Question d'origine :
Bonjour,
Dans beaucoup de films ou séries soit disant historiques sur la période médiévale ou alentour, on retrouve des flèches incendiaires, enflammées, de feu ...
Savez vous quelle était sa véritable utilité ou utilisation ?
Et comment elles fonctionnaient ?
Merci de votre aide

Réponse du Guichet

Bonjour,
D’après les sources que nous avons pu trouver, les flèches enflammées ont effectivement fait partie de l’arsenal des guerrier orientaux… de la fin de l’antiquité :
« IV' siècle de notre Ère, Ammien Marcellin écrit: «C'est chez ce peuple [les Mèdes] que se confectionne l'huile médique. La flèche qu'on en imprègne brûle tout objet auquel elle s'attache, pourvu qu'elle soit décochée mollement d'un arc à la corde lâche; car un jet trop rapide annule toute la vertu de la composition. L'eau qu'on emploierait pour éteindre ce feu ne ferait que le rendre plus intense; on n'en triomphe qu'en l'étouffant sous le sable. Voici la recette de cette huile: on prend des feuilles d'une certaine herbe que l'on laisse macérer dans de l'huile commune ; et quand la solution est opérée, on épaissit le résidu avec une substance qui ressemble à de l'huile densé production naturelle du sol, avons-nous dit, et qu'on appelle naphte en langue du pays»
[…]
Ammien Marcellin le note spécialement dans le morceau cité antérieurement ainsi 4ue dans un autre endroit de son oeuvre transcript plus loin. Ce «lancer mou» réduit la portée du projectile. L'addition de salpêtre et de chaux vive constitue le véritable progrès. Sans chercher à établir ici quels furent les auteurs probables de l'innovation et tout en signalant que l'usage du salpêtre à des fins militaires semble avoir été plutôt tardif chez les Arabes 5, nous nous bornerons à constater qu'il constitue un ingrédient précieux. En effet, le salpêtre ou azotate de potassium, en se décomposant sous l'action de la chaleur, dégage une grande quantité d'oxygène, ce qui rend la combustion indépendante de l'apport de l'oxygène atmosphérique et il n'est point facile d'étouffer un feu ainsi alimenté. De plus, le projectile pouvant être lancé avec une forte vitesse initiale, sa portée s'en trouve singulièrement accrue. Quant à l'adjonction de chaux vive, soit seule soit mêlée à divers produits formant pyrophore, elle permet d'obtenir un feu s'allumant en présence de l'eau ce qui outre des avantages spécifiques,
cause un effet psychologique intense. »
(Source : J.-F.FINO, « Le Feu et ses usages militaires », Gladius, 1970, consultable sur Researchgate)
L’auteur de cet article ne cite plus l’arc comme moyen de jet de projectiles enflammés au cours du moyen âge. Certes, l’arc a été une arme de première importance, notamment aux XIVe-XVe siècles. Selon l’ouvrage L'art de la guerre au Moyen Age [Livre] / Renaud Beffeyte ; préf. Philippe Contamine, « son usage était essentiellement guerrier, et son but, un tir, un tir lointain d’attaque. Il était meurtrier à moins de 200 m sur une cotte de mailles et à 100 m sur une armure. » Et de raconter comment les archers anglais écrasèrent les arbalétriers génois à la bataille de Crécy (1346) en faisant pleuvoir sur eux des pluies de flèches – un archer pouvant tirer dix flèches à la minutes, tandis qu’un arbalétrier peinait à recharger une fois sur le même intervalle !
