Question d'origine :
Bonjour,
Qu'est-ce que la société de l'information ?
Merci bien
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 03/11/2020 à 14h09
Bonjour,
Voici un extrait d'un article de Jean-Philippe Accart publié en 2004 dans le Bulletin des bibliothécaires de France :
"Manuel Castells, sociologue, définitla société de l’information comme « une forme particulière d’organisation sociale, dans laquelle la création, le traitement et la transmission de l’information deviennent les sources premières de la productivité et du pouvoir » . L’information est à l’origine de l’innovation technique et de sa diffusion.
La société de l’information présente un certain nombre de caractéristiques :
–l’information est omniprésente dans toute activité humaine. Même si de nombreux secteurs de la société ne sont pas encore touchés, la plupart des pays le sont. En vingt ans, cette révolution technique s’étend plus rapidement que toute autre avant elle ;
–l’information est matière première et, en tant que telle, subit l’action des technologie s. Il ne s’agit plus, comme par le passé, d’information agissant sur la technologie ;
–l’information est organisée selon une logique de réseau et, grâce au développement concomitant des ordinateurs, des modes de transmission de données et des formats, s’adapte à la complexité du monde actuel, est diffusée partout et est accessible par tous. Cette logique favorise souplesse et flexibilité ; elle peut être aussi bien libératrice que répressive et conduire à l’exclusion.
L’intégration de l’information dans la société passe par le réseau, à partir de points d’accès différents, en temps réel ou différé. D’aucuns y voient la transformation de la culture à un moment que Manuel Castells définit comme « intervalle de l’histoire ».
Un fait notable est, selon l’expression consacrée, la « fracture numérique » qui s’est instaurée entre pays développés et pays les moins avancés (PMA), c’est-à-dire entre pays du Nord et pays du Sud. Selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications (UIT), « il y avait, en 2001, à peu près un ordinateur personnel pour cent habitants en Afrique, contre vingt-six pour les Amériques ». « Aussi, la fracture numérique doit être considérée dans son sens le plus large comme la différence qui existe entre usagers dans la double capacité d’accéder et de contribuer à la production de connaissances et de sens véhiculés sur Internet ».
Accéder à la connaissance signifie, pour un individu, bénéficier pleinement des informations qui circulent sur Internet – mais pas seulement – et d’en faire un usage approprié à sa culture, ses capacités, ses besoins, ses intérêts et ses aspirations . « Pour combler cette fracture, les politiques et les programmes doivent considérer l’accès proprement technique (infrastructures, points d’accès individuels et collectifs, matériels, logiciels, habiletés techniques de base de l’usager) comme nécessaire mais non suffisant ». En effet, l’aspect technique, à lui seul, ne suffit pas pour que l’usager puisse bénéficier d’un outil : il lui faut également le connaître, se l’approprier en fonction des moyens économique, éducationnel, linguistique dont il dispose, d’où le problème de l’alphabétisation. Selon l’Unesco « le taux d’alphabétisation des pays de l’OCDE approche les 100 %, celui des pays les moins avancés (PMA) est encore proche de 50 % ». Une question se pose alors : que signifie Internet pour quelqu’un qui ne sait pas lire ?"
Et c'est là où le bât blesse : la même année, Serge Théophile Balima publiait dans la revue Hermès l'article " Une ou des « sociétés de l'information » ? " (lisible sur Cairn :
"Certains auteurs ont pensé, non sans raison, que l’extension des marchés apporterait l’uniformisation culturelle à une « planète désormais “mondialisée” où partout la consommation de masse homogénéiserait les conduites et les besoins, sous la conduite d’industries façonnant désormais la même culture » (Le Coadic, 2003, p. 82). La société de l’information serait ainsi un mécanisme de domination dans lequel les dominants sont facilement identifiés : les pays qui renforcent leur emprise sur le monde au profit de leurs appareils économiques, de leurs technologies et de leurs conceptions des orientations culturelles de la vie collective.
La simple création d’une société de l’information telle que définie plus haut ne suffit pas à résoudre les problèmes du développement humain à l’échelle mondiale.
