Question d'origine :
Bonjour, Je me demande pourquoi la plupart des chanteurs français du 20ème siècle chantent en roulant les "r". Pourriez-vous m'éclairer sur cette question ? Merci d'avance pour votre retour. Cordialement, Brunhilde Chaverot
Réponse du Guichet

Merci pour votre question, qui, si elle n’en a pas l’r, nous a donné du fil à retordre !
Nous avons plusieurs pistes de réponses, qui permettent d’éclaircir cette utilisation du r roulé par les chanteurs français du XXe, notamment jusqu’aux années 60.
En nous référant à l’article « La Leçon de Phonétique de Maurice Chevalier », écrit par Pierre Delattre, nous avons pu distinguer deux façons de prononcer les r à cette époque : l’une est roulée, et l’autre est « grasseyée ».
« Si Chevalier essaie de rouler ses r quand il chante, c’est soit pour se conformer à l’enseignement du « Conservatoire » qui continue à faire loi chez les chanteurs ou les acteurs en terme d’articulation, soit pour faire comme les grands chanteurs qu’il a entendus.
Mais de temps en temps, Maurice Chevalier s’oublie, dans le feu de la mimique, et prononce, en chantant l’r qu’il emploie normalement en parlant. C’est l’r parisien des faubourgs, dit « grasseyé » […] qui ajoute une forte résonnance du pharynx et donne ce caractère « gras » ».
Il y aurait donc un roulement du r hérité de l’apprentissage vocal académique et de la tradition lyrique, et un roulement du r prononcé à la parisienne, "grasseyé", mis à la mode plus tard par Edith Piaf.
Si nous allons plus loin, il faut nous intéresser à la phonétique, et à l’anatomie. Selon Richard Miller, dans Structure du chant, « le son r est celui qui pose le plus de problème aux chanteurs ». Si on souhaite le rouler, la langue doit claquer le palais, alors que le r « grasseyé » nécessite de faire vibrer la luette contre le dos de la langue.
Alors pourquoi ces deux distinctions ? C’est tout simplement que jusqu’au XVIIIe, tout le monde prononçait les r roulés, sans distinction géographique ou sociale : entendre le Bourgeois Gentilhomme de Molière prononcé comme au XVIIe peut être déroutant par rapport à notre français moderne !
Cette prononciation ne sera conservée ensuite que de façon régionale, mais aussi par les acteurs ou les chanteurs. Richard Miller, toujours dans Structure du chant, explique cette utilisation du r roulé par les chanteurs lyriques, qui est plus adaptée à cette technique vocale et à l’expressivité recherchée par les chanteurs, et qui permet d’articuler clairement les paroles de l’œuvre chantée.
Si vous souhaitez aller plus loin, les documents ci-dessous vous permettront de tout savoir sur la riche histoire du r et de sa prononciation.
Structure du chant : pédagogie systématique de l'art du chant / Richard Miller
La Leçon de Phonétique de Maurice Chevalier / Pierre Delattre /The French Review / Vol. 17, No. 2 (Dec., 1943), pp. 99-104
Trouver sa voix / Louis-Jacques Rondeleux
Construire sa voix : le chant, un outil de réalisation de soi / Marie-Jeanne Rodière
Histoire des modes phonétiques du français / Edouard Joseph Matte
Ouvrages sur la voix
Livres sur la phonétique
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