Question d'origine :
bonjour,
ne réussissant pas à trouver réponse à ma question, me permets à nouveau de vous solliciter...
Pourriez-vous m'indiquer dans quelles conditions précises le Retable de la Basilique SAinte Marie de Cracovie a été retrouvé en mai 1945 par les Alliés (Américains ?) dans les bunkers souterrains de Nüremberg ?
comment la localisation, et le sauvetage de ce trésor (spolié par les troupes nazies en automne 1939 en Pologne ?
je souhaiterai connaître l'identité des sauveteurs.
Merci pour vos conseils, votre aide...
bien à vous
Réponse du Guichet

Voici toutes les informations que nous avons trouvées concernant le retable de Veit Stoss. Nous les avons recueillies dans cet ouvrage très complet, dont nous vous conseillons la lecture si vous voulez connaître le contexte complet de cette histoire Le pillage de l’Europe, les œuvres d’art volées par les nazis, Lynn H. Nicholas.
De la dissimulation du célèbre et "gigantesque" retable à son vol par les nazis et enfin à sa restitution par les américains, voici une histoire rocambolesque au cœur de l'Allemagne nazie puis des premiers temps de la guerre froide...
La mise à l'abri par les Polonais :
« En l’église de Notre-Dame de Cracovie, les figures polychromes plus grandes que nature du retable de Veit Stoss (restauré à grand frais en 1933) furent descendues de leur imposante armature pour s’en aller à bord d’un chaland sur la Vistule jusqu’au cryptes de la cathédrale de Sandomierz. Des fragments plus réduits du maître-autel furent dissimulés au musée de l’université de Cracovie. C’est au milieu de cette fiévreuse activité que tomba la nouvelle dévastatrice, le 23 août, du pacte entre Hitler et Staline. Il n’y avait plus, désormais, aucun endroit où cacher. » p. 78
Le vol par les nazis :
« La XIVe armée, dirigée par le général List, était arrivée à Sandomierz le 8 septembre. Quelques jours plus tard, une unité SS avait ouvert l’entrepôt qui contenait les figures de Veit Stoss et, dans la première semaine d’octobre, elles furent envoyées à Berlin. Les conditions n’étaient pas idéales. Le SS Untersturmführer Paulsen, qui commandait l’opération, écrivit à un ami : le transport des figures de Veit Stoss se révèle assez difficile. Les mouvements de troupes gênent sérieusement le voyage… Les caisses de la cathédrale de Sandomierz sont assez grandes. Quatre pèsent 800 kg chacune. En raison de la mauvaise qualité des routes nous avons dû rouler sans remorque, et pour des raisons de sécurité on ne pouvait faire le trajet que de jour. » p.80
« Mühlmann (Kajetan) arriva le 6 octobre, lendemain de la capitulation, pour constater que bien des choses –tel le retable de Veit Stoss, nous l’avons vu- avaient déjà été déplacées… p. 85
« Quand les choses se furent calmées, d’avides directeurs de musée allemands, énergétiquement soutenus par leurs conseils municipaux, jouèrent des coudes pour combler les trous de leurs collections en puisant dans le fonds polonais. Inassouvi par les Regalia du Saint-Empire, le maire de Nuremberg vint prendre à Cracovie, au début de 1940, ce qui restait du retable de Veit Stoss pour son Germanisches Museum.
