Question d'origine :
Bonjour,
Dans "Napoléon" de Abel Gance, on voit Napoléon tentant d'échapper aux Paolistes. Pour ce faire Napoléon rejoint la mer et prend une embarcation sur laquelle il hisse un drapeau français pour faire office de voile (ce drapeau a justement été volé aux paolistes). Par la suite un navire français vient au secours de Bonaparte (qui demeure esseulé sur sa petite embarcation depuis on ne sait combien de temps). Ce navire, dans lequel se trouve désormais Napoléon, est repéré par la marine anglaise. Nelson veut le couler mais son supérieur le décourage en supposant que ce navire est insignifiant.
La manière dont est raconté ce passage de la vie de Napoléon a - t - elle un quelconque fondement historique ?
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 27/10/2014 à 15h27
Bonjour
Les Paolistes sont les partisans de Pascal Paoli, qui déclara la Corse indépendante avant de s’allier à la Révolution.
La période paoliste
Pascal Paoli est le fils de Hyacinthe, qui avait été l'un des chefs de la révolte de 1729, et le frère cadet de Clément, qui avait participé à un Directoire provisoire après la mort de Gaffori. Il avait reçu une solide instruction en Italie, connaissait les philosophes de son temps, appréciait la doctrine du despotisme éclairé ; il se plaignait de sa vie monotone de sous-lieutenant au Royal-Farnèse de Naples, quand il fut appelé ; le 29 avril 1755, il débarque en Corse et est choisi en juillet comme général en chef, pour une guerre qui doit conduire à l'indépendance. […]
La Corse française […]
La Révolution
Deux faits bouleversent la situation juridique de la Corse en 1789 ; elle est appelée à désigner, comme les autres provinces françaises, quatre représentants aux États généraux, puis, le 30 novembre 1789, à la demande de ces députés, la Constituante la reconnaît comme faisant partie intégrante de l'empire français. L'acte de 1768 est effacé en dépit de la protestation génoise ; la Corse est vraiment française en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Paoli, rappelé de son exil londonien, est reçu en triomphateur à Paris comme un martyr de la liberté et rentre en Corse en juillet 1790.
La Corse, département français, reçoit la même administration que les autres départements. Paoli cumule les fonctions de président du Conseil général et de commandant de la garde nationale. Son adhésion à la France et à son nouveau régime est sincère. Il fait appliquer la constitution civile du clergé, mais est incapable de faire rentrer les nouvelles contributions, alors que la Corse reçoit de Paris des subsides importants. En fait, Paoli ne gouverne pas ; malade, retiré à Corte, il est débordé par la rivalité des clans, mais porte la responsabilité des nombreux troubles qui se produisent.
La situation se dégrade encore à la déclaration de guerre en avril 1792. L'arrestation du roi et le passage à la révolution montagnarde éloignent Paoli du nouveau régime ; à Paris, ses adversaires le présentent comme un fédéraliste, girondin, prêt à trahir ; on rappelle son séjour en Angleterre. En janvier 1793, une expédition contre la Sardaigne, à laquelle participe Bonaparte, est mal soutenue par Paoli et échoue ; sommé de venir se justifier à Paris, Paoli refuse, convoque une Consulte illégale à Corte, lui fait approuver la rupture avec la Convention ; Bonaparte, demeuré fidèle à la France, est pourchassé par les paolistes et s'embarque en juin 1793. Paoli, mis hors la loi par la Convention, sait qu'il ne pourra pas tenir longtemps sans appui financier et maritime ; et, surtout, il subit l'influence de Pozzo di Borgo, qui est le véritable responsable de l'appel aux Anglais.
(Source : Corse / Encyclopedia Universalis [article intégral consultable à la bibliothèque municipale de Lyon])
Napoléon, de par son origine corse, connaissait et aurait fréquenté Pascal Paoli :
En septembre 1789, il [Napoléon ndlr] rejoignit les partisans de Paoli, que l'Assemblée nationale avait autorisé à rentrer en Corse. Mais Paoli n'avait aucune sympathie pour un homme dont le père l'avait trahi et qu'il considérait comme un étranger.
Déçu, Bonaparte retourna en France et, en avril 1791, il fut nommé premier lieutenant au 4e régiment d'artillerie, basé à Valence. Il devint bientôt le président du club des Jacobins local, prononçant des discours contre les nobles, les moines et les évêques. En septembre 1791, il obtint un congé de trois mois pour retourner de nouveau en Corse. Élu lieutenant-colonel de la garde nationale, il ne tarda pas à s'opposer à son commandant en chef, Paoli. En janvier 1792, il fut considéré comme déserteur mais, en avril, la France déclara la guerre à l'Autriche et son retard fut pardonné.
Bonaparte fut promu au grade de capitaine mais, en octobre 1792, il regagna la Corse, que Paoli s'apprêtait alors à séparer de la France. Il offrit son soutien à l'opposition jacobine et, quand la guerre civile éclata (avril 1793), Paoli fit condamner la famille Buonaparte à « l'infamie et l'exécration perpétuelles » ; tous s'enfuirent en France.
