Pétitions en ligne
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 27/10/2014 à 14h17
240 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je me demande comment fonctionnent les pétitions en ligne: à quel point cela sert-il à quelque chose, dans la mesure où n'importe qui pourrait s'amuser à rentrer des identités fictives? En outre, peut-on signer une pétition en ligne pour une cause qui a lieu dans un pays où l'on ne réside pas?
Merci beaucoup pour votre beau travail.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 29/10/2014 à 10h35
Bonjour,
Plusieurs articles consultables sur le web se penchent sur le phénomène des pétitions en ligne, et répondent à l’essentiel de vos questions :
Début septembre, une pétition lancée par un étudiant de 24 ans a rencontré un succès inédit sur la plateforme change.org. En deux semaines, plus de 200 000 internautes ont exprimé leur désir de voir démissionner de son mandat de député l'ex-secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Thomas Thévenoud. Quelques jours plus tard, on apprenait que le lanceur de la pétition, Guillaume Aubry, avait milité dans les rangs de l'UMP aux municipales parisiennes de mars 2014. La pétition aurait-elle rencontré un tel succès si son créateur avait affiché clairement sa couleur politique ?
Avaaz, change.org, wesign.it, mesopinions.com… Si l'on recoupe les données des plus grosses plateformes, 4 à 6 millions de Français auraient signé une pétition en ligne en 2013. Facile, rapide, gratuit et peu « engageant » en termes de responsabilité ou d'exposition physique – contrairement à une manifestation par exemple – taper son adresse email dans une case pour soutenir une cause est devenu un acte presque anodin. Pourtant, il pose de nombreuses questions.
•Qui peut lancer une pétition ?
N'importe qui peut créer une pétition, n'importe où dans le monde, du moment qu'il définit un objectif « clair » et « réalisable ». Fin 2013, un sportif des Alpes-Maritimes, Thierry Kerhornou, a lancé une pétition pour venir en aide à Paloma, 9 ans, atteinte d'une maladie orpheline. A l'automne 2013, il apprend que le contrat de l'aide de vie scolaire (AVS) de Paloma ne sera pas renouvelé à la fin de l'année scolaire. « L'AVS avait mis plus d'un an à apprendre à connaître, gérer et calmer Paloma, car elle pouvait faire jusqu'à 40 crises d'épilepsie par jour. Changer d'AVS, ça voulait dire tout recommencer à zéro et déstabiliser la petite … » Grâce aux 31 000 signatures récoltées, Thierry Kerhornou a rapidement été contacté par le maire de Nice et député, Christian Estrosi, qui a proposé au père de Paloma de faire embaucher l'AVS par la mairie, « à vie », pour qu'elle la suive tout au long de sa scolarité.
•Le nombre de signatures est-il fiable ?
Difficile à dire, mais les plateformes de pétitions en ligne restent plus sécurisés que les sites qui n'y sont pas dédiés exclusivement. À l'automne 2013, un individu manipulait un sondage lancé par France 3 sur son site Internet en votant 64 000 fois pour la même proposition en une demi-heure. Plus tard, il expliquait avoir voulu mettre en lumière les failles des sondages ou pétitions en ligne : « On utilise des systèmes de vote qui ne sont pas du tout sécurisés et donc complètement faillibles, puis on diffuse les résultats à la télé comme si c'était une information fiable et sérieuse ! »
>> Lire les explications : « Ce n'est pas le premier sondage en ligne que je fausse »
Aujourd'hui, les plus grosses plateformes de pétitions en ligne sont dotées d'outils efficaces pour limiter les risques de signatures multiples ou de fausses signatures générées par des robots ou des hackers – et elles assurent que les tentatives d'attaques ou de manipulations sont rares.
•Est-ce que ça marche ?
Obtention d'un moratoire à l'échelle européenne sur l'utilisation des pesticides dangereux pour les abeilles, couverture des jeux paralympiques par France Télévisions, libération d'un professeur de Seine-Maritime retenu dans son pays d'origine, la Guinée… Les plateformes de pétitions en ligne disposent pour la plupart d'une galerie de leurs plus belles réussites. Mais les pétitions qui donnent lieu à de tels résultats restent l'exception. La plupart des initiatives ont un objectif à l'échelle locale et ne récoltent que quelques dizaines de signatures. « En 2013, sur les 25 000 pétitions de la plateforme, seule une soixantaine a récolté plus de 15 000 signatures », confirme-t-on à change.org.
