Question d'origine :
L'âme à travers l'histoire
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/03/2015 à 09h32
Bonjour,
L’âme est à la fois sujet philosophique, concept théologique, et parfois même objet scientifique. L’idée de l’âme remonterait, selon Elie During (qui travaille principalement sur la pensée occidentale) au VIIIème siècle avant Jésus-Christ, alors qu’Homère évoquait le thumos (âme-sang), et la psyché (âme-souffle). Pour reprendre les propos d’Elie During, le concept d’âme est « polymorphe », et recouvre des définitions différentes selon le contexte historique, religieux et géographique considéré. Si aujourd’hui, on a plutôt tendance à parler « d’esprit », de « conscience », voire de « Moi », l’âme est un concept philosophique ayant été débattu au fil des siècles, parallèlement à son inscription dans le vocable de certaines religions. Il est donc assez difficile de revenir sur la notion d’âme à travers l’histoire. Nous avons fait quelques recherches dans les ressources dont nous disposons à la BmL, et que nous vous invitons à consulter si vous en avez la possibilité, au vu de la non-exhaustivité des éléments de réponse donnés ci-dessous.
L’âme, du latin anima, qui signifie le vent, représente le « principe de la vie », et le « principe de mouvement » selon la définition du Dictionnaire de Philosophie publié aux éditions Fayard. Selon Pierre Thillet, dans son introduction au traité De l'âme d’Aristote, le philosophe grec de l’Antiquité (IVème siècle avant Jésus-Christ), l’âme est un principe de la nature, dont il s’est attaché à définir les fonctions (nutrition, pensée, mouvement, représentation…), fonctions qui peuvent varier selon les êtres considérés (plantes, animaux, êtres humains…), mais qui ne remettent pas en cause le principe de l’unité de l’âme, et son caractère de « substance au sens de forme ». On peut retrouver les développements de sa pensée sur ce sujet dans son traité. Sous l’influence de philosophes comme Platon, puis Descartes, selon Elie During, l’âme a longtemps été appréhendée, non pas pour elle-même, mais dans le cadre de la dualité avec la matière, le corps, ce qui pose la question de son immortalité. A l’inverse, les philosophes dits matérialistes, tel Epicure, ont développé une pensée érigeant en principe l’union de l’âme et du corps, le corps étant « la seule réalité concrète du vivant et de l’existant », selon le Dictionnaire de philosophie. Ils s’opposent par là-même à l’idée de transcendance, et de spiritualité.
La question de l’âme en philosophie, sa matérialité (ou son immatérialité), et son rapport au corps, à la matière, a traversé les siècles. Elie During a réuni les textes de nombreux philosophes, tels que Aristote, Bergson, Descartes, Foucault ou encore Hegel, sur le sujet, dans son ouvrage L'âme, paru en 1997 aux éditions Flammarion. Pour une histoire de l’âme en philosophie, voir également l’article Âme, écrit par Pierre Clair et Henri Dominique Saffrey, dans l’Encyclopédie Universalis (à laquelle vous pouvez accéder à la BmL).
L’âme est également très présente dans de nombreuses religions et croyances. Selon le Dictionnaire de théologie catholique, la Bible enseigne la distinction de l’âme et du corps, « le corps est formé du limon de la terre, et il est animé par un souffle divin, Gen. II, 7 ». On retrouve ici le principe du souffle de vie. L’âme est généralement désignée par le terme néfés, principe de vie qui s’applique aussi bien à l’homme qu’à l’animal. Lors de la controverse de Valladolid, en Espagne, en 1550, dans le contexte de la colonisation du Nouveau-Monde, l’Eglise se divisa sur la question de l’évangélisation des Amérindiens : la question n’était alors pas de savoir si les Indiens avaient une âme, mais de savoir dans quelle mesure leur âme était inférieure à celle des colons, afin de déterminer les moyens de parvenir à leur évangélisation.
Dans la mythologie égyptienne, l’âme est désignée par le terme ba, comme la manifestation immatérielle de l’être, dont l’origine est divine, ou comme le lien entre le monde des morts et celui des vivants. L’âme est souvent représentée par un oiseau, un faucon à tête d’homme.
Selon l'Encyclopédie thématique de l'Islam, c’est le terme rûh qui est employé pour désigner l’âme, comme force qui engendre la vie chez les êtres vivants, mais ses contours sont mystérieux puisqu’elle relève de la science de Dieu, qu’Il ne dévoile pas : « On t’interroge sur l’Esprit. Dis : « L’âme procède de l’Ordre de mon Seigneur, et, en fait de science, vous n’avez reçu que peu de choses » (Coran, 17, 85).
