Question d'origine :
Je trouve dans mes notes, d'une source anonyme, les indications suivantes:
"L’Ecole Centrale a fonctionné du 1er frimaire an V (21 novembre 1796) jusqu’au mois d’avril 1803.
Les cours sont dispensés, la plupart du temps, à l’ex-abbaye Saint Pierre (aujourd’hui Musée Saint Pierre donnant sur la place de l’hôtel de ville de Lyon) et vers 1801, quelques-uns eurent lieu également au Grand Collège (aujourd’hui le Lycée Ampère)".
Pouvez-vous les confirmer (ou les infirmer)?
Qu'est devenu cet établissement (Ecole centrale) après sa fermeture? Où a-t-il été transféré et sous quel nom?
Un très grand merci.
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 21/06/2016 à 14h30
Bonjour,
Attention à ne pas confondre l’Ecole Centrale (celle de Lyon dite École Centrale lyonnaise pour l'Industrie et le Commerce nait en 1857) avec les Ecoles centrales de département, créées par la loi du 7 ventôse an III (25 février 1795). C’est à ces dernières que votre question fait allusion. Il en existe une par département, dont l’Etat définit les programmes mais confie le fonctionnement aux autorités départementales.
Vous trouverez un historique relativement détaillée de l’Ecole centrale du Rhône dans le livre de Roland Saussac, Collèges de Lyon, Institut de Lyon, Ecole centrale. Il semble que la documentation sur le sujet soit parcimonieuse - « Les sources sur l’Ecole centrale du département du Rhône sont plus que réduites et de ce fait, elle n’a pas bénéficiée d’une étude approfondie. » -et donc il s’agit sans doute de la source de vos notes.
Le 23 brumaire an IV (14 novembre 1795) le représentant en mission Poullain Grandprey, conformément à l’arrêté de Dupuy du 23 prairial an III (11 juin 1795), décide que l’ensemble des bâtiments du Collège de la Trinité sera réservé à l’instruction publique et que l’abbaye Saint-Pierre réunira toutes les institutions favorables au commerce et aux arts. Le 5 prairial an IV (24 mai 1796) l’administration départementale demande de son côté au Jury d’instruction de prendre les dispositions nécessaires pour remettre en état la maison du Pensionnat afin d’installer les salles de cours, la Bibliothèque, et les cabinets de physique et d’histoire naturelle.
De son côté, le ministre des Finances, qui veut faire procéder à la vente de la Maison Saint-Pierre, par un courrier en date du 18 prairial an IV (6 juin 1796), réserve les bâtiments de la maison du Collège et semble vouloir maintenir l’aliénation des maisons de la Terrasse et de la boulangerie. Mais les locaux réservés du pensionnat ne sont pas en état pour recevoir l’Ecole centrale et en attendant il faut prendre des dispositions urgentes avec le ministère de l’Intérieur qui devra trancher, ce qu’il fait par une lettre du 5 thermidor an IV (23 juillet 1796) où il demande à l’administration de faire surseoir à la vente des bâtiments. A son tour, la municipalité lyonnaise propose une solution qui devrait mettre d’accord tout le monde. Il faut rayer de la liste des biens nationaux l’abbaye Saint-Pierre, bâtiment central et siège de plusieurs administrations. En échange, il faut aliéner l’ensemble des bâtiments du Grand Collège, d’autant plus qu’il y a des acquéreurs. L’Ecole centrale doit être installée dans les locaux du séminaire Saint-Irénée. Les élèves seraient éloignés du bruit de la ville et profiteraient ainsi d’un meilleur cadre de vie. Actuellement, les trois-quarts de ces locaux sont inoccupés et dans le quart restant, on a installé un hôpital pour les gâteux.
Mais l’administration départementale doit s’incliner, et, dans sa séance du 2ème complémentaire an IV (18 septembre 1796), elle prend acte des décisions du ministre des Finances et du ministère de l’Intérieur. Les bâtiments de l’abbaye sont retirés provisoirement de la liste des biens nationaux. Constatant qu’aucune salle n’est disponible dans le grand collège, l’administration arrête que trois salles de l’abbaye Saint-Pierre seront provisoirement réservées pour l’enseignement, que les professeurs seront logés dans les salles qui étaient destinées à l’Etat-major et qu’il y aura une salle où les professeurs pourront se recueillir avant leurs leçons.
L’Ecole centrale ne perdurera pas longtemps : « Certes les effectifs augmentent légèrement, mais la mauvaise situation politique, la concurrence des pensions et des maisons d’éducation, expliquent dans une certaine mesure leur stagnation. L’époque consulaire accentue la désaffection envers une Ecole accusée d’être trop élitiste et dans ses programmes et de ne pas proposer un pensionnat. » C’est la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) qui la remplace avec la création d’un lycée malgré l’acharnement de certains professeurs à maintenir leur cours.
Alors que les commissaires exécutifs près de l’administration départementale proclament leur volonté d’en faire une école républicaine, il semble qu’elle accueille des élèves favorables aux royalistes ou aux prêtres réfractaires. Certains, même, semblent être proches des compagnons de Jésus ou du moins participer aux vengeances dirigées contre les dénonciateurs.
