Question d'origine :
Bonjours à tous et toutes,
On connait tous la célèbre question que T.Ardisson posa a M.Rocard lors d'une ancienne émission où l'on pouvait à cette époque poser ce type de question à la télévision : " Sucer est-ce tromper ?"
1/ Se masturber est-ce tromper ?
2/ Se masturber à l'aide d'un magazine spécialisé, une image suggestive etc...est-ce tromper?
3/ Se masturber en pensant à une personne réelle que l'on connait personnellement ou non ( une personnalité) est-ce tromper ?
Merci
PS : Si possible pouvez vous nous rappeler la réponse de l'ancien ministre?
Réponse du Guichet

Bonjour,
Il est impossible de donner une réponse univoque à votre question, mais nous tâcherons d'approcher le sujet sous des angles variés.
Tout d'abord, voici la définition de l’adultère que l’on trouve dans l’ouvrage Vocabulaire juridique [Livre] sous la direction de Gérard Cornu ; édition, Association Henri Capitant :
« Subst. masc. – Lat. adulterium.
Faut pour un époux d’avoir des relations sexuelles avec une autre personne que son conjoint qui, en tant que violation du devoir de fidélité, constitue, aux conditions de l’a. 242 du C. civ, une faute cause de divorce ou de séparation de corps et peut engager la responsabilité civile (mais non plus pénale) de son auteur. »
La masturbation, en tant que telle, n’est donc pas, au regard du droit, considérée comme une tromperie… sauf, peut-être, si elle est pratiquée avec, ou devant, une tierce personne ! C’est d’ailleurs seulement en cas de publicité qu’elle peut faire l’objet de poursuites, comme le rappelle le site legadroit:
« La masturbation n’a jamais été interdite par la loi néanmoins elle est punie d’emprisonnement lorsqu’elle estpratiquée en public, ou en privé, avec un mineur de moins de 15 ans , même consentant. »
Mais on parlera alors plutôt d’exhibitionnisme et de pédophilie, faits qui nous semblent plus graves que l’adultère tel que défini par l’article 242 du Code civil, lequel précise :
« Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint etrendent intolérable le maintien de la vie commune . »
C’est ici que les choses deviennent complexes, d’autant que, selon le site legavox.fr, il faut distinguer adultère et infidélité :
« L’infidélité s’apparentant plus à une injure pour l’autre époux constitue un manquement à la foi et à la dignité du mariage, même en l'absence d'adultère, il en résulte qu'un conjoint qui ne pourrait établir l'adultère de l'autre époux peut se contenter d'invoquer les relations outrageantes de cet époux avec des tiers.
Le doyen Carbonnier qualifie la conduite injurieuse d'un époux qui n'a pas été jusqu'à la réalisation de relations sexuelles avec un tiers de "petit adultère".
On pourrait aussi parler d'"adultère virtuel" dans une espèce où l'un des époux "trompait" l'autre assidûment sur l’Internet. »
Le mot « assidûment » est ici d’une importance décisive, car il y a aussi une question de degré : ainsi un jugement du 14 novembre 2007 a retenu « une fréquentation soutenue et injurieuse d'Internet sur des sites de rencontres ou pornographiques » comme faute de la part d’un époux (voir la jurisprudence sur legifrance.gouv.fr)
Cependant, dans toutes les sources que nous avons consultées, force est de constater qu’une inscription sur des sites de rencontre ne pose problème que dans la mesure où elle laisse supposer que le conjoint s’apprête à commettre l’adultère, et que la pratique de sites ou de revues pornographiques se fait devant le ou la conjoint(e) et/ou a des conséquences sur la vie de couple ou la santé de ses membres , comme le fait comprendre l’avocate Violette Gorny, interrogée par lexpress.fr :
«Certaines femmes viennent me voir et me disent: « Il lit des revues pornos, regarde des cassettes et m'empêche de dormir la nuit.? D'autres, au contraire, se désolent: ?Il ne m'a pas touchée depuis trois ans...?»
L’un n’empêchant pas l’autre, évidemment.
Sans être juristes, il nous semble donc que la notion d’ « injure pour l’autre époux » constituant un « manquement à la foi et à la dignité du mariage » est à apprécier au cas par cas, et dépend, dans une large mesure de la base sur laquelle votre couple est bâti – et, bien évidemment, des opinions philosophiques et religieuses de chacun.
Car, contrairement aux anciens Egyptiens qui pensaient que de la masturbation du dieu Atoum était sortie la création (source : universalis-edu.com), les religions abrahamiques sont d’accord pour condamner la sexualité solitaire… en raison notamment d’un épisode biblique dont on trouve la trace jusque dans une innocente définition du Dictionnaire historique de la langue française :
« ONANISME : n.m. est dérivé (1760) au moyen du suffixe –isme du nom de Onan, personnage de la Bible qui, contraint par la loi du lévirat d’épouser la veuve de son frère, refusa une postérité à celle-ci en « laissant perdre à terre » sa semence (Genèse, 38, 6-10). Dieu le fit mourir pour ce péché ».
Aussi la masturbation souffre-t-elle d’un triple interdit judéo-christiano-islamique – on comprendra dès lors que pour certains croyants, se masturber reviennent à tromper, non pas son conjoint, mais sa divinité…Cependant, c’est peut-être moins les monothéisme que le scientisme naissant du début du XVIIIè siècle qui a discrédité la pratique. C’est du moins ce que suggère un article de lexpress.fr consacré à l’ouvrage Le sexe en solitaire : contribution à l'histoire culturelle de la sexualité de l’historien Thomas Laqueur :
« Jusqu'au XVIIIe siècle, en effet, la masturbation ne paraît guère poser de problème. Dans la hiérarchie des péchés de chair du christianisme, elle passe pour le moins grave. L'onanisme est introduit sur la scène culturelle occidentale en deux temps. D'abord en Angleterre, «lieu de naissance de la littérature antimasturbatoire», au début des années 1700, sous la forme d'un traité de 88 pages, Onania, oeuvre anonyme d'un charlatan et pornographe avide de profit. Le succès du livre, constamment réédité, se nourrit de la description de ce qu'il dénonce. Sur le continent, le Dr Tissot, esprit gagné aux idées nouvelles, prend le relais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle: best-seller international, son ouvrage L'Onanisme décrit les ravages de la pratique. Le mot rebaptise une pratique ancienne, mais il ne fait référence intéressée à l'Ancien Testament que pour le trahir. Car, en jetant sa semence à terre pour ne pas engendrer, Onan a «déjoué la fin de la nature» dans le cadre d'un rapport à deux. L'histoire d'Onan est un conte moral enjoignant la procréation. »
Il en sera donc selon votre sensibilité et vos convictions. Car, pour d’autres, la masturbation, y compris dans le couple, apparaît comme très « tendance » : “Stop à l’auto-flagellation ! », proclame ainsi Emilie Cailleau sur topsante.com : « On ne trahit ni ne trompe son partenaire en se masturbant. Le fait de fantasmer sur un inconnu lorsqu’on se masturbe ne doit pas nous faire culpabiliser, bien au contraire. », tandis que la chroniqueuse Alexia Bacouël sur nouvelobs.com considère que « cette pratique est absolument inoffensive et qu’elle fait partie intégrante d’une sexualité active et épanouissante ».
Quant à la réponse du regretté Michel Rocard à la question « Et sucer, c’est tromper ? » du toujours élégant Thierry Ardisson, vous aurez la joie de la redécouvrir vers 3’10’’ de cette vidéo.
Elle tient en deux mots : « Non plus ».
Bonne journée.
Il est impossible de donner une réponse univoque à votre question, mais nous tâcherons d'approcher le sujet sous des angles variés.
Tout d'abord, voici la définition de
« Subst. masc. – Lat. adulterium.
Faut pour un époux
La masturbation, en tant que telle, n’est donc pas, au regard du droit, considérée comme une tromperie… sauf, peut-être, si elle est pratiquée avec, ou devant, une tierce personne ! C’est d’ailleurs seulement en cas de publicité qu’elle peut faire l’objet de poursuites, comme le rappelle le site legadroit:
« La masturbation n’a jamais été interdite par la loi néanmoins elle est punie d’emprisonnement lorsqu’elle est
Mais on parlera alors plutôt d’exhibitionnisme et de pédophilie, faits qui nous semblent plus graves que l’adultère tel que défini par l’article 242 du Code civil, lequel précise :
« Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et
C’est ici que les choses deviennent complexes, d’autant que, selon le site legavox.fr, il faut distinguer adultère et infidélité :
« L’infidélité s’apparentant plus à une injure pour l’autre époux constitue un manquement à la foi et à la dignité du mariage, même en l'absence d'adultère, il en résulte qu'un conjoint qui ne pourrait établir l'adultère de l'autre époux peut se contenter d'invoquer les relations outrageantes de cet époux avec des tiers.
Le doyen Carbonnier qualifie la conduite injurieuse d'un époux qui n'a pas été jusqu'à la réalisation de relations sexuelles avec un tiers de "petit adultère".
