Question d'origine :
Chers Guichetiers,
J'ai appris que le poème "Liberté" d'Eluard a été imprimé sur des tracts et distribué par avion.
Je n'ai pas trouvé dans quelles régions il a été ainsi ''distribué'', ni en combien d'exemplaires. Y-a-t-il d'autres poèmes qui ont été lancés par avions ?
D'autre part je me demande dans quelle mesure la poésie dite ''de la résistance'' était lue pendant la Guerre. Avait-elle un véritable impact sur les esprits avant 1945, ou a-t-elle était sacrée après la Guerre ?
Merci
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 14/03/2015 à 12h03
Voici quelques informations que nous avons pu réunir.
Entré en résistance en 1942, Eluard rencontre le fondateur des Éditions de Minuit, Pierre de Lescure, avec qui il collabore. Le recueil «Poésie et Vérité» (1942), publié semi-clandestinement, sans visa de censure, le 3 avril 1942 rassemble des poèmes s’élevant nettement contre le nazisme et la collaboration, dont le plus célèbre, «Liberté», intitulé à l'origine "Une seule pensée", traduit en dix langues, Il est repris en juin 1942 par la revue «Fontaine» pour lui permettre une diffusion dans la zone sud. Il est à nouveau repris à Londres par la revue officielle gaulliste «La France libre» et parachuté la même année à des milliers d'exemplaires par des avions britanniques de la Royal Air Force en des milliers d'exemplaires, dans des caisses avec des armes, dans le maquis français. Le recueil est réédité en janvier 1943 en Suisse. Paul Eluard continue le combat armé d’une plume : il écrit «Sept Poèmes d’amour en guerre»(1943) et publie «Au rendez-vous allemand» (1945), composé de poèmes écrits dans la clandestinité (dont le recueil «Poésie et vérité 1942», sous les pseudonymes de Jean du Haut ou de Maurice Hervent.
Ce poème est l'un parmi de nombreux autres parachutés par les Alliés sur lre territoire français.
Le N° 543 de la revue Europe (1974), qui est consacré à « La Poésie et la Résistance », apporte de nombreuses informations sur le contexte montrant que la poésie (Aragon, Eluard, Pierre Emmanuel, etc.) était effectivement largement diffusée et lue dans la France occupée. En voici quelques extraits :
Dès 1939, paris cesse d’être la capitale où se mènent les jeux littéraires. Les écrivains sont aux armées, dispersés. Après la défaite, Paris est aux mains des Allemands. La zone sud, dite non-occupée (jusqu’en 1942) voit se reconstituer des foyers intellectuels, où naîtront des publications diverses, Lyon avec «Confluences» et «Positions» ou «L’Arbalète» de Marc Barbezat, Aix-Marseille où le grenier des «Cahiers du Sud» verra défiler toutes sortes d’écrivains réfugiés, Carcassonne, (…) Dieulefit dans la Drôme, A Villeneuve-les-Avignon, Pierre Seghers continue «Poètes casqués» par «Poésie 40», etc. La revue «Fontaine», éditée à Alger est alors diffusée en zone sud et connaît rapidement un énorme succès. La décentralisation due aux circonstances créait une géographie foisonnante, au sein de laquelle la poésie – moyen d’expression relativement rapide et de réalisation technique facile au niveau de l’impression- se manifesta par [tous types de publications]. Chacun prenait ses initiatives et ses responsabilités, dans le domaine des publications légales comme dans la diffusion par tract ou sous le manteau. (Jacques Gaucheron, «Un grand moment de la poésie française»)
La presse clandestine pouvait être évaluée en France à une centaine de grands journaux et à quatre ou cinq cents organes régionaux ou locaux. Des millions de tracts furent aussi imprimés, davantage peut-être furent ronéotypés, car la surveillance était plus facile à déjouer par ce dernier moyen.
Ces tracts contenaient des appels à la résistance, la dénonciation de la collusion entre le gouvernement de Vichy et l’occupant (…) et, non moins important, de la littérature imprégnée de l’esprit de la Résistance, des poèmes d’Eluard, d’Aragon et bien d’autres, des pièces écrites dans les prisons, dans les camps de la mort, même.(Paul Chauvet, «Les fils de Gutenberg»)
Vous pouvez également consulter avec profit les sites Copie double.com ou Wikipedia
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