Sous le 3ème Reich, arrêt et déportation des "associaux"
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 20/01/2015 à 13h14
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Question d'origine :
Bonjour.
Je me suis rendue au musée de la Résistance et de la Seconde Guerre Mondiale à Grenoble. Il y avait une vitre qui présentait toutes les insignes que l'on attribuait dans les camps aux différents prisonniers (comme celle de l'étoile jaune pour les juifs).
Il en existait une pour les prisonniers de guerre, une pour les homosexuels, etc.
Parmi ces insignes, deux m'ont interloquée :
-l'une d'entre elle était un triangle équilatéral pointant vers le bas, de couleur bleu marine, et qui était attribué aux associaux.
-l'autre était ce même triangle seulement il était placé par dessus un autre triangle équilatéral jaune de sorte que cela formait la même étoile que celle portée par les juifs. C'étaient par ailleurs les "cas sociaux" juifs qui la portaient.
Or, je me demandai, quels critères étaient utilisés pour faire interner des personnes avec l'"excuse" que celles-ci étaient des cas-sociaux?
Car le fait que même des juifs puissent être rangés dans cette catégorie signifie sûrement que des critères aient existés...
Réponse du Guichet

Bonjour,
Plusieurs affiches récapitulant dans les camps la classification des insignes ont été conservées et montrent que :
- le triangle bleu foncé, pointe en bas était attribué aux « asociaux » (Azociale voire Gemeinschaftsfremde)
- le triangle bleu foncé pointe en bas sur un triangle jaune pointe en haut était attribué aux juifs « asociaux »
Cette affiche se lit comme un tableau à double entrée :

La couleur détermine la classification (politique, juif, asocial, droit commun, travailleur obligatoire, dissident religieux, homosexuel) et des signes supplémentaires (point en dessous, barre au-dessus, lettre…) précisent s’il s’agit de prisonniers issus de bataillons pénaux, de récidivistes, éventuellement la nationalité… On remarque que les Juifs étant dans le système nazi qualifiés de tous les maux de la terre, il est prévu que le triangle jaune puisse être superposé avec tous les autres.
Le système d’extermination nazi était en effet très organisé. Le très récent La Loi du sang : agir et penser en nazi – qu’il faut lire entièrement pour saisir la construction de cette logique pernicieuse depuis les années 1930, et notamment les lois raciales de Nuremberg de 1935 – consacre plusieurs pages à la « Guerre interne : la lutte conter les « asociaux » ».
Ce vocable recouvre des réalités différentes, regroupant ceux que les nazis considèrent comme « étrangers à la communauté » (Gemeinschaftsfremde), celle des populations nomades, et celle des « criminels professionnels » : « délinquant dégénéré, inférieur du point de vue social et biologique » selon un théoricien nazi (Thiérack, 1943). Considérés comme des ennemis de l’intérieur pour la société aryenne, les Azociale font l’objet d’une répression croissante avec la guerre :
« Thierack traduit l’obsession social-darwiniste d’Hitler, qui déplore dans ses discours et propos privés le rôle contre-sélectif d’une guerre qui fait couler le meilleur sang, celui des braves, tandis que, à l’arrière, les méchants et les coquins, sous écrou ou en liberté, prospèrent et se reproduisent. La justice pénale, par une décimation ordonnée des criminels, doit permettre de restaurer l’équilibre entre les bons et les mauvais. »
(La Loi du sang : agir et penser en nazi, p. 297)
« Le criminel professionnel » n’est toutefois que la pointe avancée de l’asocialité. […] Si les « criminels professionnels » sont des asociaux par excès, la majorité des Gemeinschaftsfremde est plutôt constituée de nuisibles par défaut – de travail, d’engagement, d’insertion dans la communauté du peuple. » C'est-à-dire tous les gens qui pour diverses raisons de travaillent pas, ne participent pas à la société, n'adhèrent pas aux œuvres nazies.
Dès 1940, un autre penseur du Reich prévient « qu’il faut cesser de voir dans les tares des asociaux "des dommages causés par l’environnement" social et familial. Tout au contraire : les vices de l’alcoolique, du fainéant, du souteneur et du délinquant sont "exclusivement de nature familiale et héréditaire"».
Ces personnes, qualifiés de nuisibles, inutiles, parasites, indésirables… doivent être dans le système nazi enfermées, stérilisées, voire supprimées. Tout autre conception (de soin, d’aide sociale…) relève de « conceptions morales obtuses », de « foutaises » « d’avant-hier ». Et Walter Gross dans ce discours de 1940 évoque les « hospices » coûteux et inefficaces.
Parmi les « asociaux », les Tsiganes méritent une étude particulière. A partir de 1939, la lutte contre les asociaux devient « une lutte à mort » :
« Le sort, évolutif et complexe, des Tsiganes en témoigne. Exclus des relations sexuelles et du mariage avec les « Aryens » au titre des lois de Nuremberg [1935], ils sont considérés comme racialement allogènes, mais pas aussi dangereux que les Juifs. A partir de 1939, leur destin est de plus en plus déterminé par des conceptions héritées du Kaiserreich et de la République de Weimar, et présentes du reste partout en Europe : fixation, contrôle social, répression de l’asocialité et du danger que représentent des populations nomades non intégrées. »
(La Loi du sang : agir et penser en nazi, p. 297)
A lire aussi :
La Persécution des tsiganes par les nazis
La Protection légale de la race : essai sur les lois de Nuremberg (1942)
L’Allemagne et le génocide : plans et réalisations nazis
Plusieurs affiches récapitulant dans les camps la classification des insignes ont été conservées et montrent que :
- le triangle bleu foncé, pointe en bas était attribué aux « asociaux » (Azociale voire Gemeinschaftsfremde)
- le triangle bleu foncé pointe en bas sur un triangle jaune pointe en haut était attribué aux juifs « asociaux »
Cette affiche se lit comme un tableau à double entrée :

La couleur détermine la classification (politique, juif, asocial, droit commun, travailleur obligatoire, dissident religieux, homosexuel) et des signes supplémentaires (point en dessous, barre au-dessus, lettre…) précisent s’il s’agit de prisonniers issus de bataillons pénaux, de récidivistes, éventuellement la nationalité… On remarque que les Juifs étant dans le système nazi qualifiés de tous les maux de la terre, il est prévu que le triangle jaune puisse être superposé avec tous les autres.
Le système d’extermination nazi était en effet très organisé. Le très récent La Loi du sang : agir et penser en nazi – qu’il faut lire entièrement pour saisir la construction de cette logique pernicieuse depuis les années 1930, et notamment les lois raciales de Nuremberg de 1935 – consacre plusieurs pages à la « Guerre interne : la lutte conter les « asociaux » ».
Ce vocable recouvre des réalités différentes, regroupant ceux que les nazis considèrent comme « étrangers à la communauté » (Gemeinschaftsfremde), celle des populations nomades, et celle des « criminels professionnels » : « délinquant dégénéré, inférieur du point de vue social et biologique » selon un théoricien nazi (Thiérack, 1943). Considérés comme des ennemis de l’intérieur pour la société aryenne, les Azociale font l’objet d’une répression croissante avec la guerre :
« Thierack traduit l’obsession social-darwiniste d’Hitler, qui déplore dans ses discours et propos privés le rôle contre-sélectif d’une guerre qui fait couler le meilleur sang, celui des braves, tandis que, à l’arrière, les méchants et les coquins, sous écrou ou en liberté, prospèrent et se reproduisent. La justice pénale, par une décimation ordonnée des criminels, doit permettre de restaurer l’équilibre entre les bons et les mauvais. »
(La Loi du sang : agir et penser en nazi, p. 297)
« Le criminel professionnel » n’est toutefois que la pointe avancée de l’asocialité. […] Si les « criminels professionnels » sont des asociaux par excès, la majorité des Gemeinschaftsfremde est plutôt constituée de nuisibles par défaut – de travail, d’engagement, d’insertion dans la communauté du peuple. » C'est-à-dire tous les gens qui pour diverses raisons de travaillent pas, ne participent pas à la société, n'adhèrent pas aux œuvres nazies.
Dès 1940, un autre penseur du Reich prévient « qu’il faut cesser de voir dans les tares des asociaux "des dommages causés par l’environnement" social et familial. Tout au contraire : les vices de l’alcoolique, du fainéant, du souteneur et du délinquant sont "exclusivement de nature familiale et héréditaire"».
Ces personnes, qualifiés de nuisibles, inutiles, parasites, indésirables… doivent être dans le système nazi enfermées, stérilisées, voire supprimées. Tout autre conception (de soin, d’aide sociale…) relève de « conceptions morales obtuses », de « foutaises » « d’avant-hier ». Et Walter Gross dans ce discours de 1940 évoque les « hospices » coûteux et inefficaces.
Parmi les « asociaux », les Tsiganes méritent une étude particulière. A partir de 1939, la lutte contre les asociaux devient « une lutte à mort » :
« Le sort, évolutif et complexe, des Tsiganes en témoigne. Exclus des relations sexuelles et du mariage avec les « Aryens » au titre des lois de Nuremberg [1935], ils sont considérés comme racialement allogènes, mais pas aussi dangereux que les Juifs. A partir de 1939, leur destin est de plus en plus déterminé par des conceptions héritées du Kaiserreich et de la République de Weimar, et présentes du reste partout en Europe : fixation, contrôle social, répression de l’asocialité et du danger que représentent des populations nomades non intégrées. »
(La Loi du sang : agir et penser en nazi, p. 297)
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