(Source : Napoléon Ier Bonaparte (1769-1821) – empereur des Français ( 1804-1814 et 1815) / Encyclopedia Universalis [article intégral consultable à la bibliothèque municipale de Lyon])
Aucune des biographies sur Napoléon Bonaparte que nous avons consulté ne relate l’événement comme il est présenté dans le film d’Abel Gance.
Le 27 mai, une « Consulte » s’était assemblée à Corte, menée par Pozzo. Elle avait proclamé la fidélité inaltérable à Paoli, protesté contre la conduite des commissaires et, le 29, dans une dernière séance, elle vouait les Buonaparte et les Arena aux gémonies : « Considérant que les frères Buonarparte ont secondé tous les efforts et appuyé les impostures des Arena en se réunissant aux commissaires de la Convention qui désespèrent de soumettre les Corses à leur faction tyrannique et menacent de les vendre aux Génois », lisait-on dans l’ordre du jour voté, on abandonnait « les Arena et les Buonaparte à leurs remords intimes et à l’opinion publique, qui, d’ores et déjà, les avait condamnés à une perpétuelle exécration et infamie ».
Dans un pays comme la Corse, ce genre d’imprécations peut facilement se traduire en coups de fusil. Napoléon, avant de faire voile pour Ajaccio, avait, de Bastia, envoyé à sa mère un message laconique : « Preparatevi, écrivait le jeune homme ; questo paese non è per noi. » [Tenez-vous prêts, ce pays n’est pas fait pour nous]. Letizia put sortir de la ville, se réfugia avec ses enfants dans le petit domaine de Milelli ; elle gagna, de là, avec sa famille, le rivage à Aspretto. C’était le 31 mai ; en ce moment, les commissaires et Napoléon, devant l’attitude d’Ajaccio, venaient de remettre à la voile. Du vaisseau, on aperçut sur le rivage un groupe de gens qui, à la vue du pavillon tricolore, faisaient des signes de détresse et d’appel ; Buonaparte, mû par un pressentiment, se jeta lui-même dans une chaloupe et bientôt reconnut les siens. Il les embarqua et, le 3 juin, ils étaient tous chez des amis, les Giubega, à Calvi. […] Le 10 juin, ils s’étaient embarqués pour Toulon.
(Source : Histoire du Consulat et de l’Empire / Louis Madelin)
Ouvrages consultés :
• Bonaparte (1769-1802) / Patrice Gueniffey
• Napoléon ou le mythe du Sauveur / Jean Tulard
• Napoléon / Luigi Mascilli Migliorini
• Histoire du Consulat et de l’Empire / Louis Madelin
Pour aller plus loin :
• Dictionnaire Napoléon / Jean Tulard
• Pascal Paoli, un Corse des Lumières / Michel Vergé-Franceschi
• Pascal Paoli : père de la patrie corse / Antoine-Marie Graziani
• Paoli : un Corse des Lumières / Michel Vergé-Franceschi
Bonne journée
Les Paolistes sont les partisans de Pascal Paoli, qui déclara la Corse indépendante avant de s’allier à la Révolution.
Pascal Paoli est le fils de Hyacinthe, qui avait été l'un des chefs de la révolte de 1729, et le frère cadet de Clément, qui avait participé à un Directoire provisoire après la mort de Gaffori. Il avait reçu une solide instruction en Italie, connaissait les philosophes de son temps, appréciait la doctrine du despotisme éclairé ; il se plaignait de sa vie monotone de sous-lieutenant au Royal-Farnèse de Naples, quand il fut appelé ; le 29 avril 1755, il débarque en Corse et est choisi en juillet comme général en chef, pour une guerre qui doit conduire à l'indépendance. […]
Deux faits bouleversent la situation juridique de la Corse en 1789 ; elle est appelée à désigner, comme les autres provinces françaises, quatre représentants aux États généraux, puis, le 30 novembre 1789, à la demande de ces députés, la Constituante la reconnaît comme faisant partie intégrante de l'empire français. L'acte de 1768 est effacé en dépit de la protestation génoise ; la Corse est vraiment française en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Paoli, rappelé de son exil londonien, est reçu en triomphateur à Paris comme un martyr de la liberté et rentre en Corse en juillet 1790.
La Corse, département français, reçoit la même administration que les autres départements. Paoli cumule les fonctions de président du Conseil général et de commandant de la garde nationale. Son adhésion à la France et à son nouveau régime est sincère. Il fait appliquer la constitution civile du clergé, mais est incapable de faire rentrer les nouvelles contributions, alors que la Corse reçoit de Paris des subsides importants. En fait, Paoli ne gouverne pas ; malade, retiré à Corte, il est débordé par la rivalité des clans, mais porte la responsabilité des nombreux troubles qui se produisent.