Selon le Dictionnaire de la civilisation chinoise, « les Chinois possèdent deux catégories d’âme. Les hun et les po. Les hun, au nombre de trois, sont les souffles clairs de l’esprit qui viennent en l’être humain après sa naissance. Au moment de la mort, les hun se séparent du corps et montent au ciel. Lors d’un malaise ou d’un évanouissement, les hun peuvent s’envoler et reviennent lorsque la personne reprend connaissance. Les âmes po, opaques et troubles, totalisent un ensemble de sept. Ce sont les âmes dites corporelles et sensitives. La mort survient immédiatement quand elles quittent le corps et s’enfoncent dans la terre ».
Dans le Deutéronome, le néphèsh en hébreu renvoie à l’âme, et peut désigner le sang : « garde toi de manger le sang, car le sang c’est l’âme » (Deutéronome, 12, 23).
Le Bouddhisme nie quant à lui, l’existence d’une âme individuelle, anatman (en opposition à la citta, qui peut être traduite par « cœur-esprit », selon le Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme), tout en avançant l’idée d’une transmigration des êtres, ou de « renaissances successives ». Contrairement à la réincarnation, qui supposerait le passage de corps en corps de l’existence d’un soi individuel permanent, la transmigration concerne le passage d’une vie à l’autre d’un « courant de conscience ».
Pour les uns, le siège de l’âme serait le cerveau, pour les autres, ce serait le cœur, ou encore le sang ; cependant, comme le dit Virginie Larousse, dans le numéro 59 du Monde des Religions, dans un dossier consacré à l’âme, « la science l’affirme : il est impossible de savoir où elle se loge ».
Etant donné le degré de généralité de votre question, qui n’en est d’ailleurs pas une, nous ne pouvons que vous fournir des pistes de réflexions. Par ailleurs, les réponses du Guichet du Savoir sont élaborées par des personnes qui apprécient un minimum de courtoisie.
Bonne journée
Pour aller plus loin :
-Sur la controverse de Valladolid, voir l’ouvrage de Thomas Gomez, Droit de conquête et droits des Indiens: la société espagnole face aux populations amérindiennes.
-Emission Les racines du ciel du 22/06/2014, consacrée à l’âme, et avec pour invité Elie During, à réécouter sur le site internet de France Culture.
-L’ouvrage de Bernard Baertschi, Les rapports de l'âme et du corps.
-L’ouvrage d’Erwin Rohde, Psyché. Le culte de l'âme chez les Grecs et leur croyance à l'immortalité.
-L’ouvrage de Laura Bossi, Histoire naturelle de l'âme.
L’âme est à la fois sujet philosophique, concept théologique, et parfois même objet scientifique. L’idée de l’âme remonterait, selon Elie During (qui travaille principalement sur la pensée occidentale) au VIIIème siècle avant Jésus-Christ, alors qu’Homère évoquait le thumos (âme-sang), et la psyché (âme-souffle). Pour reprendre les propos d’Elie During, le concept d’âme est « polymorphe », et recouvre des définitions différentes selon le contexte historique, religieux et géographique considéré. Si aujourd’hui, on a plutôt tendance à parler « d’esprit », de « conscience », voire de « Moi », l’âme est un concept philosophique ayant été débattu au fil des siècles, parallèlement à son inscription dans le vocable de certaines religions. Il est donc assez difficile de revenir sur la notion d’âme à travers l’histoire. Nous avons fait quelques recherches dans les ressources dont nous disposons à la BmL, et que nous vous invitons à consulter si vous en avez la possibilité, au vu de la non-exhaustivité des éléments de réponse donnés ci-dessous.
L’âme, du latin anima, qui signifie le vent, représente le « principe de la vie », et le « principe de mouvement » selon la définition du Dictionnaire de Philosophie publié aux éditions Fayard. Selon Pierre Thillet, dans son introduction au traité De l'âme d’Aristote, le philosophe grec de l’Antiquité (IVème siècle avant Jésus-Christ), l’âme est un principe de la nature, dont il s’est attaché à définir les fonctions (nutrition, pensée, mouvement, représentation…), fonctions qui peuvent varier selon les êtres considérés (plantes, animaux, êtres humains…), mais qui ne remettent pas en cause le principe de l’unité de l’âme, et son caractère de « substance au sens de forme ». On peut retrouver les développements de sa pensée sur ce sujet dans son traité. Sous l’influence de philosophes comme Platon, puis Descartes, selon Elie During, l’âme a longtemps été appréhendée, non pas pour elle-même, mais dans le cadre de la dualité avec la matière, le corps, ce qui pose la question de son immortalité. A l’inverse, les philosophes dits matérialistes, tel Epicure, ont développé une pensée érigeant en principe l’union de l’âme et du corps, le corps étant « la seule réalité concrète du vivant et de l’existant », selon le Dictionnaire de philosophie. Ils s’opposent par là-même à l’idée de transcendance, et de spiritualité.
