Réponse de Cap’Culture Santé :
Bonjour,
En
janvier 2014 l’inserm a publié un rapport intitulé : «
Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique ». Expertise scientifique réalisée par l'unité Inserm U669 à la demande du Ministère de la Santé (Direction Générale de la Santé). Janvier 2014.
Nous vous livrons ci-dessous le résumé
Le jeûne est une pratique ancienne, qui trouve actuellement un regain d’intérêt dans des contextes très variables : du rituel religieux à la pratique médicalisée en passant par le simple choix de vie.
Le terme jeûne englobe plusieurs types de pratique : jeûne complet (seule l’eau est permise), jeûne partiel (apport calorique très modeste, autour de 300 kcal/jour), jeûne continu ou jeûne intermittent.
En France, contrairement à d’autres pays d’Europe, le jeûne à visée préventive ou thérapeutique n’est pas à ce jour proposé dans un cadre médicalisé.
Jeûner induit des modifications métaboliques qui pourraient être utilisées à bon escient dans diverses situations pathologiques. Cependant, aucune donnée clinique reposant sur des essais méthodologiques rigoureux ne peut étayer aujourd’hui le bien-fondé de cette piste, qui reste donc pour l’instant essentiellement théorique.
Il faut toutefois noter la grande difficulté qu’il y a ici, encore plus qu’ailleurs, à réaliser des essais thérapeutiques conformes aux canons du méthodologiquement correct. Par exemple, arrêter partiellement ou non de s’alimenter pour « aller mieux » résulte souvent d’un cheminement personnel profond ; il n’est donc pas aisé de le décider à l’issue d’un tirage au sort.
Ainsi, seulement quatre études respectant le principe de la randomisation ont été retrouvées dans la littérature internationale traitant du sujet, dont une seule méthodologiquement bien menée : il s’agit d’un essai réalisé en 1991 sur 53 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Cet essai est positif (i.e. en fin d’essai les patients du groupe « jeûne » allaient mieux que les patients du groupe 3 contrôle, sans intervention nutritionnelle), mais le fait qu’il ait été réalisé sur un si petit nombre de sujets et n’ait pas été répliqué ne permet pas de conclure avec un minimum de confiance que le jeûne est une pratique intéressante dans un tel contexte. D’autres études (non randomisées) présentant des analyses comparatives intergroupes ont été réalisées sur l’efficacité du jeûne dans la polyarthrite rhumatoïde, mais avec un bras contrôle différent, à savoir le régime méditerranéen. Ces études n’ont pas retrouvé de supériorité du jeûne. Concernant les autres indications traitées dans ce rapport (pathologies chroniques, facteurs de risque cardio-vasculaire, obésité, sommeil, cancer), les études analysées ne permettent pas non plus de conclure, de par leur faible nombre, leur faible effectif, et leurs qualités méthodologiques discutables. Comme toujours, de nouvelles études doivent être réalisées, et certaines sont d’ailleurs en cours, en particulier sur l’utilisation du jeûne en cancérologie, utilisé pour limiter les effets secondaires des chimiothérapies.
Enfin, soulignons que si la pratique du jeûne encadré médicalement semble globalement peu dangereuse, des risques réels existent dans des contextes différents et la plus grande prudence est alors de mise.
Au total, le jeûne est une pratique complexe à évaluer, en particulier car il fait référence à d’autres dimensions que la seule dimension thérapeutique, et est souvent associé à une philosophie de vie. Les études qui s’intéressent au jeûne en tant que pratique thérapeutique sont à ce jour encore peu nombreuses et leur qualité méthodologique est souvent insuffisante et surtout limitée par la dimension particulière du jeûne. D’autres études sont nécessaires, ainsi qu’une réflexion autour de la méthodologie la plus adéquate et la plus pertinente pour réaliser de telles études.Le texte intégral du rapport de l’inserm est consultable en ligne [pdf].
Voir aussi le résumé de l’étude que vous trouverez dans cette fiche du ministère de la santé
Le jeûne à visée préventive ou thérapeutique[pdf] : dont l’objectif est de vous éclairer sur le contenu, les limites voire les dangers de cette pratique.
Un dossier documentaire en ligne réalisé en 2014 sous wordpress qui ressemble à un travail d’étudiants, propose un une synthèse intéressante sur le jeûne thérapeutique : notamment
le positionnement des acteurs de la controverse et le
le rapport aux études scientifiquesJEUNE Thérapeutique et traitement des CANCERSDans le magazine grand public de l’inserm,
Science et santé[pdf], mai-juin 2014, p. 40-41, un chercheur en biologie cellulaire, un épidémiologiste et un cancérologue
examinent la pratique du jeûne thérapeutique comme une piste qui, malgré ses risques, présenterait un réel intérêt médical dans le traitement des cancers (notamment une meilleure tolérance aux traitements de chimiothérapie).
Lire également le
point sur le jeûne thérapeutique et ses effets combinés à la chimiothérapie réalisé par l’Unité cancer environnement du Centre Léon Bérard.
A retrouver dans nos collections sur le sujet :
•
Le jeûne, une nouvelle thérapie ? / un film de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade. Via Découvertes Production, 2012
•
Le jeûne, une nouvelle thérapie ?[Livre]/ Thierry de Lestrade. Arte Editions Paris : La Découverte, impr. 2013
Cordialement,
L’équipe Cap’Culture Santé.
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