On pourrait aussi parler d'"adultère virtuel" dans une espèce où l'un des époux "trompait" l'autre assidûment sur l’Internet. »
Le mot « assidûment » est ici d’une importance décisive, car il y a aussi une question de degré : ainsi un jugement du 14 novembre 2007 a retenu « une fréquentation
Cependant, dans toutes les sources que nous avons consultées, force est de constater qu’une inscription sur des sites de rencontre ne pose problème que dans la mesure où elle laisse supposer que le conjoint s’apprête à commettre l’adultère, et que la pratique de sites ou de revues pornographiques se fait devant le ou la conjoint(e) et/ou
«Certaines femmes viennent me voir et me disent: « Il lit des revues pornos, regarde des cassettes et m'empêche de dormir la nuit.? D'autres, au contraire, se désolent: ?Il ne m'a pas touchée depuis trois ans...?»
L’un n’empêchant pas l’autre, évidemment.
Sans être juristes, il nous semble donc que la notion d’ « injure pour l’autre époux » constituant un « manquement à la foi et à la dignité du mariage » est à apprécier au cas par cas, et dépend, dans une large mesure de la base sur laquelle votre couple est bâti – et, bien évidemment, des opinions philosophiques et religieuses de chacun.
Car, contrairement aux anciens Egyptiens qui pensaient que de la masturbation du dieu Atoum était sortie la création (source : universalis-edu.com), les religions abrahamiques sont d’accord pour condamner la sexualité solitaire… en raison notamment d’un épisode biblique dont on trouve la trace jusque dans une innocente définition du Dictionnaire historique de la langue française :
« ONANISME : n.m. est dérivé (1760) au moyen du suffixe –isme du nom de Onan, personnage de la Bible qui, contraint par la loi du lévirat d’épouser la veuve de son frère, refusa une postérité à celle-ci en « laissant perdre à terre » sa semence (Genèse, 38, 6-10). Dieu le fit mourir pour ce péché ».
Aussi la masturbation souffre-t-elle d’un triple interdit judéo-christiano-islamique – on comprendra dès lors que pour certains croyants, se masturber reviennent à tromper, non pas son conjoint, mais sa divinité…Cependant, c’est peut-être moins les monothéisme que le scientisme naissant du début du XVIIIè siècle qui a discrédité la pratique. C’est du moins ce que suggère un article de lexpress.fr consacré à l’ouvrage Le sexe en solitaire : contribution à l'histoire culturelle de la sexualité de l’historien Thomas Laqueur :
« Jusqu'au XVIIIe siècle, en effet, la masturbation ne paraît guère poser de problème. Dans la hiérarchie des péchés de chair du christianisme, elle passe pour le moins grave. L'onanisme est introduit sur la scène culturelle occidentale en deux temps. D'abord en Angleterre, «lieu de naissance de la littérature antimasturbatoire», au début des années 1700, sous la forme d'un traité de 88 pages, Onania, oeuvre anonyme d'un charlatan et pornographe avide de profit. Le succès du livre, constamment réédité, se nourrit de la description de ce qu'il dénonce. Sur le continent, le Dr Tissot, esprit gagné aux idées nouvelles, prend le relais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle: best-seller international, son ouvrage L'Onanisme décrit les ravages de la pratique. Le mot rebaptise une pratique ancienne, mais il ne fait référence intéressée à l'Ancien Testament que pour le trahir. Car, en jetant sa semence à terre pour ne pas engendrer, Onan a «déjoué la fin de la nature» dans le cadre d'un rapport à deux. L'histoire d'Onan est un conte moral enjoignant la procréation. »
Il en sera donc selon votre sensibilité et vos convictions. Car, pour d’autres, la masturbation, y compris dans le couple, apparaît comme très « tendance » : “Stop à l’auto-flagellation ! », proclame ainsi Emilie Cailleau sur topsante.com : « On ne trahit ni ne trompe son partenaire en se masturbant. Le fait de fantasmer sur un inconnu lorsqu’on se masturbe ne doit pas nous faire culpabiliser, bien au contraire. », tandis que la chroniqueuse Alexia Bacouël sur nouvelobs.com considère que « cette pratique est absolument inoffensive et qu’elle fait partie intégrante d’une sexualité active et épanouissante ».
Quant à la réponse du regretté Michel Rocard à la question « Et sucer, c’est tromper ? » du toujours élégant Thierry Ardisson, vous aurez la joie de la redécouvrir vers 3’10’’ de cette vidéo.
Elle tient en deux mots : « Non plus ».
Bonne journée.
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