Question d'origine :
Bonsoir,
D'où vient le nom "Stryge" pour la fameuse chimère dessinée au 19e par Eugène Viollet-Leduc ? Pourquoi l'appelle-ton ainsi ?
Je vous remercie.
Réponse du Guichet

Bonjour,
Voici ce qu'indique le Dictionnaire historique de la langue française publié sous la direction d'Alain Rey concernant l'étymologie et l'origine du mot stryge :
STRYGE ou STRIGE n. f. est emprunté (1534; strige, 1586) au latin strix, strigis «vampire», «sorcière», emprunt au grec strinx, stringos «effraie, oiseau de nuit au cri strident», d'origine onomatopéique, comme le latin stridere (-> strident). L'accusatif grec stringa a fourni en latin une forme populaire striga «sorcière», qui a abouti à l'ancien français estrie (v. 1200) employé jusqu'en 1400, à l'italien strega, au portugais estria. Stryge désigne depuis le XVIe s. un vampire qui, d'après la légende, errait la nuit pour sucer le sang et dévorer la chair des hommes. Le mot s'est employé pour «chat-huant» (1611. n.m.; 1660, estrige, n.f.), sens sorti d'usage. L'emploi masculin, erroné, trahit l'influence de vampire.
STRIX n. m., emprunt au latin, s'est employé (1765) comme terme géné¬rique pour «rapace nocturne».
STRIGIDÉS n. m. pl., dérivé savant (1839) du latin sirig(is) par suffixation -idés (grec eidos «forme, appa¬rence»), désigne en zoologie la famille d'oiseaux qui comprend la plupart des rapaces nocturnes.
En complément, ces deux extraits :
Stryge (à la grecque) ou Strige (latin) :
La striga latine, dérivé de strix, est un emprunt au grec strygs, strygos, qui désigne très concrètement un oiseau de nuit. Ceux-ci sont de bons fournisseurs du bestiaire diabolique et, dès l'Antiquité, telle la harpie, la striga est un spectre, candidat au démonisme selon le christianisme.
Le mot latin, dans les "capitulaire" de Charlemagne, est donné pour syonyme de masca, "masque", ce qui est le sens de larva. La stryge est donc un fantôme, et ce nom, en Russie, équivaut à celui de vampire.
Si les stryges ont pu être diabolisées par les peuples germaniques, aux IVe et Ve siècles, leur existence littéraire est d'abord latine. Dans le Satyricon, ce sont des monstres qui dérobent les jeunes cadavres et les remplacent par un simulacre fait de paille.
Le flottement entre esprit démoniaque et humain rappelle l'identification, aux XVe et XVI siècles, des sorcières à d'autres spectres, les lamies. Et ce sera chose faite au XXe siècle, avec la série télévisée états-unienne Supernatural, où les stryges sont de vieilles sorcières qui absorbent l'énergie vitale de jeunes humains.
Le mot gréco-latin, enfin, est à l'origine du vocable italien strega, pluriel streghe, appellation la plus courante pour ce que le français nomme sorcière et l'anglais witch.
source : Dictionnaire amoureux du diable / Alain Rey
Stryge (strige) : Sorcière qui possède des ailes et des griffes semblables à celles des rapaces. Elle tient du vampire et de la chienne, elle est fornicatrice et anthropophage. Elle tire du lait de n'importe où : vaches, moutons, mais aussi d'objets en bois, des solives auxquelles elle applique un coup de fourche. Elle se nourrit à l'occasion des entrailles de petits enfants, puis elle remplace leur cadavre par une poupée de paille. [...] La stryge, au Moyen-Âge, est, comme la sorcière, une vieille femme d'apprence normale mais habitée par le Diable. [...]
L'origine du mot est d'ailleurs le latin striga, "sorcière", et strix désignait un démon-oiseau qui suçait le sang. Les mots strigoi, en Roumain strouga en Bulgare, sont aussi apparentés au verbe crier. Ils désignet les soricaers, mais aussi le loup-garou, le vampire, avec lesquels la stryge partage le goût du sang ; vivante, elle est soeur du loup-garou, morte, celle du vampire.
source : Dictionnaire des fées : et du peuple invisible dans l'Occident païen / Catherine Rager
La gargouille de Notre-Dame de Paris, dessinée par Viollet-le-Duc, peut en effet évoquer une stryge, créature fantastique, vampire tenant de la femme et de la chienne. C'est le graveur Charles Meryon qui l'a baptisé ainsi :
Le Stryge : ce nom propre est celui d’une sculpture installée en hauteur sur une balustrade à l’angle de la tour nord de la cathédrale de Paris vers 1850 lors de la restauration entreprise par Viollet-le-Duc et Lassus. Des cinquante-quatre « bêtes » sculptées d’après Viollet-le-Duc, c’est la seule qui soit ainsi individualisée. Son nom provient de la légende d’une gravure de Charles Meryon la représentant.
