Question d'origine :
Bonjour! Madame, Monsieur,
Voici ma question: " Comment s'explique le fait que durant la guerre 39-45, ni Hitler ni Mussolini n'ait tenté d'envahir la Suisse?"
Merci de votre réponse. Bonne journée!
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/02/2020 à 15h09
Bonjour,
Contrairement à ce que vous indiquez dans votre question, les forces de l’Axe avaient imaginé envahir la Suisse.
Bien qu’ayant proclamé sa neutralité à l’ouverture du second conflit mondial, la Suisse a connu de fortes pressions de l’Allemagne… Selon JJ Langendorf et Pierre Streit dans Face à la guerre, l’armée et le peuple suisses 1914-1918 / 1939-1945, dès 1940, « les violations de plus en plus fréquentes de l’espace aérien par les appareils allemands aboutiront à de véritables combats aériens avec les aviateurs suisses, mettant en lice des effectifs importants […]. Le 4 juin marquera l’apogée des affrontements, une véritable bataille aérienne s’engageant dans le ciel helvétique, bataille visiblement provoquée par les Allemands, désireux de donner une leçon aux Suisses ».
L’Etat-Major appréhendait si fort une attaque de l’Axe qu’elle mit en œuvre le « Réduit national », suite à la défaite, catastrophique pour la Suisse, de la France fin juin 1940. Il s’agissait d’un système de fortifications dans les Alpes suisses, imaginé dès le XIXème siècle.
Pierre Streit rappelle d’ailleurs dans son Histoire militaire suisse que « le repli des troupes [dans ce réduit au cœur de la Suisse] ouvre les frontières au seul moment où les Allemands sont, juste après la défaite de la France, en mesure d’occuper la Suisse ».
Ce qui se rapproche le plus d’une tentative planifiée d’invasion de la Suisse est l’opération Tannenbaum : Le dictionnaire historique de la Suisse, édité par l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, explique qu’ « A l'entrée en vigueur de l'armistice franco-allemand (22 juin 1940), la Suisse était entièrement encerclée par les puissances de l'Axe, à l'exception d'une petite partie de la rive du Léman. Irrité par la perte de onze avions allemands, abattus par l'armée suisse sur territoire suisse, Hitler avait mis à l'étude le 23 juin un plan d'attaque (baptisé en octobre 1940 opération Tannenbaum) et ordonné à la 12e armée du général-feld-maréchal Wilhelm List de marcher vers la frontière du Jura. Ce plan prévoyait que le gros de l'armée suisse serait défait sur le Plateau, pendant que des forces italiennes s'empareraient des régions alpines. Sa réalisation fut retardée d'abord par des divergences entre Hitler et Mussolini sur le partage de la proie, puis parce que le Führer eut d'autres préoccupations (bataille d'Angleterre, projets de conquête d'"espace vital" à l'est) ».
Au final, les raisons pour lesquelles la Suisse n’a pas été envahie sont diverses.
On peut notamment mettre en avant le fait que la confédération helvétique n’a jamais constitué pour les forces de l’Axe ni une priorité stratégique, ni un réel danger. En outre, jusqu'au tournant de 1943, « l’Allemagne et ses alliés étaient devenus les principaux destinataires des exportations suisses, en grande partie du matériel de guerre. En 1941-42 on estime que 60 % de l’industrie d’armement, 50% de l’industrie optique et 40 % de l’industrie des machines travaillaient pour le Reich », selon la Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses.
Pour le rédacteur du blog pédagogique clio-texte.clionautes.org, cela ne fait aucun doute : « on peut affirmer que nos relations économiques avec l’Allemagne, en particulier en ce qui concerne les transactions en or effectuées avec la Banque Nationale, ont largement contribué à la préservation de notre intégrité territoriale ».
D’autres éléments de réponses sont disponibles sur le site de questions/réponses quora.com où a été posée sensiblement la même question. Notamment, d’aucuns évoquent le fait que de nombreux dignitaires nazis avaient des biens (souvent pillés) et de l’argent stockés en Suisse.
Pour aller plus loin :
- « La Suisse, les Suisses, la neutralité et le IIIe Reich (1941-1945) », article de Marc Perrenoud paru en 2015 dans la Revue d’histoire de la Shoah.