Nous aurions voulu en savoir plus, mais nos sources sont pratiquement muettes sur le comportement des élèves. A les en croire, administrateurs, professeurs et élèves vivent dans une concorde parfaite qui doit trouver son expression dans les réunions des décadis, dans les cérémonies des fêtes nationales et surtout lors des distributions des prix, où chacun se félicite de la bonne marche de l’Ecole, de la qualité des professeurs et de la bonne volonté des élèves. Ainsi, les débuts de son histoire s’inscrivent dans une période très mouvementée. Malgré le nombre restreint de ses effectifs, il semble qu’elle s’impose de plus en plus, grâce aux formations spécialisées de dessin et de droit alors que les écoles privées ont un succès certain pour l’enseignement général. Il nous semble que, sous la direction habile de Gilibert, avec une certaine complicité des autorités départementales, l’Ecole veut diversifier sa formation, et justifier ainsi sa qualité de Centrale, en créant un enseignement universitaire. C’est peut-être le cas d’autres Ecoles de la République mais le phénomène est plus marqué à Lyon. De plus, Gilibert, grâce à ses excellentes relations avec les membres du jury d’instruction, permet à l’établissement d’acquérir une grande autonomie. L’intervention intempestive du commissaire exécutif Allard n’est qu’un épiphénomène. Le même Gilibert, promu chef des modérés, ayant eu des responsabilités importantes pendant le siège, puis proscrit, a les moyens d’établir un certain consensus autour de son nom. Ainsi, sous son influence, l’Ecole, de plus en plus indépendante, voit ses effectifs augmenter. Nous pouvons parler de réussite. L’établissement est de mieux en mieux accepté et devient un centre de formation de qualité. Delandine espère, par la qualité de son enseignement juridique, attirer des élèves de tout le pays alors que Gilibert rêve d’une Faculté de médecine, adossée à l’Ecole de l’Hôtel-Dieu et profitant des ressources du jardin botanique.
Le Consulat bouleverse complètement la situation. Même si Gilibert et Delandine entretiennent d’excellentes relations avec le préfet Verninac, l’Ecole perd rapidement sa liberté de manœuvre. Gilibert en tire rapidement les conséquences. Prétextant un surplus d’activité, il se fait suppléer par Mouton de Fontenille et fait nommer son fils professeur-adjoint. Même si la nouvelle administration vante la qualité des professeurs et l’efficacité de leur enseignement par la voix du Conseil général, elle reproche à l’Ecole centrale de dispenser un enseignement inadapté, de ne pas assurer le suivi de ses élèves, accusations somme toutes banales, et surtout de se comporter en petite république, accusation la plus grave.
Comme nous l’avons souvent déploré, l’étude de la fin des Collèges de l’Ancien Régime, de l’Institut et de l’Ecole centrale départementale du Rhône s’est heurtée à la maigreur de nos sources et de notre documentation. Pour cette raison, nous sommes conscients des limites de ce travail et aussi des interrogations nombreuses qui sont laissées en suspens. Il faudrait une étude approfondie de Lyon sous l’époque directoriale, démêler la part des exagérations, amplifiées par certains contemporains et présentées comme un complot organisé contre la ville. On pourrait alors mieux cerner le rôle des acteurs de l’Ecole centrale, élèves et professeurs, et déterminer exactement leur place. Gilibert a t-il vraiment joué le rôle que nous lui prêtons ? Se serait-il contenté d’accepter une place dès son retour, à défaut de recouvrer ses fonctions médicales ? Aurait-il fait preuve de discrétion, refusant de s’engager en politique ? Aurait-il été un des informateurs de Vitet ou se serait-il éloigné de son confrère, trop engagé dans les querelles politiques ? Parmi les élèves, nous avons relevé des noms sympathiques aux réfractaires et aux royalistes. Mais quelle est l’attitude de leurs camarades ? La plupart ont connu la période du siège et de la répression et ont eu un père ou un parent exécuté. Se sont-ils contentés de suivre des cours, abandonnant par enchantement leurs opinions politiques ? Nous aurions aimé en savoir plus. Il est vrai que contrairement aux autres Ecoles, nous ne possédons aucune liste officielle des élèves et nous nous en étonnons. Les registres auraient été définitivement perdus lors du transfert de l’Abbaye Saint-Pierre au Grand Collège.
Le bibliothécaire Delandine, contrairement à ses habitudes, les aurait détruits. Un proviseur trop zélé aurait-il brûlé les archives de l’Ecole ou sont-elles conservées dans un dépôt quelconque ? Nous pouvons toujours l’espérer pour ceux qui continueront nos recherches. A vrai dire, nous pensons ou nous espérons que notre travail sera le point de départ de nouvelles études sur l’enseignement des collèges, de l’Institut et de l’Ecole centrale de 1789 à 1803. Nous savons que le travail de l’historien reste incomplet, que de nouvelles problématiques renouvellent la réflexion et pour cette raison nous rendons grâce à ceux qui nous ont précédé et à ceux qui nous succéderons.
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