Stoss était devenu l’enfant chéri de l’école « la Pologne est en réalité allemande ». On publia d’élégants cartons de photographies de haute qualité qui montraient ses œuvres sous tous les angles. L’Institut für deutsche Ostarbeit (institut des études orientales allemandes), sorte de think tank nazi réfléchissant à la germanisation de la Pologne, organisa une grande exposition Stoss en 1942, avec des pièces aimablement prêtées par l’organisme de Mühlmann et le gouverneur général Frank…
Le maire avait persuadé Hitler que les éléments restants du retable du maître-autel risquaient d’être endommagés par des saboteurs polonais si on les laissait sur place, et qu’il fallait les protéger dans les abris anti-aériens d’une efficacité unique dont disposait Nuremberg. Le directeur et un conservateur du Germanisches Museum furent dépêchés sur place pour ramener l’armature. Il fallut construire pour cela des wagons de chemin de fer spéciaux, les dirigeants du musée ayant réussi à empêcher les hommes du génie SS de scier l’énorme structure de treize mètres sur onze en fragments plus transportables. La compétence de la délégation de Nuremberg était hors de doute. Le conservateur Eberhard Lutze avait publié en 1938 une monographie sur Stoss, considéré jusqu’à nos jours comme définitive, et il avait aidé à monter une très importante exposition de ses œuvres à Nuremberg en 1933. Une fois l’armature en sécurité dans cette ville, on envoya Lutze ramener aussi les glorieuses figures qu’on avait entreposées à la Reichsbank de Berlin ; Nuremberg pouvait maintenant exposer un second trésor national volé, à côté des regalia des Habsbourg. Et un fonctionnaire allemand écrivit à Frank qu’à présent Notre-Dame de Cracovie, l’église spoliée, avait vraiment plus fière allure, « grâce à l’espace gagné en enlevant le retable ». p. 88-90
Le bunker du château de Nuremberg :
« D’autres nazis purs et durs avaient fait de minutieux préparatifs pour l’avenir. Pur et dur, nul ne pouvait l’être plus que le maire de Nuremberg. Liebl, qui avait mis tant d’obstination à acquérir pour sa ville les plus grands trésors germaniques et à les mettre en sûreté. Le complexe réseau de bunkers qu’il avait fait construire sous le Kaiserburg du XIe siècle, et dont les souterrains s’étendaient loin à l’extérieur au-dessous des rues, était une merveille, tant pour l’architecture elle-même que pour le contrôle de la climatisation. Il contenait le retable de Veit Stoss et les regalia du Saint-Empire romain, ainsi que les collections plus légitimes de Nuremberg. L’un des accès au bunker était une entrée secrète, déguisée en petite boutique insignifiante dans une rue latérale mineure. De là, une longue rampe de béton, que barraient de temps à autre des portes d’acier de trois mètres de haut, conduisait aux fondations du château. » p. 401
La restitution à la Pologne par les américains :
« Désormais les choses allaient très vite.Eisenhower avait déjà ordonné personnellement de préparer le retable de Veit Stoss pour son retour en Pologne, et, début septembre, il envoya un membre de son état-major, recommander à Craigh Smyth d’opérer autant que possible des restitutions « en bloc » aux divers pays… La responsabilité de la réalisation de ce gigantesque transfert d’œuvres d’art incomba, une fois de plus, au contingent harcelé du MFAA… » p. 467
« Le retable de Veit Stoss, également à Nuremberg, ne rentra pas tout à fait aussi vite que l’avait espéré Eisenhower. Ses grandes figures se trouvaient bloquées dans les bunkers par des tonnes d’autres objets entreposés devant elles, et on ne put les en sortir avant plusieurs mois. Pour les transporter, avec certains autres trésors polonais dont la Dame à l’hermine, il fallut un train ne comptant pas moins de vint-sept wagons. Quand tout fut enfin au point, on était en avril 1946, et il n’était que trop clair que le gouvernement polonais en exil ne reviendrait pas au pouvoir de sitôt. Le « gouvernement d’unité nationale » sur lequel on s’était mis d’accord à Potsdam était dominé par les communistes soutenus par l’Union soviétique, et qu’ils n’allaient pas nécessairement accueillir à bras ouverts la publicité qui ne manquaient pas d’entourer la restitution du retable par l’armée américaine. Mais les ordres étaient les ordres et les visites officielles dans les pays de l’Est fort rares, donc fort précieuses, si bien que l’escorte initiale, composée d’un détachement de soldats de la police militaire et d’un officier, grossit, jusqu’à devenir un groupe important, qui comprenait un certain nombre de journalistes et plusieurs dames. Seul lecapitaine Lesley , l’officier du MFAA responsable des œuvres d’art, avait des papiers parfaitement en règle pour le voyage ; et personne n’avait songé non plus à consulter l’ambassade américaine à Varsovie sur cette restitution.