La question de l’âme en philosophie, sa matérialité (ou son immatérialité), et son rapport au corps, à la matière, a traversé les siècles. Elie During a réuni les textes de nombreux philosophes, tels que Aristote, Bergson, Descartes, Foucault ou encore Hegel, sur le sujet, dans son ouvrage L'âme, paru en 1997 aux éditions Flammarion. Pour une histoire de l’âme en philosophie, voir également l’article Âme, écrit par Pierre Clair et Henri Dominique Saffrey, dans l’Encyclopédie Universalis (à laquelle vous pouvez accéder à la BmL).
L’âme est également très présente dans de nombreuses religions et croyances. Selon le Dictionnaire de théologie catholique, la Bible enseigne la distinction de l’âme et du corps, « le corps est formé du limon de la terre, et il est animé par un souffle divin, Gen. II, 7 ». On retrouve ici le principe du souffle de vie. L’âme est généralement désignée par le terme néfés, principe de vie qui s’applique aussi bien à l’homme qu’à l’animal. Lors de la controverse de Valladolid, en Espagne, en 1550, dans le contexte de la colonisation du Nouveau-Monde, l’Eglise se divisa sur la question de l’évangélisation des Amérindiens : la question n’était alors pas de savoir si les Indiens avaient une âme, mais de savoir dans quelle mesure leur âme était inférieure à celle des colons, afin de déterminer les moyens de parvenir à leur évangélisation.
Dans la mythologie égyptienne, l’âme est désignée par le terme ba, comme la manifestation immatérielle de l’être, dont l’origine est divine, ou comme le lien entre le monde des morts et celui des vivants. L’âme est souvent représentée par un oiseau, un faucon à tête d’homme.
Selon l'Encyclopédie thématique de l'Islam, c’est le terme rûh qui est employé pour désigner l’âme, comme force qui engendre la vie chez les êtres vivants, mais ses contours sont mystérieux puisqu’elle relève de la science de Dieu, qu’Il ne dévoile pas : « On t’interroge sur l’Esprit. Dis : « L’âme procède de l’Ordre de mon Seigneur, et, en fait de science, vous n’avez reçu que peu de choses » (Coran, 17, 85).
Selon le Dictionnaire de la civilisation chinoise, « les Chinois possèdent deux catégories d’âme. Les hun et les po. Les hun, au nombre de trois, sont les souffles clairs de l’esprit qui viennent en l’être humain après sa naissance. Au moment de la mort, les hun se séparent du corps et montent au ciel. Lors d’un malaise ou d’un évanouissement, les hun peuvent s’envoler et reviennent lorsque la personne reprend connaissance. Les âmes po, opaques et troubles, totalisent un ensemble de sept. Ce sont les âmes dites corporelles et sensitives. La mort survient immédiatement quand elles quittent le corps et s’enfoncent dans la terre ».
Dans le Deutéronome, le néphèsh en hébreu renvoie à l’âme, et peut désigner le sang : « garde toi de manger le sang, car le sang c’est l’âme » (Deutéronome, 12, 23).
Le Bouddhisme nie quant à lui, l’existence d’une âme individuelle, anatman (en opposition à la citta, qui peut être traduite par « cœur-esprit », selon le Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme), tout en avançant l’idée d’une transmigration des êtres, ou de « renaissances successives ». Contrairement à la réincarnation, qui supposerait le passage de corps en corps de l’existence d’un soi individuel permanent, la transmigration concerne le passage d’une vie à l’autre d’un « courant de conscience ».
Pour les uns, le siège de l’âme serait le cerveau, pour les autres, ce serait le cœur, ou encore le sang ; cependant, comme le dit Virginie Larousse, dans le numéro 59 du Monde des Religions, dans un dossier consacré à l’âme, « la science l’affirme : il est impossible de savoir où elle se loge ».
Etant donné le degré de généralité de votre question, qui n’en est d’ailleurs pas une, nous ne pouvons que vous fournir des pistes de réflexions. Par ailleurs, les réponses du Guichet du Savoir sont élaborées par des personnes qui apprécient un minimum de courtoisie.
Bonne journée
Pour aller plus loin :
-Sur la controverse de Valladolid, voir l’ouvrage de Thomas Gomez, Droit de conquête et droits des Indiens: la société espagnole face aux populations amérindiennes.
-Emission Les racines du ciel du 22/06/2014, consacrée à l’âme, et avec pour invité Elie During, à réécouter sur le site internet de France Culture.
-L’ouvrage de Bernard Baertschi, Les rapports de l'âme et du corps.
-L’ouvrage d’Erwin Rohde, Psyché. Le culte de l'âme chez les Grecs et leur croyance à l'immortalité.
-L’ouvrage de Laura Bossi, Histoire naturelle de l'âme.
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