« Mais le nombre ne détermine pas forcément la victoire, nuance Baki Youssoufou, fondateur de wesign.it. La mère d'une enfant autiste a déjà été reçue à l'Elysée avec seulement un millier de signatures. »
•Pétition = manipulation ?
L'« astroturfing », terme inventé aux Etats-Unis et récemment débarqué en France, désigne l'action de propagande pratiquée par des lobbys politiques, industriels ou publicitaires. La technique consiste à faire croire à la spontanéité d'une revendication ou d'un mouvement citoyen, notamment par le biais des pétitions ou des sondages. Si le phénomène est très difficile à dénombrer, l'AEGE (réseau d'experts en intelligence économique) a publié en mars 2014 un rapport qui s'inquiétait de sa montée en puissance : « La multiplication des cas récents d'astroturfing en France doit déclencher une prise de conscience sur la facilité avec laquelle se manipule l'opinion sur Internet » (lire le rapport complet en PDF).
Mais à ce jour, les sites de pétitions en ligne ont du mal à contenir le phénomène : « Certains avancent masqués ou avec un agenda caché, mais ce risque existe sur tout espace ouvert », explique Benjamin Des Gachons de change.org. Pour lui, « c'est aussi le rôle de l'utilisateur de mener l'enquête ou même des journalistes d'en parler dans les médias ».
•Pour ou contre l'anonymat des lanceurs de pétitions ?
La plupart des sites acceptent les pseudonymes, pour favoriser l'ouverture au plus grand nombre et préserver l'anonymat de certains lanceurs – les victimes de violences domestiques par exemple. Mais qu'en est-il de la transparence sur l'identité des lanceurs ? Comme le montre la pétition appelant à la démission de Thomas Thévenoud, le manque d'informations sur le passé de Guillaume Aubry peut poser question. Dans son profil, il se décrit comme « libéral » ou « patriote », mais aucune mention directe n'est faite de la droite ou de l'UMP.
Le jeune étudiant en droit justifie : « J'ai volontairement omis de mentionner [mon engagement à l'UMP] pour ne pas politiser la pétition, qui s'adresse avant tout aux républicains de droite comme de gauche. » Néanmoins, à ce jour, les plateformes ne se disent pas prêtes à revenir sur la possibilité d'anonymat, au nom de la liberté des lanceurs et de la protection de leurs données personnelles.
•Peut-on supprimer sa signature d'une pétition ? Et supprimer une pétition ?
Toutes les plateformes disposent d'un service d'assistance qui permet aux utilisateurs de faire une demande de suppression de signature, sans avoir besoin de justifier sa décision. Ces requêtes restent très rares – une vingtaine de demandes par an sur mesopinions.com. Il est également possible, pour un lanceur de pétition qui se rétracte, de dépublier sa pétition sur simple demande au site. Enfin, tout internaute qui souhaite signaler une pétition lui semblant offensante ou inappropriée peut le faire en cliquant sur un bouton « signaler un abus » en bas de page. Si les plateformes reçoivent plusieurs messages pour une même pétition et estiment que son retrait est justifié, elles prendront la décision qui s'impose. Un cas, lui aussi, très marginal à ce jour.
•Comment se financent les plateformes ?
Pour garantir la gratuité aux signataires des pétitions, les plateformes ont chacune leur modèle économique. Il est lié à une conception originelle plus ou moins militante. En ce sens, wesign.it et Avaaz ont des modèles plus « engagés », tandis que change.org et mesopinions.com tolèrent un panel d'opinions et de revendications plus large, admettant la publication de pétitions aux buts parfois contradictoire.
Wesign.it : grâce aux cachets de plusieurs milliers d'euros déboursés par les plus grosses ONG ou associations, les particuliers ou collectifs les moins fortunés paient beaucoup moins, voire pas du tout. La plateforme se réserve le droit de ne pas publier une pétition si elle n'est pas validée au préalable par son comité éthique.
Avaaz : détenue par la fondation du même nom, le site est exclusivement financé par les micro-dons de ses membres depuis 2008. Comme sur wesign.it, les pétitions ne sont publiées que si elles sont conformes à une charte de valeurs – par exemple ouvertement favorable au « mariage pour tous ».