Le train partit de Nuremberg le 28 avril. Comme Lesley l’écrivit plus tard : « On aurait difficilement pu choisir date plus inepte pour ce retour. L’arrivée des trésors suprêmes de la Pologne, ramenés par l’armée américaine dans un geste d’amitié démocratique, se trouvait coïncider avec les célébrations ouvrières du premier Mai et avec le Jour de l’indépendance nationale polonaise, le 3 mai. Le retable et tous ceux qui avaient rapport avec lui devenaient donc immédiatement, et bien involontairement, le point de fixation des démonstrations de soutien ou de résistance au gouvernement en place. La présence de ces personnels américains, qui, au même moment, donnait à la population de Cracovie une occasion de lier sa vénération émue du sanctuaire national aux procédures démocratiques, était des plus embarrassantes pour l’ambassade des Etats-Unis. » Au début tout fut douceur et lumière. Le train fut accueilli à la frontière polonaise par des responsables officiels de la culture. A Katowice, la gare s’emplit de chant de nombreuses chorales envoyées par les écoles catholiques. A Tunel, les enfants décorèrent entièrement le train de rameaux verts, et le représentant polonais, Estreicher, orna les flancs des wagons aux couleurs de la Pologne et des Etats-Unis. A Cracovie, le quai était copieusement décoré des mêmes drapeaux. Il y avait une garde d’honneur, et c’est aux accents d’un orchestre que le retable fut accueilli par le président de la municipalité et l’archevêque. Chaque arrêt était l’occasion de discours fleuris de remerciement pour l’effort américain. Le 1er mai, la délégation américaine visita le château de Cracovie et assista même au défilé de la fête du travail. Mais le lendemain, l’ensemble du groupe, membres de la police militaire et autres, fut soudain aspiré pour deux jours de tourisme hors de la ville. A leur retour, ils apprirent que, pendant la revue de la fête nationale polonaise, il y avait eu des manifestations au cours desquelles trente personnes avaient été tuées par balle.
Les réjouissances prévues pour célébrer le retour du retable le 5 mai ne furent pas annulées pour autant, mais l’accès à la messe qui devait l’accueillir et aux abords de l’église Notre-Dame fut interdit au public, et le déjeuner qui suivit fut boycotté par l’archevêque. Le repas fut moins détendu encore pour les américains : ils avaient été informés au milieu de la nuit précédente qu’un de leurs hommes en uniforme avait abattu deux membres de la milice communiste polonaise, et qu’une enquête était en cours. Tous les personnels américains reçurent l’ordre de regagner le train, qui devait partir le lendemain. Les Polonais amenèrent un certain nombre de témoins, qui se rendirent devant le train et identifièrent le soldat Bagley comme étant le coupable. Quant ses camarades lui fournirent un alibi, les Polonais firent venir plus de « témoins » encore, encerclèrent le train de gardes armés et refusèrent de le laisser partir si on ne leur livrait pas Bagley. Pendant ce temps, à la consternation des fonctionnaires de l’ambassade américaine qu’on avait appelés sur les lieux, il était apparu que presque personne n’avait de passeport en règle. Les membres de l’escorte étaient en situation illégale, et l’ambassade ne pouvait rien pour eux.
C’est alors qu’un autre membre de la police militaire, le soldat Vivian, vint confesser que c’était lui et non Bagley qui avait vidé son pistolet sur plusieurs hommes, parce qu’ils tentaient de le voler. Cette divine aubaine inspira à l’ambassade une solution machiavélique à cette situation critique. Bagley, « admirable de courage et d’abnégation », accepta d’être livré à la police secrète polonaise afin que le train puisse partir. Pendant le voyage, Vivian « avoua » et fut « arrêté ». L’information fut alors communiquée à la Pologne, accompagnée d’une requête pour la libération de Bagley. La guerre froide était si jeune que cette manœuvre extraordinairement risquée réussit ; espérons que le soldat Bagley reçut au moins une médaille.