La situation se dégrade encore à la déclaration de guerre en avril 1792. L'arrestation du roi et le passage à la révolution montagnarde éloignent Paoli du nouveau régime ; à Paris, ses adversaires le présentent comme un fédéraliste, girondin, prêt à trahir ; on rappelle son séjour en Angleterre. En janvier 1793, une expédition contre la Sardaigne, à laquelle participe Bonaparte, est mal soutenue par Paoli et échoue ; sommé de venir se justifier à Paris, Paoli refuse, convoque une Consulte illégale à Corte, lui fait approuver la rupture avec la Convention ; Bonaparte, demeuré fidèle à la France, est pourchassé par les paolistes et s'embarque en juin 1793. Paoli, mis hors la loi par la Convention, sait qu'il ne pourra pas tenir longtemps sans appui financier et maritime ; et, surtout, il subit l'influence de Pozzo di Borgo, qui est le véritable responsable de l'appel aux Anglais.
(Source : Corse / Encyclopedia Universalis [article intégral consultable à la bibliothèque municipale de Lyon])
Napoléon, de par son origine corse, connaissait et aurait fréquenté Pascal Paoli :
En septembre 1789, il [Napoléon ndlr] rejoignit les partisans de Paoli, que l'Assemblée nationale avait autorisé à rentrer en Corse. Mais Paoli n'avait aucune sympathie pour un homme dont le père l'avait trahi et qu'il considérait comme un étranger.
Déçu, Bonaparte retourna en France et, en avril 1791, il fut nommé premier lieutenant au 4e régiment d'artillerie, basé à Valence. Il devint bientôt le président du club des Jacobins local, prononçant des discours contre les nobles, les moines et les évêques. En septembre 1791, il obtint un congé de trois mois pour retourner de nouveau en Corse. Élu lieutenant-colonel de la garde nationale, il ne tarda pas à s'opposer à son commandant en chef, Paoli. En janvier 1792, il fut considéré comme déserteur mais, en avril, la France déclara la guerre à l'Autriche et son retard fut pardonné.
Bonaparte fut promu au grade de capitaine mais, en octobre 1792, il regagna la Corse, que Paoli s'apprêtait alors à séparer de la France. Il offrit son soutien à l'opposition jacobine et, quand la guerre civile éclata (avril 1793), Paoli fit condamner la famille Buonaparte à « l'infamie et l'exécration perpétuelles » ; tous s'enfuirent en France.
(Source : Napoléon Ier Bonaparte (1769-1821) – empereur des Français ( 1804-1814 et 1815) / Encyclopedia Universalis [article intégral consultable à la bibliothèque municipale de Lyon])
Aucune des biographies sur Napoléon Bonaparte que nous avons consulté ne relate l’événement comme il est présenté dans le film d’Abel Gance.
Le 27 mai, une « Consulte » s’était assemblée à Corte, menée par Pozzo. Elle avait proclamé la fidélité inaltérable à Paoli, protesté contre la conduite des commissaires et, le 29, dans une dernière séance, elle vouait les Buonaparte et les Arena aux gémonies : « Considérant que les frères Buonarparte ont secondé tous les efforts et appuyé les impostures des Arena en se réunissant aux commissaires de la Convention qui désespèrent de soumettre les Corses à leur faction tyrannique et menacent de les vendre aux Génois », lisait-on dans l’ordre du jour voté, on abandonnait « les Arena et les Buonaparte à leurs remords intimes et à l’opinion publique, qui, d’ores et déjà, les avait condamnés à une perpétuelle exécration et infamie ».
Dans un pays comme la Corse, ce genre d’imprécations peut facilement se traduire en coups de fusil. Napoléon, avant de faire voile pour Ajaccio, avait, de Bastia, envoyé à sa mère un message laconique : « Preparatevi, écrivait le jeune homme ; questo paese non è per noi. » [Tenez-vous prêts, ce pays n’est pas fait pour nous]. Letizia put sortir de la ville, se réfugia avec ses enfants dans le petit domaine de Milelli ; elle gagna, de là, avec sa famille, le rivage à Aspretto. C’était le 31 mai ; en ce moment, les commissaires et Napoléon, devant l’attitude d’Ajaccio, venaient de remettre à la voile. Du vaisseau, on aperçut sur le rivage un groupe de gens qui, à la vue du pavillon tricolore, faisaient des signes de détresse et d’appel ; Buonaparte, mû par un pressentiment, se jeta lui-même dans une chaloupe et bientôt reconnut les siens. Il les embarqua et, le 3 juin, ils étaient tous chez des amis, les Giubega, à Calvi. […] Le 10 juin, ils s’étaient embarqués pour Toulon.
(Source : Histoire du Consulat et de l’Empire / Louis Madelin)
Ouvrages consultés :
• Bonaparte (1769-1802) / Patrice Gueniffey
• Napoléon ou le mythe du Sauveur / Jean Tulard
• Napoléon / Luigi Mascilli Migliorini
• Histoire du Consulat et de l’Empire / Louis Madelin
Pour aller plus loin :
• Dictionnaire Napoléon / Jean Tulard
• Pascal Paoli, un Corse des Lumières / Michel Vergé-Franceschi
• Pascal Paoli : père de la patrie corse / Antoine-Marie Graziani
• Paoli : un Corse des Lumières / Michel Vergé-Franceschi
Bonne journée
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