Change.org : la plateforme se finance par le biais de pétitions sponsorisées qui sont proposées aux pétitionnaires, après avoir signé une première pétition. L'internaute peut également accepter ou non de recevoir, à l'avenir, des informations sur l'ONG qui en est à l'origine.
Mesopinions.com : la plateforme s'appuie sur les revenus des fenêtres publicitaires, qui ne sont ouvertes qu'aux « acteurs majeurs de la mobilisation » que sont, entre autre, Reporters sans frontières, WWF, Action contre la faim ou la SPA.
Source : Pétitions 2.0, mode d'emploi, Le Monde, 24 septembre 2014-10-29
Voir aussi :
- Avec Change.org, la pétition est devenue un business, rue89.nouvelobs.com
- La pétition en ligne, nouvelle terreur des entreprises, challenges.fr
- Les pétitions en ligne: une nouvelle pratique de la démocratie?, Médiapart
- Les pétition en ligne, nouvelles manifestations, atlantico.fr
Bonne journée.
Plusieurs articles consultables sur le web se penchent sur le phénomène des pétitions en ligne, et répondent à l’essentiel de vos questions :
Début septembre, une pétition lancée par un étudiant de 24 ans a rencontré un succès inédit sur la plateforme change.org. En deux semaines, plus de 200 000 internautes ont exprimé leur désir de voir démissionner de son mandat de député l'ex-secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Thomas Thévenoud. Quelques jours plus tard, on apprenait que le lanceur de la pétition, Guillaume Aubry, avait milité dans les rangs de l'UMP aux municipales parisiennes de mars 2014. La pétition aurait-elle rencontré un tel succès si son créateur avait affiché clairement sa couleur politique ?
Avaaz, change.org, wesign.it, mesopinions.com… Si l'on recoupe les données des plus grosses plateformes, 4 à 6 millions de Français auraient signé une pétition en ligne en 2013. Facile, rapide, gratuit et peu « engageant » en termes de responsabilité ou d'exposition physique – contrairement à une manifestation par exemple – taper son adresse email dans une case pour soutenir une cause est devenu un acte presque anodin. Pourtant, il pose de nombreuses questions.
•
N'importe qui peut créer une pétition, n'importe où dans le monde, du moment qu'il définit un objectif « clair » et « réalisable ». Fin 2013, un sportif des Alpes-Maritimes, Thierry Kerhornou, a lancé une pétition pour venir en aide à Paloma, 9 ans, atteinte d'une maladie orpheline. A l'automne 2013, il apprend que le contrat de l'aide de vie scolaire (AVS) de Paloma ne sera pas renouvelé à la fin de l'année scolaire. « L'AVS avait mis plus d'un an à apprendre à connaître, gérer et calmer Paloma, car elle pouvait faire jusqu'à 40 crises d'épilepsie par jour. Changer d'AVS, ça voulait dire tout recommencer à zéro et déstabiliser la petite … » Grâce aux 31 000 signatures récoltées, Thierry Kerhornou a rapidement été contacté par le maire de Nice et député, Christian Estrosi, qui a proposé au père de Paloma de faire embaucher l'AVS par la mairie, « à vie », pour qu'elle la suive tout au long de sa scolarité.
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Difficile à dire, mais les plateformes de pétitions en ligne restent plus sécurisés que les sites qui n'y sont pas dédiés exclusivement. À l'automne 2013, un individu manipulait un sondage lancé par France 3 sur son site Internet en votant 64 000 fois pour la même proposition en une demi-heure. Plus tard, il expliquait avoir voulu mettre en lumière les failles des sondages ou pétitions en ligne : « On utilise des systèmes de vote qui ne sont pas du tout sécurisés et donc complètement faillibles, puis on diffuse les résultats à la télé comme si c'était une information fiable et sérieuse ! »
>> Lire les explications : « Ce n'est pas le premier sondage en ligne que je fausse »
Aujourd'hui, les plus grosses plateformes de pétitions en ligne sont dotées d'outils efficaces pour limiter les risques de signatures multiples ou de fausses signatures générées par des robots ou des hackers – et elles assurent que les tentatives d'attaques ou de manipulations sont rares.