Quelques années plus tard, les Polonais se rattrapèrent pour cet incident désagréable.John Nicholas Brown , en visite à Cracovie, fut emmené à une messe en l’église Notre-Dame, où le magnifique retable avait été réinstallé dans toute sa gloire. Son accompagnateur était Karol Estreicher. Après le service religieux, ils se rendirent à une cantine ouvrière proche pour déjeuner. Quand Estreicher dit à la foule assemblée, où se trouvait le prêtre qui avait dit la messe, que Brown avait été le maître d’œuvre du retour du retable, tous l’acclamèrent et lui firent fête. Brown ne pouvait pas savoir à l’époque que le prêtre, charmant et plein de gratitude, deviendrait le pape Jean-Paul II. » p. 469-472
Vous pouvez aussi consulter les documents suivants :
Le musée d'Hitler [D.V.D] : l'art pillé par les nazis / réal. de Hannes Schuler
Monuments men : Rose Valland et le commando d'experts à la recherche du plus grand trésor nazi / Robert M. Edsel
Monuments men [D.V.D.] / réal. de George Clooney; d'après le livre de Robert M. Edsel et Bret Witter
Le trésor des nazis existe-t-il vraiment ?
Les reliques sacrées d'Hitler : sur la piste des secrets ésotériques du Reich / Sidney Kirkpatrick
De la dissimulation du célèbre et "gigantesque" retable à son vol par les nazis et enfin à sa restitution par les américains, voici une histoire rocambolesque au cœur de l'Allemagne nazie puis des premiers temps de la guerre froide...
« En l’église de Notre-Dame de Cracovie, les figures polychromes plus grandes que nature du retable de Veit Stoss (restauré à grand frais en 1933) furent descendues de leur imposante armature pour s’en aller à bord d’un chaland sur la Vistule jusqu’au cryptes de la cathédrale de Sandomierz. Des fragments plus réduits du maître-autel furent dissimulés au musée de l’université de Cracovie. C’est au milieu de cette fiévreuse activité que tomba la nouvelle dévastatrice, le 23 août, du pacte entre Hitler et Staline. Il n’y avait plus, désormais, aucun endroit où cacher. » p. 78
« La XIVe armée, dirigée par le général List, était arrivée à Sandomierz le 8 septembre. Quelques jours plus tard, une unité SS avait ouvert l’entrepôt qui contenait les figures de Veit Stoss et, dans la première semaine d’octobre, elles furent envoyées à Berlin. Les conditions n’étaient pas idéales. Le SS Untersturmführer Paulsen, qui commandait l’opération, écrivit à un ami : le transport des figures de Veit Stoss se révèle assez difficile. Les mouvements de troupes gênent sérieusement le voyage… Les caisses de la cathédrale de Sandomierz sont assez grandes. Quatre pèsent 800 kg chacune. En raison de la mauvaise qualité des routes nous avons dû rouler sans remorque, et pour des raisons de sécurité on ne pouvait faire le trajet que de jour. » p.80
« Mühlmann (Kajetan) arriva le 6 octobre, lendemain de la capitulation, pour constater que bien des choses –tel le retable de Veit Stoss, nous l’avons vu- avaient déjà été déplacées… p. 85
« Quand les choses se furent calmées, d’avides directeurs de musée allemands, énergétiquement soutenus par leurs conseils municipaux, jouèrent des coudes pour combler les trous de leurs collections en puisant dans le fonds polonais. Inassouvi par les Regalia du Saint-Empire, le maire de Nuremberg vint prendre à Cracovie, au début de 1940, ce qui restait du retable de Veit Stoss pour son Germanisches Museum.