L’eau-forte de Meryon (11,5 x 11,6 cm) a été précédée de plusieurs dessins préparatoires qui permettent d’en connaître la genèse, bien analysée par Eugenia Parry Janis, et a donné lieu à différents états. Le travail par zones des dessins est très intéressant car il met en évidence le rapport entre les motifs et le fond, où les reliques médiévales prennent de l’importance dans le tissu urbain. Cette liberté de l’assemblage des motifs est l’une des possibilités qu’offre une gravure par rapport à une photographie, contrainte par les contingences de l’angle de la prise de vue.
L’apport du graveur a l’histoire du Stryge tient notamment à ce qu’il lui a donné son nom, transformant ainsi l’une des chimères de la galerie en un personnage isolé par sa composition.
Lire aussi : Chimères et Stryge / Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie
source : De Notre-Dame de Paris au Stryge : l’invention d’une image / Ségolène Le Men
Bonne journée.
Voici ce qu'indique le Dictionnaire historique de la langue française publié sous la direction d'Alain Rey concernant l'étymologie et l'origine du mot stryge :
En complément, ces deux extraits :
Stryge (à la grecque) ou Strige (latin) :
La striga latine, dérivé de strix, est un emprunt au grec strygs, strygos, qui désigne très concrètement un oiseau de nuit. Ceux-ci sont de bons fournisseurs du bestiaire diabolique et, dès l'Antiquité, telle la harpie, la striga est un spectre, candidat au démonisme selon le christianisme.
Le mot latin, dans les "capitulaire" de Charlemagne, est donné pour syonyme de masca, "masque", ce qui est le sens de larva. La stryge est donc un fantôme, et ce nom, en Russie, équivaut à celui de vampire.
Si les stryges ont pu être diabolisées par les peuples germaniques, aux IVe et Ve siècles, leur existence littéraire est d'abord latine. Dans le Satyricon, ce sont des monstres qui dérobent les jeunes cadavres et les remplacent par un simulacre fait de paille.
Le flottement entre esprit démoniaque et humain rappelle l'identification, aux XVe et XVI siècles, des sorcières à d'autres spectres, les lamies. Et ce sera chose faite au XXe siècle, avec la série télévisée états-unienne Supernatural, où les stryges sont de vieilles sorcières qui absorbent l'énergie vitale de jeunes humains.
Le mot gréco-latin, enfin, est à l'origine du vocable italien strega, pluriel streghe, appellation la plus courante pour ce que le français nomme sorcière et l'anglais witch.
source : Dictionnaire amoureux du diable / Alain Rey
Stryge (strige) : Sorcière qui possède des ailes et des griffes semblables à celles des rapaces. Elle tient du vampire et de la chienne, elle est fornicatrice et anthropophage. Elle tire du lait de n'importe où : vaches, moutons, mais aussi d'objets en bois, des solives auxquelles elle applique un coup de fourche. Elle se nourrit à l'occasion des entrailles de petits enfants, puis elle remplace leur cadavre par une poupée de paille. [...] La stryge, au Moyen-Âge, est, comme la sorcière, une vieille femme d'apprence normale mais habitée par le Diable. [...]
L'origine du mot est d'ailleurs le latin striga, "sorcière", et strix désignait un démon-oiseau qui suçait le sang. Les mots strigoi, en Roumain strouga en Bulgare, sont aussi apparentés au verbe crier. Ils désignet les soricaers, mais aussi le loup-garou, le vampire, avec lesquels la stryge partage le goût du sang ; vivante, elle est soeur du loup-garou, morte, celle du vampire.
source : Dictionnaire des fées : et du peuple invisible dans l'Occident païen / Catherine Rager
La gargouille de Notre-Dame de Paris, dessinée par Viollet-le-Duc, peut en effet évoquer une stryge, créature fantastique, vampire tenant de la femme et de la chienne. C'est le graveur Charles Meryon qui l'a baptisé ainsi :
Le Stryge : ce nom propre est celui d’une sculpture installée en hauteur sur une balustrade à l’angle de la tour nord de la cathédrale de Paris vers 1850 lors de la restauration entreprise par Viollet-le-Duc et Lassus. Des cinquante-quatre « bêtes » sculptées d’après Viollet-le-Duc, c’est la seule qui soit ainsi individualisée. Son nom provient de la légende d’une gravure de Charles Meryon la représentant.
L’eau-forte de Meryon (11,5 x 11,6 cm) a été précédée de plusieurs dessins préparatoires qui permettent d’en connaître la genèse, bien analysée par Eugenia Parry Janis, et a donné lieu à différents états. Le travail par zones des dessins est très intéressant car il met en évidence le rapport entre les motifs et le fond, où les reliques médiévales prennent de l’importance dans le tissu urbain. Cette liberté de l’assemblage des motifs est l’une des possibilités qu’offre une gravure par rapport à une photographie, contrainte par les contingences de l’angle de la prise de vue.
L’apport du graveur a l’histoire du Stryge tient notamment à ce qu’il lui a donné son nom, transformant ainsi l’une des chimères de la galerie en un personnage isolé par sa composition.
Lire aussi : Chimères et Stryge / Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie
source : De Notre-Dame de Paris au Stryge : l’invention d’une image / Ségolène Le Men
Bonne journée.

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