•
Obtention d'un moratoire à l'échelle européenne sur l'utilisation des pesticides dangereux pour les abeilles, couverture des jeux paralympiques par France Télévisions, libération d'un professeur de Seine-Maritime retenu dans son pays d'origine, la Guinée… Les plateformes de pétitions en ligne disposent pour la plupart d'une galerie de leurs plus belles réussites. Mais les pétitions qui donnent lieu à de tels résultats restent l'exception. La plupart des initiatives ont un objectif à l'échelle locale et ne récoltent que quelques dizaines de signatures. « En 2013, sur les 25 000 pétitions de la plateforme, seule une soixantaine a récolté plus de 15 000 signatures », confirme-t-on à change.org.
« Mais le nombre ne détermine pas forcément la victoire, nuance Baki Youssoufou, fondateur de wesign.it. La mère d'une enfant autiste a déjà été reçue à l'Elysée avec seulement un millier de signatures. »
•
L'« astroturfing », terme inventé aux Etats-Unis et récemment débarqué en France, désigne l'action de propagande pratiquée par des lobbys politiques, industriels ou publicitaires. La technique consiste à faire croire à la spontanéité d'une revendication ou d'un mouvement citoyen, notamment par le biais des pétitions ou des sondages. Si le phénomène est très difficile à dénombrer, l'AEGE (réseau d'experts en intelligence économique) a publié en mars 2014 un rapport qui s'inquiétait de sa montée en puissance : « La multiplication des cas récents d'astroturfing en France doit déclencher une prise de conscience sur la facilité avec laquelle se manipule l'opinion sur Internet » (lire le rapport complet en PDF).
Mais à ce jour, les sites de pétitions en ligne ont du mal à contenir le phénomène : « Certains avancent masqués ou avec un agenda caché, mais ce risque existe sur tout espace ouvert », explique Benjamin Des Gachons de change.org. Pour lui, « c'est aussi le rôle de l'utilisateur de mener l'enquête ou même des journalistes d'en parler dans les médias ».
•
La plupart des sites acceptent les pseudonymes, pour favoriser l'ouverture au plus grand nombre et préserver l'anonymat de certains lanceurs – les victimes de violences domestiques par exemple. Mais qu'en est-il de la transparence sur l'identité des lanceurs ? Comme le montre la pétition appelant à la démission de Thomas Thévenoud, le manque d'informations sur le passé de Guillaume Aubry peut poser question. Dans son profil, il se décrit comme « libéral » ou « patriote », mais aucune mention directe n'est faite de la droite ou de l'UMP.
Le jeune étudiant en droit justifie : « J'ai volontairement omis de mentionner [mon engagement à l'UMP] pour ne pas politiser la pétition, qui s'adresse avant tout aux républicains de droite comme de gauche. » Néanmoins, à ce jour, les plateformes ne se disent pas prêtes à revenir sur la possibilité d'anonymat, au nom de la liberté des lanceurs et de la protection de leurs données personnelles.
•
Toutes les plateformes disposent d'un service d'assistance qui permet aux utilisateurs de faire une demande de suppression de signature, sans avoir besoin de justifier sa décision. Ces requêtes restent très rares – une vingtaine de demandes par an sur mesopinions.com. Il est également possible, pour un lanceur de pétition qui se rétracte, de dépublier sa pétition sur simple demande au site. Enfin, tout internaute qui souhaite signaler une pétition lui semblant offensante ou inappropriée peut le faire en cliquant sur un bouton « signaler un abus » en bas de page. Si les plateformes reçoivent plusieurs messages pour une même pétition et estiment que son retrait est justifié, elles prendront la décision qui s'impose. Un cas, lui aussi, très marginal à ce jour.
•
Pour garantir la gratuité aux signataires des pétitions, les plateformes ont chacune leur modèle économique. Il est lié à une conception originelle plus ou moins militante. En ce sens, wesign.it et Avaaz ont des modèles plus « engagés », tandis que change.org et mesopinions.com tolèrent un panel d'opinions et de revendications plus large, admettant la publication de pétitions aux buts parfois contradictoire.
Source : Pétitions 2.0, mode d'emploi, Le Monde, 24 septembre 2014-10-29
- Avec Change.org, la pétition est devenue un business, rue89.nouvelobs.com
- La pétition en ligne, nouvelle terreur des entreprises, challenges.fr
- Les pétitions en ligne: une nouvelle pratique de la démocratie?, Médiapart
- Les pétition en ligne, nouvelles manifestations, atlantico.fr
Bonne journée.
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