Stoss était devenu l’enfant chéri de l’école « la Pologne est en réalité allemande ». On publia d’élégants cartons de photographies de haute qualité qui montraient ses œuvres sous tous les angles. L’Institut für deutsche Ostarbeit (institut des études orientales allemandes), sorte de think tank nazi réfléchissant à la germanisation de la Pologne, organisa une grande exposition Stoss en 1942, avec des pièces aimablement prêtées par l’organisme de Mühlmann et le gouverneur général Frank…
Le maire avait persuadé Hitler que les éléments restants du retable du maître-autel risquaient d’être endommagés par des saboteurs polonais si on les laissait sur place, et qu’il fallait les protéger dans les abris anti-aériens d’une efficacité unique dont disposait Nuremberg. Le directeur et un conservateur du Germanisches Museum furent dépêchés sur place pour ramener l’armature. Il fallut construire pour cela des wagons de chemin de fer spéciaux, les dirigeants du musée ayant réussi à empêcher les hommes du génie SS de scier l’énorme structure de treize mètres sur onze en fragments plus transportables. La compétence de la délégation de Nuremberg était hors de doute. Le conservateur Eberhard Lutze avait publié en 1938 une monographie sur Stoss, considéré jusqu’à nos jours comme définitive, et il avait aidé à monter une très importante exposition de ses œuvres à Nuremberg en 1933. Une fois l’armature en sécurité dans cette ville, on envoya Lutze ramener aussi les glorieuses figures qu’on avait entreposées à la Reichsbank de Berlin ; Nuremberg pouvait maintenant exposer un second trésor national volé, à côté des regalia des Habsbourg. Et un fonctionnaire allemand écrivit à Frank qu’à présent Notre-Dame de Cracovie, l’église spoliée, avait vraiment plus fière allure, « grâce à l’espace gagné en enlevant le retable ». p. 88-90
« D’autres nazis purs et durs avaient fait de minutieux préparatifs pour l’avenir. Pur et dur, nul ne pouvait l’être plus que le maire de Nuremberg. Liebl, qui avait mis tant d’obstination à acquérir pour sa ville les plus grands trésors germaniques et à les mettre en sûreté. Le complexe réseau de bunkers qu’il avait fait construire sous le Kaiserburg du XIe siècle, et dont les souterrains s’étendaient loin à l’extérieur au-dessous des rues, était une merveille, tant pour l’architecture elle-même que pour le contrôle de la climatisation. Il contenait le retable de Veit Stoss et les regalia du Saint-Empire romain, ainsi que les collections plus légitimes de Nuremberg. L’un des accès au bunker était une entrée secrète, déguisée en petite boutique insignifiante dans une rue latérale mineure. De là, une longue rampe de béton, que barraient de temps à autre des portes d’acier de trois mètres de haut, conduisait aux fondations du château. » p. 401
« Désormais les choses allaient très vite.
« Le retable de Veit Stoss, également à Nuremberg, ne rentra pas tout à fait aussi vite que l’avait espéré Eisenhower. Ses grandes figures se trouvaient bloquées dans les bunkers par des tonnes d’autres objets entreposés devant elles, et on ne put les en sortir avant plusieurs mois. Pour les transporter, avec certains autres trésors polonais dont la Dame à l’hermine, il fallut un train ne comptant pas moins de vint-sept wagons. Quand tout fut enfin au point, on était en avril 1946, et il n’était que trop clair que le gouvernement polonais en exil ne reviendrait pas au pouvoir de sitôt. Le « gouvernement d’unité nationale » sur lequel on s’était mis d’accord à Potsdam était dominé par les communistes soutenus par l’Union soviétique, et qu’ils n’allaient pas nécessairement accueillir à bras ouverts la publicité qui ne manquaient pas d’entourer la restitution du retable par l’armée américaine. Mais les ordres étaient les ordres et les visites officielles dans les pays de l’Est fort rares, donc fort précieuses, si bien que l’escorte initiale, composée d’un détachement de soldats de la police militaire et d’un officier, grossit, jusqu’à devenir un groupe important, qui comprenait un certain nombre de journalistes et plusieurs dames. Seul le