C’est donc surtout pour sa maniabilité et sa rapidité que l’arc a été une arme stratégique, ce qui semble peu compatible avec un « tir mou », permettant le maintien d’un matériau enflammé à la pointe des flèches. Et de fait, nous n’avons trouvé de renseignement sur les flèches enflammées dans aucun des documents sur la guerre médiévale que nous ayons pu consulter… au contraire d’une arme incendiaire d’une portée et d’une puissance de destruction bien supérieures, le feu grégeois :
« Les Grecs et les Byzantins furent sans doute les premiers à se servir de ces « bateaux de feu ». Souvent employée pour intimider l’adversaire, cette arme possédait une capacité destructrice réelle et redoutable, et au cours des batailles sur mer, on en connaît plusieurs modes d’utilisation. Soit il s’agissait d’un « navire incendiaire » - lancé contre les bateaux ennemis il explosait -, soit le feu grégeois était contenu dans des pots projetés à l’aide d’une baliste. La proue pouvait également être dotée d’un long tube qui, tel un lance-flammes contemporain, crachait des gerbes foudroyantes. »
(Source : L'art de la guerre au Moyen Age [Livre] / Renaud Beffeyte ; préf. Philippe Contamine)
Les balistes et arbalète à tour, qu’on peut voir sur un document du Musée du génie d’Angers, sont des armes de siège, montées sur roues, permettant une excellente assise.
Selon un article d’Hitek, qui semble basé sur un compte-rendu d’archéologie expérimentale dont la source n’est hélas pas citée, la déshérence des flèches enflammées au moyen âge était due à des raisons pratiques :
« Les arcs et arbalètes étaient appréciés pour leur distance et leur force de pénétration, capable de blesser sérieusement les soldats avant que la bataille au corps à corps se déchaîne. C'est dans cette optique qu'elles étaient fabriquées : d'une taille idéale avec une pointe en métal qui ne doit pas déséquilibrer le projectile. Il existe plusieurs types de flèches enflammées : les premières sont les plus proches des flèches traditionnelles, avec une "cage" pour y glisser un objet enflammé.
Imaginez un tissu noué à cet endroit. La flèche conserve ses propriété et sa pénétration, mais le souci survient lorsqu'il faut tirer ! Le frottement du vent éteindra la flamme à coup sûr. Soufflez sur une bougie et vous l'éteindrez : c'est le même phénomène ici. »
Ainsi, les expériences de reconstitution tentées à ce jour auraient donné de piètres résultats : autour de 98% d’échec à enflammer une cible !
Pour aller plus loin :
- La guerre au Moyen Age [Livre] / Philippe Contamine
- De la guerre au Moyen Age [Livre] : anthologie des écrits militaires / édition Olivier Hanne
- Combattre au Moyen Age [Livre] : une histoire des arts martiaux en Occident, XIVe-XVIe / Daniel Jaquet
Bonne journée.
D’après les sources que nous avons pu trouver, les flèches enflammées ont effectivement fait partie de l’arsenal des guerrier orientaux… de la fin de l’antiquité :
« IV' siècle de notre Ère, Ammien Marcellin écrit: «C'est chez ce peuple [les Mèdes] que se confectionne l'huile médique. La flèche qu'on en imprègne brûle tout objet auquel elle s'attache, pourvu qu'elle soit décochée mollement d'un arc à la corde lâche; car un jet trop rapide annule toute la vertu de la composition. L'eau qu'on emploierait pour éteindre ce feu ne ferait que le rendre plus intense; on n'en triomphe qu'en l'étouffant sous le sable. Voici la recette de cette huile: on prend des feuilles d'une certaine herbe que l'on laisse macérer dans de l'huile commune ; et quand la solution est opérée, on épaissit le résidu avec une substance qui ressemble à de l'huile densé production naturelle du sol, avons-nous dit, et qu'on appelle naphte en langue du pays»
[…]
Ammien Marcellin le note spécialement dans le morceau cité antérieurement ainsi 4ue dans un autre endroit de son oeuvre transcript plus loin. Ce «lancer mou» réduit la portée du projectile. L'addition de salpêtre et de chaux vive constitue le véritable progrès. Sans chercher à établir ici quels furent les auteurs probables de l'innovation et tout en signalant que l'usage du salpêtre à des fins militaires semble avoir été plutôt tardif chez les Arabes 5, nous nous bornerons à constater qu'il constitue un ingrédient précieux. En effet, le salpêtre ou azotate de potassium, en se décomposant sous l'action de la chaleur, dégage une grande quantité d'oxygène, ce qui rend la combustion indépendante de l'apport de l'oxygène atmosphérique et il n'est point facile d'étouffer un feu ainsi alimenté. De plus, le projectile pouvant être lancé avec une forte vitesse initiale, sa portée s'en trouve singulièrement accrue. Quant à l'adjonction de chaux vive, soit seule soit mêlée à divers produits formant pyrophore, elle permet d'obtenir un feu s'allumant en présence de l'eau ce qui outre des avantages spécifiques,