- La Suisse face aux Nazis, de Stephen P. Halbrook, chez Cabedita.
- La Suisse, l'or et les morts, de Jean Ziegler, au Seuil, 1997.
Bonnes lectures !
Contrairement à ce que vous indiquez dans votre question, les forces de l’Axe avaient imaginé envahir la Suisse.
Bien qu’ayant proclamé sa neutralité à l’ouverture du second conflit mondial, la Suisse a connu de fortes pressions de l’Allemagne… Selon JJ Langendorf et Pierre Streit dans Face à la guerre, l’armée et le peuple suisses 1914-1918 / 1939-1945, dès 1940, « les violations de plus en plus fréquentes de l’espace aérien par les appareils allemands aboutiront à de véritables combats aériens avec les aviateurs suisses, mettant en lice des effectifs importants […]. Le 4 juin marquera l’apogée des affrontements, une véritable bataille aérienne s’engageant dans le ciel helvétique, bataille visiblement provoquée par les Allemands, désireux de donner une leçon aux Suisses ».
L’Etat-Major appréhendait si fort une attaque de l’Axe qu’elle mit en œuvre le « Réduit national », suite à la défaite, catastrophique pour la Suisse, de la France fin juin 1940. Il s’agissait d’un système de fortifications dans les Alpes suisses, imaginé dès le XIXème siècle.
Pierre Streit rappelle d’ailleurs dans son Histoire militaire suisse que « le repli des troupes [dans ce réduit au cœur de la Suisse] ouvre les frontières au seul moment où les Allemands sont, juste après la défaite de la France, en mesure d’occuper la Suisse ».
Ce qui se rapproche le plus d’une tentative planifiée d’invasion de la Suisse est l’opération Tannenbaum : Le dictionnaire historique de la Suisse, édité par l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, explique qu’ « A l'entrée en vigueur de l'armistice franco-allemand (22 juin 1940), la Suisse était entièrement encerclée par les puissances de l'Axe, à l'exception d'une petite partie de la rive du Léman. Irrité par la perte de onze avions allemands, abattus par l'armée suisse sur territoire suisse, Hitler avait mis à l'étude le 23 juin un plan d'attaque (baptisé en octobre 1940 opération Tannenbaum) et ordonné à la 12e armée du général-feld-maréchal Wilhelm List de marcher vers la frontière du Jura. Ce plan prévoyait que le gros de l'armée suisse serait défait sur le Plateau, pendant que des forces italiennes s'empareraient des régions alpines. Sa réalisation fut retardée d'abord par des divergences entre Hitler et Mussolini sur le partage de la proie, puis parce que le Führer eut d'autres préoccupations (bataille d'Angleterre, projets de conquête d'"espace vital" à l'est) ».
Au final, les raisons pour lesquelles la Suisse n’a pas été envahie sont diverses.
On peut notamment mettre en avant le fait que la confédération helvétique n’a jamais constitué pour les forces de l’Axe ni une priorité stratégique, ni un réel danger. En outre, jusqu'au tournant de 1943, « l’Allemagne et ses alliés étaient devenus les principaux destinataires des exportations suisses, en grande partie du matériel de guerre. En 1941-42 on estime que 60 % de l’industrie d’armement, 50% de l’industrie optique et 40 % de l’industrie des machines travaillaient pour le Reich », selon la Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses.
Pour le rédacteur du blog pédagogique clio-texte.clionautes.org, cela ne fait aucun doute : « on peut affirmer que nos relations économiques avec l’Allemagne, en particulier en ce qui concerne les transactions en or effectuées avec la Banque Nationale, ont largement contribué à la préservation de notre intégrité territoriale ».
D’autres éléments de réponses sont disponibles sur le site de questions/réponses quora.com où a été posée sensiblement la même question. Notamment, d’aucuns évoquent le fait que de nombreux dignitaires nazis avaient des biens (souvent pillés) et de l’argent stockés en Suisse.
- « La Suisse, les Suisses, la neutralité et le IIIe Reich (1941-1945) », article de Marc Perrenoud paru en 2015 dans la Revue d’histoire de la Shoah.
- La Suisse face aux Nazis, de Stephen P. Halbrook, chez Cabedita.
- La Suisse, l'or et les morts, de Jean Ziegler, au Seuil, 1997.
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