Le train partit de Nuremberg le 28 avril. Comme Lesley l’écrivit plus tard : « On aurait difficilement pu choisir date plus inepte pour ce retour. L’arrivée des trésors suprêmes de la Pologne, ramenés par l’armée américaine dans un geste d’amitié démocratique, se trouvait coïncider avec les célébrations ouvrières du premier Mai et avec le Jour de l’indépendance nationale polonaise, le 3 mai. Le retable et tous ceux qui avaient rapport avec lui devenaient donc immédiatement, et bien involontairement, le point de fixation des démonstrations de soutien ou de résistance au gouvernement en place. La présence de ces personnels américains, qui, au même moment, donnait à la population de Cracovie une occasion de lier sa vénération émue du sanctuaire national aux procédures démocratiques, était des plus embarrassantes pour l’ambassade des Etats-Unis. » Au début tout fut douceur et lumière. Le train fut accueilli à la frontière polonaise par des responsables officiels de la culture. A Katowice, la gare s’emplit de chant de nombreuses chorales envoyées par les écoles catholiques. A Tunel, les enfants décorèrent entièrement le train de rameaux verts, et le représentant polonais, Estreicher, orna les flancs des wagons aux couleurs de la Pologne et des Etats-Unis. A Cracovie, le quai était copieusement décoré des mêmes drapeaux. Il y avait une garde d’honneur, et c’est aux accents d’un orchestre que le retable fut accueilli par le président de la municipalité et l’archevêque. Chaque arrêt était l’occasion de discours fleuris de remerciement pour l’effort américain. Le 1er mai, la délégation américaine visita le château de Cracovie et assista même au défilé de la fête du travail. Mais le lendemain, l’ensemble du groupe, membres de la police militaire et autres, fut soudain aspiré pour deux jours de tourisme hors de la ville. A leur retour, ils apprirent que, pendant la revue de la fête nationale polonaise, il y avait eu des manifestations au cours desquelles trente personnes avaient été tuées par balle.
Les réjouissances prévues pour célébrer le retour du retable le 5 mai ne furent pas annulées pour autant, mais l’accès à la messe qui devait l’accueillir et aux abords de l’église Notre-Dame fut interdit au public, et le déjeuner qui suivit fut boycotté par l’archevêque. Le repas fut moins détendu encore pour les américains : ils avaient été informés au milieu de la nuit précédente qu’un de leurs hommes en uniforme avait abattu deux membres de la milice communiste polonaise, et qu’une enquête était en cours. Tous les personnels américains reçurent l’ordre de regagner le train, qui devait partir le lendemain. Les Polonais amenèrent un certain nombre de témoins, qui se rendirent devant le train et identifièrent le soldat Bagley comme étant le coupable. Quant ses camarades lui fournirent un alibi, les Polonais firent venir plus de « témoins » encore, encerclèrent le train de gardes armés et refusèrent de le laisser partir si on ne leur livrait pas Bagley. Pendant ce temps, à la consternation des fonctionnaires de l’ambassade américaine qu’on avait appelés sur les lieux, il était apparu que presque personne n’avait de passeport en règle. Les membres de l’escorte étaient en situation illégale, et l’ambassade ne pouvait rien pour eux.
C’est alors qu’un autre membre de la police militaire, le soldat Vivian, vint confesser que c’était lui et non Bagley qui avait vidé son pistolet sur plusieurs hommes, parce qu’ils tentaient de le voler. Cette divine aubaine inspira à l’ambassade une solution machiavélique à cette situation critique. Bagley, « admirable de courage et d’abnégation », accepta d’être livré à la police secrète polonaise afin que le train puisse partir. Pendant le voyage, Vivian « avoua » et fut « arrêté ». L’information fut alors communiquée à la Pologne, accompagnée d’une requête pour la libération de Bagley. La guerre froide était si jeune que cette manœuvre extraordinairement risquée réussit ; espérons que le soldat Bagley reçut au moins une médaille.
Quelques années plus tard, les Polonais se rattrapèrent pour cet incident désagréable.
Vous pouvez aussi consulter les documents suivants :
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