer l’opacité du réel et de proposer une ligne de conduite, ce qu’on peut traduire de façon simpliste par une distinction éloquente par elle-même entre le bien et le mal…
Pour la transmission du savoir, référons nous à Ces gens du Moyen -Age
Bien évidemment, ni le vigneron de Bourgogne, ni le berger des Causses, ni le tisserand de Flandre n’ont entendu parler de l’ Egypte ancienne ni même d Aristote peut-être même pas leur curé de village.
Lisons au chapitre « la connaissance »p 309 et suivantes :
Dans les temps médiévaux, la miniature, la fresque, la sculpture sont les supports majuscules : on y trouve l’illustration des scènes religieuses, guerrières, légendaires. Le contenu symbolique de la plupart de ces représentations touche surtout les intellectuels…Les manuscrits ornés de lettres peintes, et même ceux qui se veulent pratiques, comme les bestiaires illustrés, ne sont accessibles qu’aux riches et aux clercs…
Le « commun » n’a en principe rien besoin d’apprendre et s’en remet à ceux qui savent ; ceux qui savent sont les ministres de la « Divinité »…Les clercs, qui écrivaient des récits sur le passé pour des motifs variés et toujours contextuels ; Ils ne visaient pas l’accroissement des connaissances ; l’écriture de l’histoire était généralement liée et subordonnée à une fin politique, théologique ou morale….
Pour finir,
Le monde, l’histoire, essai sur les histoires universelles,un ouvrage fort intéressant , paru récemment.
le numéro 210 du monde de la Bible p.68 : un article d’un historien de l’art :
Le développement de l’iconographie chrétienne dans l’antiquité tardive a estompé la connaissance du monde égyptien antique qu’avaient les romains de l’époque classique. Dans ces images nouvelles rien ne permet plus de situer les scènes représentées, tant l’histoire de Joseph que l’Exode ou la Fuite en Egypte, principaux épisodes égyptiens représentés. Dès lors seule importe la dimension théologique chrétienne des images…
Bonnes lectures
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