cause un effet psychologique intense. »
(Source : J.-F.FINO, « Le Feu et ses usages militaires », Gladius, 1970, consultable sur Researchgate)
L’auteur de cet article ne cite plus l’arc comme moyen de jet de projectiles enflammés au cours du moyen âge. Certes, l’arc a été une arme de première importance, notamment aux XIVe-XVe siècles. Selon l’ouvrage L'art de la guerre au Moyen Age [Livre] / Renaud Beffeyte ; préf. Philippe Contamine, « son usage était essentiellement guerrier, et son but, un tir, un tir lointain d’attaque. Il était meurtrier à moins de 200 m sur une cotte de mailles et à 100 m sur une armure. » Et de raconter comment les archers anglais écrasèrent les arbalétriers génois à la bataille de Crécy (1346) en faisant pleuvoir sur eux des pluies de flèches – un archer pouvant tirer dix flèches à la minutes, tandis qu’un arbalétrier peinait à recharger une fois sur le même intervalle !
C’est donc surtout pour sa maniabilité et sa rapidité que l’arc a été une arme stratégique, ce qui semble peu compatible avec un « tir mou », permettant le maintien d’un matériau enflammé à la pointe des flèches. Et de fait, nous n’avons trouvé de renseignement sur les flèches enflammées dans aucun des documents sur la guerre médiévale que nous ayons pu consulter… au contraire d’une arme incendiaire d’une portée et d’une puissance de destruction bien supérieures, le feu grégeois :
« Les Grecs et les Byzantins furent sans doute les premiers à se servir de ces « bateaux de feu ». Souvent employée pour intimider l’adversaire, cette arme possédait une capacité destructrice réelle et redoutable, et au cours des batailles sur mer, on en connaît plusieurs modes d’utilisation. Soit il s’agissait d’un « navire incendiaire » - lancé contre les bateaux ennemis il explosait -, soit le feu grégeois était contenu dans des pots projetés à l’aide d’une baliste. La proue pouvait également être dotée d’un long tube qui, tel un lance-flammes contemporain, crachait des gerbes foudroyantes. »
(Source : L'art de la guerre au Moyen Age [Livre] / Renaud Beffeyte ; préf. Philippe Contamine)
Les balistes et arbalète à tour, qu’on peut voir sur un document du Musée du génie d’Angers, sont des armes de siège, montées sur roues, permettant une excellente assise.
Selon un article d’Hitek, qui semble basé sur un compte-rendu d’archéologie expérimentale dont la source n’est hélas pas citée, la déshérence des flèches enflammées au moyen âge était due à des raisons pratiques :
« Les arcs et arbalètes étaient appréciés pour leur distance et leur force de pénétration, capable de blesser sérieusement les soldats avant que la bataille au corps à corps se déchaîne. C'est dans cette optique qu'elles étaient fabriquées : d'une taille idéale avec une pointe en métal qui ne doit pas déséquilibrer le projectile. Il existe plusieurs types de flèches enflammées : les premières sont les plus proches des flèches traditionnelles, avec une "cage" pour y glisser un objet enflammé.
Imaginez un tissu noué à cet endroit. La flèche conserve ses propriété et sa pénétration, mais le souci survient lorsqu'il faut tirer ! Le frottement du vent éteindra la flamme à coup sûr. Soufflez sur une bougie et vous l'éteindrez : c'est le même phénomène ici. »
Ainsi, les expériences de reconstitution tentées à ce jour auraient donné de piètres résultats : autour de 98% d’échec à enflammer une cible !
Pour aller plus loin :
- La guerre au Moyen Age [Livre] / Philippe Contamine
- De la guerre au Moyen Age [Livre] : anthologie des écrits militaires / édition Olivier Hanne
- Combattre au Moyen Age [Livre] : une histoire des arts martiaux en Occident, XIVe-XVIe / Daniel Jaquet
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter