Question d'origine :
Bonjour,
Je voudrai être conseillé sur des ouvrages traitant de l'histoire anthropologique des chefs, dirigeants, rois, empereurs, seigneurs... Quels sont les devoirs et les qualités d'un chef, depuis les tribus primitives de la préhistoire, en passant par les cultures du néolithique, les civilisations de l'Antiquité, du Moyen-Age, etc. Y a-t-il des impératifs sociaux universels sur les devoirs du commandement, devoirs imposés aux chefs et aux rois par la tribu, par le peuple, et que l'on retrouve, dans des lignes générales, chez toutes les sociétés ? Par exemple, la volonté du bien commun, ou l'exemplarité des moeurs et des valeurs chez la figure de commandement.
Déjà, j'aimerai nommer la discipline qui serait susceptible d'étudier ce thème particulier, est-ce de l'anthropologie politique ? Dans ce cas, est-ce que le livre de Georges Balandier Anthropologie Politique, pourrait correspondre à mes recherches ?
Très cordialement - Stéphane
Réponse du Guichet

Bonjour,
L’article de l’Encyclopaedia Universalis, « POLITIQUE : Le pouvoir politique » répond à certaines questions que vous vous posez, mais nous ne pouvons vous le retranscrire dans son intégralité. Si vous êtes lyonnais et abonné à la Bibliothèque municipale de Lyon, vous pouvez consulter gratuitement cette encyclopédie.
En voici quelques extraits :
La lutte pour le pouvoir est au centre de la vie politique : selon les sociétés et les régimes, des partis, des factions, des clans ou des familles se battent pour prendre le pouvoir ou s'y maintenir. La réflexion sur le pouvoir est au centre de la philosophie politique : depuis Platon, elle ne cesse de se demander comment et à quelles conditions un ou plusieurs hommes peuvent gouverner toute une cité. Du procès de Socrate à l'affaire Dreyfus et aux purges staliniennes, des tueries de César Borgia aux camps de concentration hitlériens, le scandale de l'abus de pouvoir renouvelle toujours l'interrogation sur ce qui justifie le pouvoir politique et sur ce qui pousse tant d'hommes à risquer leur vie ou à l'user pour conquérir le pouvoir et l'exercer. Si l'on en croit Alain, les hommes libres « savent bien que tout pouvoir abuse et abusera » (politique, LXVII). Et pourtant, même si l'on en rêve parfois, on ne conçoit pas de société humaine sans pouvoir.
[…]
Un groupe est un ensemble de personnes qui ont entre elles des rapports réglés, relatifs à une ou plusieurs activités communes. Les actions collectives et la coordination des conduites individuelles qu'elles impliquent, l'établissement et l'application des règles exigent que des décisions soient prises et exécutées. Le pouvoir est l'ensemble des processus et des rôles sociaux par lesquels sont effectivement prises et exécutées ces décisions qui engagent et obligent tout le groupe.
Selon les groupes, les sociétés et les cultures (et parfois, pour un même groupe, selon le genre d'activité), la manière de décider varie, ainsi que les voies et moyens d'exécution.
[…]
Les détenteurs du pouvoir politique assurent généralement l'exécution de leurs décisions par un mélange, en proportions variables, d'autorité et de coercition. Pour soumettre les personnes ou les groupes récalcitrants aux règles prescrites, aux jugements rendus et aux ordres donnés pour l'action collective, ils ont recours aux instruments de la puissance publique : armée, police, milice ou, dans certaines civilisations, sorciers, rites d'appel aux forces surnaturelles ou à la colère des dieux, d'immolation ou d'exécration.
[…]
Le pouvoir politique ne peut être uniquement ni indéfiniment coercitif et répressif. L'obéissance est consentie aux commandements des gouvernants dans la mesure où les gouvernés croient que leur pouvoir est légitime. Les principes de légitimité varient selon les civilisations, les sociétés et les idéologies. On peut justifier le pouvoir politique par la possession de la puissance magique (le mana), par la volonté des ancêtres, des dieux ou de Dieu, par l'ordre cosmique, par la souveraineté du peuple, par l'indépendance nationale, par la dictature du prolétariat, par la supériorité d'une race ou d'une caste, par la compétence, par les qualités exceptionnelles attribuées à une personne, etc. Dans tous les cas, la doctrine de légitimité, qui assure le soutien des autorités publiques par la plupart des membres importants d'une communauté politique (D. Easton, A Systems Analysis of Political Life), se réfère à des valeurs fondamentales, à ce qui est sacré pour une culture déterminée.
[…]
dans la plupart des sociétés humaines, le pouvoir politique est exercé par des personnes ou par des groupes organisés auxquels est reconnu spécialement le droit de décider et de commander souverainement : les gouvernants. Ce pouvoir médiatisé peut être soit individualisé, soit institutionnalisé. Il est individualisé quand celui qui exerce le pouvoir le possède comme un bien propre dont il peut user et abuser à sa guise, sans être astreint à observer des règles préétablies. La volonté du chef, du seigneur ou du prince fait toute loi et n'est elle-même obligée par aucune loi.
Pour J.W. Lapierre, dans son ouvrage « le pouvoir politique » :
Le Pouvoir politique se présente concrètement sous une grande variété de formes, qui résultent d’une composition, originale en chaque société civile, de trois types (immédiat*, individualisé, institutionnalisé).
*(dans certaines sociétés dites archaïques)
Votre recherche porte plutôt sur le pouvoir individualisé :
Le Pouvoir politique, détenu par un homme ou par plusieurs, est exercé par eux et considéré par tous comme un droit de propriété. Le Pouvoir souverain appartient à un ou des individus en raison de qualités ou de privilèges dont les autres membres sont dépourvus : le « mana » (puissance d’action personnelle et magique sur les forces naturelles), le talent militaire, l’inspiration religieuse (rois-prêtres), la propriété du sol (féodalité médiévale) ou des ressources alimentaires (chefs des tribus à potlach) peuvent ainsi jouer un rôle dans l’appropriation privée du Pouvoir.
Le même auteur, dans « Essai sur le fondement du pouvoir politique» indique :
Les philosophes ont depuis longtemps mis en relief l’importance considérable du prestige dans la vie politique, pour la conquête et la conservation du pouvoir : prestige religieux, prestige magique, prestige militaire, prestige moral, prestige de la richesse, etc.
Aristote, qui distingue le roi du tyran en opposant l’obéissance consentie au premier à la contrainte qu’impose le second.
Georges Balandier dans « Anthropologie politique » reprend les distinctions établies par Max Weber, une référence pour votre questionnement :
Max Weber établit une typologie distinguant les types (idéaux) de domination légitime : la domination légale qui est de caractère rationnel ; la domination traditionnelle qui a pour base la croyance du caractère sacré des traditions et à la légitimité du pouvoir détenu conformément à la coutume ; la domination charismatique qui est de caractère émotionnel et suppose la confiance totale faite à un homme exceptionnel, en raison de sa sainteté, de son héroïsme, ou de son exemplarité.
Pour aller plus loin dans la pensée de Max Weber, nous vous conseillons la lecture des ouvrages où il expose ces théories :
Economie et société, chap. 3 et La domination
Des présentations en ligne peuvent également éclairer votre réflexion :
- Max Weber et la domination
- La « sociologie de la domination » de Max Weber à la lumière de publications récentes, Hubert Treiber
Un autre auteur classique, Georges Dumézil, peut vous intéresser, notamment son ouvrage :
Mythes et dieux des indo-européens, où il développe la théorie des trois fonctions.
Vous trouverez quelques éclaircissements dans les articles :
Fonctions tripartites indo-européennes, Wikipédia
Le roi indo-européen et la synthèse des trois fonctions, Daniel Dubuisson
Pour les sociétés non indo-européennes, l’article :
Chefferie, anthropologie de l’Encyclopédie universelle nous a paru éclairant, ainsi que pour l’Afrique en particulier, le texte Des ancêtres fondateurs aux Pères de la nation, Harris Memel-Fotê ; Conférences Marc Bloch, 1991.
Pierre Clastres est aussi un auteur souvent cité pour l’analyse de ce qu’il nomme les « sociétés sans états » : La société contre l’état, Pierre Clastres. Extrait dans cettebrochure en ligne.
Il s’agit donc à la fois de philosophie, de sociologie et d’anthropologie politiques et l’ouvrage de Balandier est en effet un de ceux qui peuvent vous apporter des éléments de réflexion.
Comme vous pouvez le constater, les auteurs cités se sont davantage penchés sur les « qualités » du gouvernant, les causes de sa légitimité, que sur ses devoirs. Il apparait à travers ces lectures que, de même qu’il est difficile d’établir un « type universel » de gouvernant, les devoirs du gouvernant dépendent à la fois de sa légitimité et de l’ampleur de ses pouvoirs.
Vous pourrez aussi trouver tous les détails des différentes formes de pouvoir et une petite histoire de l’anthropologie politique et des ouvrages essentiels dans :
Anthropologie politique, Claude Rivière.
Bonnes lectures !
L’article de l’Encyclopaedia Universalis, « POLITIQUE : Le pouvoir politique » répond à certaines questions que vous vous posez, mais nous ne pouvons vous le retranscrire dans son intégralité. Si vous êtes lyonnais et abonné à la Bibliothèque municipale de Lyon, vous pouvez consulter gratuitement cette encyclopédie.
En voici quelques extraits :
La lutte pour le pouvoir est au centre de la vie politique : selon les sociétés et les régimes, des partis, des factions, des clans ou des familles se battent pour prendre le pouvoir ou s'y maintenir. La réflexion sur le pouvoir est au centre de la philosophie politique : depuis Platon, elle ne cesse de se demander comment et à quelles conditions un ou plusieurs hommes peuvent gouverner toute une cité. Du procès de Socrate à l'affaire Dreyfus et aux purges staliniennes, des tueries de César Borgia aux camps de concentration hitlériens, le scandale de l'abus de pouvoir renouvelle toujours l'interrogation sur ce qui justifie le pouvoir politique et sur ce qui pousse tant d'hommes à risquer leur vie ou à l'user pour conquérir le pouvoir et l'exercer. Si l'on en croit Alain, les hommes libres « savent bien que tout pouvoir abuse et abusera » (politique, LXVII). Et pourtant, même si l'on en rêve parfois, on ne conçoit pas de société humaine sans pouvoir.
[…]
Un groupe est un ensemble de personnes qui ont entre elles des rapports réglés, relatifs à une ou plusieurs activités communes. Les actions collectives et la coordination des conduites individuelles qu'elles impliquent, l'établissement et l'application des règles exigent que des décisions soient prises et exécutées. Le pouvoir est l'ensemble des processus et des rôles sociaux par lesquels sont effectivement prises et exécutées ces décisions qui engagent et obligent tout le groupe.
Selon les groupes, les sociétés et les cultures (et parfois, pour un même groupe, selon le genre d'activité), la manière de décider varie, ainsi que les voies et moyens d'exécution.
[…]
Les détenteurs du pouvoir politique assurent généralement l'exécution de leurs décisions par un mélange, en proportions variables, d'autorité et de coercition. Pour soumettre les personnes ou les groupes récalcitrants aux règles prescrites, aux jugements rendus et aux ordres donnés pour l'action collective, ils ont recours aux instruments de la puissance publique : armée, police, milice ou, dans certaines civilisations, sorciers, rites d'appel aux forces surnaturelles ou à la colère des dieux, d'immolation ou d'exécration.
[…]
Le pouvoir politique ne peut être uniquement ni indéfiniment coercitif et répressif. L'obéissance est consentie aux commandements des gouvernants dans la mesure où les gouvernés croient que leur pouvoir est légitime. Les principes de légitimité varient selon les civilisations, les sociétés et les idéologies. On peut justifier le pouvoir politique par la possession de la puissance magique (le mana), par la volonté des ancêtres, des dieux ou de Dieu, par l'ordre cosmique, par la souveraineté du peuple, par l'indépendance nationale, par la dictature du prolétariat, par la supériorité d'une race ou d'une caste, par la compétence, par les qualités exceptionnelles attribuées à une personne, etc. Dans tous les cas, la doctrine de légitimité, qui assure le soutien des autorités publiques par la plupart des membres importants d'une communauté politique (D. Easton, A Systems Analysis of Political Life), se réfère à des valeurs fondamentales, à ce qui est sacré pour une culture déterminée.
[…]
dans la plupart des sociétés humaines, le pouvoir politique est exercé par des personnes ou par des groupes organisés auxquels est reconnu spécialement le droit de décider et de commander souverainement : les gouvernants. Ce pouvoir médiatisé peut être soit individualisé, soit institutionnalisé. Il est individualisé quand celui qui exerce le pouvoir le possède comme un bien propre dont il peut user et abuser à sa guise, sans être astreint à observer des règles préétablies. La volonté du chef, du seigneur ou du prince fait toute loi et n'est elle-même obligée par aucune loi.
Pour J.W. Lapierre, dans son ouvrage « le pouvoir politique » :
Le Pouvoir politique se présente concrètement sous une grande variété de formes, qui résultent d’une composition, originale en chaque société civile, de trois types (immédiat*, individualisé, institutionnalisé).
*(dans certaines sociétés dites archaïques)
Votre recherche porte plutôt sur le pouvoir individualisé :
Le Pouvoir politique, détenu par un homme ou par plusieurs, est exercé par eux et considéré par tous comme un droit de propriété. Le Pouvoir souverain appartient à un ou des individus en raison de qualités ou de privilèges dont les autres membres sont dépourvus : le « mana » (puissance d’action personnelle et magique sur les forces naturelles), le talent militaire, l’inspiration religieuse (rois-prêtres), la propriété du sol (féodalité médiévale) ou des ressources alimentaires (chefs des tribus à potlach) peuvent ainsi jouer un rôle dans l’appropriation privée du Pouvoir.
Le même auteur, dans « Essai sur le fondement du pouvoir politique» indique :
Les philosophes ont depuis longtemps mis en relief l’importance considérable du prestige dans la vie politique, pour la conquête et la conservation du pouvoir : prestige religieux, prestige magique, prestige militaire, prestige moral, prestige de la richesse, etc.
Aristote, qui distingue le roi du tyran en opposant l’obéissance consentie au premier à la contrainte qu’impose le second.
Georges Balandier dans « Anthropologie politique » reprend les distinctions établies par Max Weber, une référence pour votre questionnement :
Max Weber établit une typologie distinguant les types (idéaux) de domination légitime : la domination légale qui est de caractère rationnel ; la domination traditionnelle qui a pour base la croyance du caractère sacré des traditions et à la légitimité du pouvoir détenu conformément à la coutume ; la domination charismatique qui est de caractère émotionnel et suppose la confiance totale faite à un homme exceptionnel, en raison de sa sainteté, de son héroïsme, ou de son exemplarité.
Pour aller plus loin dans la pensée de Max Weber, nous vous conseillons la lecture des ouvrages où il expose ces théories :
Economie et société, chap. 3 et La domination
Des présentations en ligne peuvent également éclairer votre réflexion :
- Max Weber et la domination
- La « sociologie de la domination » de Max Weber à la lumière de publications récentes, Hubert Treiber
Un autre auteur classique, Georges Dumézil, peut vous intéresser, notamment son ouvrage :
Mythes et dieux des indo-européens, où il développe la théorie des trois fonctions.
Vous trouverez quelques éclaircissements dans les articles :
Fonctions tripartites indo-européennes, Wikipédia
Le roi indo-européen et la synthèse des trois fonctions, Daniel Dubuisson
Pour les sociétés non indo-européennes, l’article :
Chefferie, anthropologie de l’Encyclopédie universelle nous a paru éclairant, ainsi que pour l’Afrique en particulier, le texte Des ancêtres fondateurs aux Pères de la nation, Harris Memel-Fotê ; Conférences Marc Bloch, 1991.
Pierre Clastres est aussi un auteur souvent cité pour l’analyse de ce qu’il nomme les « sociétés sans états » : La société contre l’état, Pierre Clastres. Extrait dans cettebrochure en ligne.
Il s’agit donc à la fois de philosophie, de sociologie et d’anthropologie politiques et l’ouvrage de Balandier est en effet un de ceux qui peuvent vous apporter des éléments de réflexion.
Comme vous pouvez le constater, les auteurs cités se sont davantage penchés sur les « qualités » du gouvernant, les causes de sa légitimité, que sur ses devoirs. Il apparait à travers ces lectures que, de même qu’il est difficile d’établir un « type universel » de gouvernant, les devoirs du gouvernant dépendent à la fois de sa légitimité et de l’ampleur de ses pouvoirs.
Vous pourrez aussi trouver tous les détails des différentes formes de pouvoir et une petite histoire de l’anthropologie politique et des ouvrages essentiels dans :
Anthropologie politique, Claude Rivière.
Bonnes lectures !
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