Question d'origine :
Bonjour, La haine, ce virus insidieux, se répand, pas ici et pas partout, passablement sur les réseaux sociaux, comme dans la vie du reste. D'aucuns me disent que cette haine provient d'une révolte. Ma question est simple : la haine est-elle inhérente à la révolte? J'entends bien la consonance dissertation de mon interrogation, je ne vous demande que quelques pistes, références pour mieux nourrir mes réflexions. Merci à vous.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 11/02/2020 à 15h48
Bonjour,
comme vous nous le demandez voici quelques pistes de réflexion concernant votre interrogation. Commençons donc par un ouvrage de philosophie qui développe la définition courante de la haine, ce « Sentiment d'aversion qu'on éprouve pour certaines choses. » (Source Littré ) : ainsi donc dans Les philosophes et la haine Philippe Saltel interroge le sentiment de haine :
la haine est-elle vraiment absolument mauvaise ? Ne peut-on lui répondre que par l'opprobre et la punition ? La tradition philosophique, telle qu'elle est à continuer, nous offre ses propres ressources pour saisir le sens, déterminer la valeur et penser les destins possibles de cette passion, réputée si mauvaise. Ce livre propose une analyse des versions de ce sentiment, une estimation de leurs vices et de leurs vertus, puis l'idée de ce qui peut en être fait ; il propose ensuite une anthologie commentée des grands textes qui leur ont été consacrés. (Source éditeur)
Dans une perspective également philosophique notons le travail d’Olivier Le Cour Grandmaison qui fait un lien perspicace entre révoltes, indignations sociales et décortique les passions violentes en cours dans la société. Dans « Faut il avoir la Haine ? », l’auteur distingue la haine de l’autre entraînant la domination (la colonisation) et " les haines légitimes face à une déréliction sociale et politique qui contribue aussi à les nourrir, voire à les instrumentaliser… ".
Nous pourrions également vous conseiller d’Olivier Le Cour Grandmaison « Haine(s) : philosophie et politique» . Vous trouverez un éclairage supplémentaire sur ce dernier ouvrage dans un article en ligne de la revue Astérion.
En ce qui concerne les affects dans le champ social et politique, deux ouvrages récents qui pourraient également alimenter vos interrogations :
- Passions sociales sous la direction de Gloria Origgi : la philosophe italienne analyse les passions comme la colère, la peur, l’espoir et le ressentiment qui sont pour elle tour à tour des marqueurs d’inégalités sociales : « Dans une société où les inégalités augmentent, les passions augmentent aussi. C'est une espèce de trahison de la démocratie : on se croit tous égaux, on voit bien qu'on ne l'est pas et cela crée du ressentiment.. ». La suite de cet article tiré du numéro du 13 avril 2019 de Libération est à retrouver dans son intégralité sur Europresse avec votre abonnement à la BmL.
-Les affects du politique de François Lordon.
Pour l’auteur, " faire de la politique c’est agir dans l'élément des passions, pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Ainsi les passions, qui peuvent être tristes, génèrent une servitude volontaire. En particulier, on gouverne les multitudes par la peur et la haine". (Source : Le monde des livres du vendredi 25 novembre 2016).
Pour revenir sur la question de la révolte :
Nous vous conseillons la lecture de "L'Homme révolté" d’Albert Camus , pour qui l’homme révolté n’est pas l’homme du ressentiment ou de la haine. La révolte engendre des valeurs mais est également bornée par des limites.
Mais aussi (Afin de confronter différentes réflexions sur la révolte) :
-L'Esprit de révolte de Pierre Kropotkine : Ce texte, publié en 1881, développe une théorie de l'histoire en rupture avec les thèses hégélienne et marxiste. En s'appuyant sur l'analyse de la Révolution française, Kropotkine montre que les acteurs majeurs de cet événement sont les petites gens. Ce sont les gens du peuple et non les élites cultivées qui, par esprit de révolte, développent sans stratégie un activisme qui conduit au changement. (Source éditeur)
-La révolte des masses de José Ortega y Gasset : Publié en Espagne en 1930 sous le titre La rebellion de las masas, ce classique majeur de la littérature intellectuelle européenne développe une critique précoce, prémonitoire et acérée de la montée de l'homme-masse, porteur d'une violence destructrice de la démocratie, conjuguée à celle de l'étatisation de la vie.(Source éditeur)
- Non ! De l'esprit de révolte de Vincent Delecroix
Une approche historique des révoltes sociales peut également être assez éclairante :
-Les primitifs de la révolte dans l'Europe moderne d’Eric J. Hobsbawm
- Histoire des révoltes panafricaines de C.L.R. James
Une histoire des mouvements de résistance des Noirs à travers le monde jusqu'à la décolonisation en Afrique et les revendications pour les droits civiques aux Etats-Unis à la fin des années 1960. (Source éditeur)
- Se révolter si nécessaire : textes & discours (1962-2009) de Howard Zinn
Enfin, pour finir deux autres livres sur la haine mais dans une perspective, cette fois-ci, historique :
- La haine : histoire et actualité sous la direction de Frédéric Chauvaud, Ludovic Gaussot
-Les raisons de la haine, Yann Rodier
Bien entendu vous retrouverez de nombreuses autres références sur notre catalogue et dans nos collections.
Bonnes lectures
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter