Noms des jeux d'orgue à la fin du Moyen Âge

Réponse du Département Musique

Bonjour,

Votre question est effectivement très pointue, et nous allons essayer de vous donner des pistes dans votre recherche. Pour ce faire, nous avons consulté différentes sources sur l’histoire de l’orgue et de sa facture, dont vous trouverez la bibliographie à la fin de cette réponse.

Tout d’abord, nous allons essayer de préciser le vocabulaire utilisé pour décrire les différentes parties de l’orgue.

- En effet, les jeux sont constitués de plusieurs rangées de tuyauterie, et chaque tuyau n’émet qu’une seule note. En général, les jeux ont le même nombre de tuyaux.
-La soufflerie produit le vent permettant d’alimenter les tuyaux.
-Le clavier est constitué de touches qui actionnent une soupape permettant de faire passer l’air.
-Le sommier répartit le vent entre les différents jeux : pour que le musicien puisse sélectionner les jeux qu’il souhaite utiliser il actionne des registres (glissières coulissantes).

Revenons-en à l’histoire de cet instrument : d’après nos sources, c’est en 270 avant JC que Ktésibios invente l’orgue hydraulique primitif, et c’est dès ce moment qu’il définit la notion de jeu, qui existait donc déjà à cette époque :

« l’idée du registre, dispositif destiné à commander l’accès du vent à une rangée de tuyaux, fait intervenir le concept de jeu dont procède la notion même d’orgue ; c’est en effet pour remplacer le souffle de l’aulète par le vent d’une soufflerie mécanique que l’ingénieur Ktésibios a eu l’idée de substituer l’aulos, tuyau sonore produisant une gamme de n notes de même timbre, une série de n tuyaux à sons fixes émettant dans leur ensemble la même gamme de notes : la notion de jeu était née. » [1]

Selon les sources que nous avons consultées, la notion de registre émerge au 1er siècle avant JC dans le texte De Architectura de Vitruve au sujet de l’hydraulus : un trou supplémentaire est alors créé dans la glissière pour accentuer les aigus ou les graves. Vitruve décrit alors un sommier à registres, qui est divisé en 4, 6 ou 8 compartiments : les glissières (appelées plinthides) servent à ouvrir ou fermer l’entrée d’air dans les tuyaux, ce qui permet une répartition du vent dans les différents jeux.



Cette invention permet de moduler les médiums, graves et aigus ainsi que le timbre : on peut d’ores et déjà parler d’un jeu expressif grâce à cette technique.



C’est ensuite avec la découverte de l’Hydra d‘Aquincum en 228 après JC qu’on peut trouver trace de registres : ce petit orgue à soufflet possède 4 jeux de 13 tuyaux et 13 glissières percées chacune de 4 trous. Il y a une similitude entre ces glissières et les plinthides décrites par Vitruve : la voix de l’orgue peut être modulée par l’utilisation de ces registres présents dans le sommier.



C’est à l’époque carolingienne que l’art de la facture d’orgue réapparaît, avec la (re)découverte de textes hellénistiques conservés dans les monastères : l’instrument se développera alors à nouveau jusqu’à atteindre une généralisation du grand orgue d’église au XIIIe siècle dans toute l’Europe. Au Xe, siècle, un poème lyrique d’un moine de l’abbaye de Winchester évoque la présence de registres dans les orgues, qui s’appellent alors linguae : une vingtaine de glissières percées de 10 trous, c’est le retour des plinthides décrites par Vitruve, qui permettent d’actionner les différents jeux de l’orgue. On peut donc dire que dès cette époques certains orgues possèdent des registres permettant d’actionner des jeux, ce qui développe l’expressivité de l’instrument.

En revanche, nous ne trouvons pas d’information précise concernant le nom de ces jeux. Dans son ouvrage Jeux d’orgues et registration, que nous vous invitons à consulter, Patrick Dumontel décrit les différents modes de jeux et leurs appellations, mais ne remonte pas avant le XVIe siècle. En revanche, on peut appeler « mixture » le mélange de plusieurs jeux.

Une littérature riche et pointue est dédiée à cet instrument complexe : nous vous invitons à approfondir le sujet en consultant les passionnants ouvrages suivants.

- [1] 2000 ans d'orgues [Livre] : de Ktésibios à Jean-Sébastien Bach : d'Orient en Occident, l'étonnant destin d'une machine gréco-romaine, Jean-Marie MARTINET

-Les orgues gothiques : actes du colloque de Royaumont, 1995 / sous la direction de Marcel Pérès

-Jeux d'orgues et registration, Patrick DUMONTEL

-Orgue : Volume 1 : Méthodes - Ouvrages sur la facture - Ouvrages sur le mélange de jeux - Préfaces - Extraits d'ouvrages généraux - Dictionnaires et encyclopédies – Cérémonials

Vous pouvez aussi consulter la liste des documents sur l'orgue présents à la Bibliothèque Municipale de Lyon.

Nous espérons que ces différentes pistes répondrons en partie à votre question et vous souhaitons une bonne journée,