Question d'origine :
Bonjour,
Mes élèves et moi nous sommes posé une question : pourquoi les lettres i et j ont un point ? Il ne peut pas s'agir d'une différenciation avec d'autres lettres ... alors quelle est l'origine de ce point ?
Je sais que vous me donnerez une réponse éclairée.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 12/12/2019 à 09h14
Bonjour,
Longtemps, la représentation des lettres I et J fut une et indivisible en français : comme les lettres U et V, il en existait deux versions, l’une voyelle, l’autre consonne. Pour nos yeux d’aujourd’hui, cela rend la consultation d’un dictionnaire ancien relativement pénible, car tous les mots commençant par I et J (I voyelle et I consonne) sont mêlés. Exemple d’un « ordre alphabétique » d’alors : jambe, ibis, jeu, ignorer, instrument, joaillier, isthme, jumelles. Dans l'Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les mots qui commencent par le I ou par le J sont donc intercalés dans un seul chapitre.
« Plus haut placé que Dieu et sur le ciel assis,
je domine Sion, je domine Paris
Je marche avec l’éclair, précurseur du tonnerre,
Je me trouve en tous lieux, sans être sur la terre. »
Qui suis-je ?
Je suis le « point du i ».
Matthieu Cortat
Quant au point sur le i minuscule, c’est une invention relativement récente, il a seulement sept siècles. Sans lui, la lecture pouvait s’avérer malaisée, surtout pour le latin qui, s’il est écrit en pattes de mouches gothiques, ressemble furieusement à un code-barres. Dans un tel style, un mot comme inuium (« inaccessible ») correspond à onze traits de plume parallèles ! Donc,
L’autre stratégie, en remplaçant des I par des Y – donc ynuyum – le scribe en facilitait ainsi considérablement la lecture. Si les auteurs de l’Encyclopédie n’ont guère considéré le point du i que comme une « inutilité consacrée par l’usage », il a quand même permis aux pointilleux de « mettre les points sur les i » de leurs textes, une pratique qui n’était pas encore de rigueur dans l’écriture courante au milieu du XIXe siècle. Napoléon Bonaparte aurait même confié cette tâche à un secrétaire ad hoc. Le même employé cumulait les fonctions, ayant aussi la charge des accents et de la ponctuation…
De nos jours, avec les caractères modernes sans empattements, la lettre I est parfois difficile à reconnaître, puisqu’elle ressemble à une simple barre verticale et peut donc aisément se confondre avec L. Dans les années 1980, le rédacteur en chef de Vanity Fair, une prestigieuse revue américaine, exigea des rédacteurs qu’ils ne commencent aucun article par un mot dont la première lettre était I. En effet, comme il était de tradition de débuter chaque article par une grosse lettrine, et que la publication utilisait des caractères sans empattement, un très grand I majuscule aurait eu l’air d’un simple trait décoratif…
Pour répondre à votre question, nous avons consulté l’excellent site du Musée de l’imprimerie et de la communication graphique de Lyon, ainsi que l'ouvrage L'esprit de la lettre : la vie secrète de l'alphabet de Thora van Male.
Pour approfondir : Le point du i. Précis d'érudition pointilleuse de Pierre-Michel Bertrand.
Et si vous êtes vraiment motivé : Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, tome XIII, article « Point », 1765.
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