Question d'origine :
Bonjour, Voici mes questions (qui sont liées) : L'art peut-il être un facteur de ce que Boris Cirulnik appelle la "résilience" ? Je pense notamment aux réfugiés politiques qui vivent des traumatismes. Est-ce que l’Art – même lorsqu’il montre des images choquantes et fait appel à des souvenirs de traumatisme est toujours libérateur ? D'avance merci de votre aide. Elise GANDON
Réponse du Guichet
Ci-dessous nous vous proposons quelques pistes pour orienter votre travail de recherche.
Votre question complexe appelle un véritable travail de recherche que nous ne pouvons qu’orienter,
tout d’abord sur le versant de l’art-thérapie en vous conseillant la lecture de deux ouvrages : le premier Créativité et art-thérapie en psychiatrie et le second Neuropsychologie et art, théories et applications cliniques de Hervé Platel et Catherine Thomas Antérion, notamment le chapitre 20 de cet ouvrage :
L’art, une panacée ?
"L’art peut-il devenir un médicament ? C’est ce que semblerait affirmer les prescriptions d’art -thérapie. Le travail de l’art présente des composantes multiples, dont certaines sont effectivement thérapeutiques. En particulier la faculté d’expression et la créativité et la mise en mouvement et le décentrement que provoque la pratique de l’art permettent une thérapie [...].
Une pratique artistique peut permettre de guérir si elle est accompagnée d’un travail psychique soutenu par un thérapeute professionnel [...]. L’accompagnateur rassure, freine, pousse, dynamise. Les sons, les couleurs, les formes, les matières peuvent faire ressurgir en nous des expériences anciennes, peuvent donner forme à nos émotions indicibles, mais les mots seuls peuvent mettre en mouvement les énergies de vie et de mort.
L’art seul ne guérit pas. Il peut même provoquer un accroissement d’angoisses. S’il ne guérit pas au sens de supprimer la maladie, il peut soulager [...].
L’art ne guérit pas, mais la pratique de techniques artistiques, la fréquentation d’œuvres d’art, l’acquisition de la culture peuvent soigner, apaiser."
L’art-thérapie
Depuis quand ?
"Aux premières heures de l’homo sapiens, la danse servait à entrer en communication avec les dieux pour demander la pluie, de bonnes récoltes, une guérison, la fertilité, un enfantement facile et autres victoires.
L’antiquité considérera l’art et le théâtre en particulier comme doté de vertus thérapeutiques et les grecs parleront de catharsis :
L’art peut permettre de canaliser, transformer des pulsions, faire venir à la lumière des émotions refoulées, exorciser, expulser des souffrances enfouies. Il met en mouvement. L’acte de créer est une mise en mouvement : le fait de créer est une mise en mouvement : le fait extirpe de la léthargie."
Comment ?
"L’art permet une communication avec soi-même et avec le monde, et en art-thérapie les techniques artistiques sont utilisées pour cette communication avec soi-même, mais ici la communication avec le monde n’est pas nécessaire.
Ici, c’est pour soi que l’on produit, et la production sert de support pour une élaboration, une parole. Elle permet de faire des liens avec le vécu de son auteur, dans un but thérapeutique. Et dans un groupe chacun peut poser des questions, donner son ressenti sur les travaux réalisés, et la parole peut circuler, même si quelqu’un a la possibilité de rester silencieux, il entend ce qui est dit, et cela ne peut rester anodin."
Ces articles (propositions non exhaustives portant sur des versants très divers) seront aussi éclairant...
La culture et l’art comme facteurs de résilience par Petra Iblova, in
Un Colloque sur la résilience;
Sublimation et résilience : Paul et Camille Claudel par Silke Schauder, in
Le marché de l’art aborigène d’australie de Meaghan Wilson-Anastasios, in
Transmissions et secrets de famille : entre pathologie et créativité par Marie Anaut in
Il vous faudra consulter le CCFR et le Sudoc.
Votre question rebondit forcément sur la finalité de l'art et sur des positions philosophiques : Nous pensons tout d'abord à Hegel Esthétique
"L’art a-t-il pour but de purifier l’homme de ses passions, en les représentant, sur une toile, une scène, etc ? Cette idée est formulée par Aristote dans la Poétique.
Selon lui, l’homme en voyant des tragédies représentées sur scène (meurtre, etc.), est libéré de ses propres désirs de meurtre. Il y a là comme un soulagement : l’art montre à l’homme les passions représentées et par là les adoucit, car l’homme voit enfin les passions hors de lui : il commence à se sentir libre face à elles, car elles s’opposent à lui comme quelque chose d’objectif. Ce soulagement d’extérioriser ce qui est intérieur, nous l’éprouvons tous par nos larmes, lorsque nous pleurons ; mais l’art en extériorisant ces passions par des mots, des couleurs ou des notes, procure un soulagement plus grand. Pourtant, on ne peut attribuer à l’art un rôle d’éducation. La fin de l’art ne peut être le perfectionnement moral, par la purification des passions (
Pour Hegel, l’œuvre d’art est précisément ce dans quoi se réconcilient ces termes opposés. L’art a même pour but de montrer de manière sensible cette vérité, celle de la réconciliation des contraires que ne saisit pas l’entendement : l’art est appelé à dévoiler la vérité sous la forme d’une configuration artistique sensible, il est appelé à manifester cette opposition conciliée. Ou encore : le beau artistique a été reconnu comme l’un des moyens qui dissolvent et reconduisent à l’unité l’opposition et la contradiction mentionnées ci-dessus entre l’esprit concentré abstraitement en lui-même et la nature."
(source du résumé : les-philosophes.fr)
Mais aussi à
Enfin nous vous recommandons de regarder le travail de certains artistes : Louise Bourgeois, Frida Kahlo, Yayoi Kusama…ainsi que celui d'auteurs d’art brut, Josef Hofer par exemple...