En théorie, elle est une société du savoir pouvant garantir que toute personne, sans distinction, se trouve en mesure de créer, de recevoir, de partager et d’utiliser des informations et des connaissances au profit de son développement, dans les domaines économique, social, culturel et politique. L’émergence d’une société mondiale de l’information et du savoir apparaît comme une chance pour les pays du Nord déjà en mesure d’exploiter les technologies de l’information et de la communication (TIC) et comme un défi pour ceux du Sud.
Malheureusement, le contexte africain est marqué par des déficits extrêmes dans les possibilités d’accès à cette nouvelle culture. Fournir l’infrastructure est une condition indispensable, mais ce n’est pas une condition suffisante pour résoudre cette inégalité. La fracture numérique est un produit de la fracture sociale et économique qui sépare les pays du monde. Ce sont les différences sociales, politiques et économiques préexistantes, la distribution du pouvoir et des ressources qui la provoquent. Il y a donc des sociétés et non une société de l’information. La société de l’information, déclinée au singulier, devrait donc être au pluriel, étant donné la diversité des situations, des cultures et des peuples en présence. Les « info pauvres » qui peuplent la terre ne semblent pas bénéficier de l’hégémonie « missionnaire » des « développeurs » du xxie siècle, même si la progression des TIC est remarquable dans les centres urbains des pays défavorisés."
Ainsi, deux objections majeures paraissent à l'auteur aller à l'encontre de l'idée d'une société de l'information une et indivisible à l'échelle globale :
"-la notion de société de l’information est, à certains égards, un concept flou et controversé , d’autant plus que sa définition ne trouve pas un réel ancrage dans certaines situations et cultures en présence. C’est le cas de plusieurs villages africains qui ploient sous le poids de l’ignorance et qui ne savent pas qu’il existe un nouvel enjeu appelé société de l’information. Ces communautés entières font-elles partie de la société de l’information ou évoluent-elles seulement dans leur propre société de l’information fondée sur des outils et réseaux de communication de proximité ?
- les fossés à combler restent grands à l’échelle du globe. Fossé de l’information d’abord, fossé de la liberté des médias ensuite, et fossé technologique enfin. Ces trois fractures, loin de favoriser la naissance d’une société de l’information mondiale, engendrent des sociétés plurielles et multiformes susceptibles de cultiver des frustrations ou de générer des revendications identitaires de type nouveau."
À ces problématiques d'inégalités s'ajoutent des questions éthiques, que pointe l'UNESCO :
"L'impact exponentiel des technologies émergentes sur la vie quotidienne des citoyens ne peut être sous-estimé, car de plus en plus de personnes dans le monde interagissent avec les technologies de l'information et de la communication et produisent et acquièrent des informations. L'éthique de l'information concerneles aspects éthiques, juridiques et sociétaux de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication . Depuis 1997, l'UNESCO a lancé une série d'initiatives visant à traiter les dimensions éthiques de la société de l'information, qui est l'une des lignes d'action du Plan d'action du SMSI dont elle est responsable.
L’éthique de l'information est fondée sur les principes relatifs à la Déclaration universelle des droits de l'homme et comprennent le droit à la liberté d'expression, l'accès universel à l'information, le droit à l'éducation, le droit à la vie privée et le droit de participer à la vie culturelle. La promotion de valeurs et de principes fondés sur les droits fondamentaux de l'homme est essentielle au développement d'une société de l'information équitable et la sensibilisation aux questions éthiques liées à l'information est l'une des six priorités du Programme Information pour tous (PIPT).
L'une des questions d’éthiques difficiles auxquelles le PIPT s’adresse, estl'utilisation du cyberespace face à la radicalisation des jeunes conduisant à la violence . Les interventions s'articulent autour du soutien à la recherche multidisciplinaire, de l'autonomisation des communautés en ligne des jeunes et des principaux acteurs de la jeunesse, du renforcement de la mobilisation et de la coopération entre les professionnels des médias et les praticiens et du soutien aux campagnes médiatiques créatives et aux stratégies de sensibilisation ciblant les décideurs et les leaders d'opinion ainsi que le grand public.
Une attention particulière est également portée aux dimensions éthiques de l'intelligence artificielle qui peuvent certainement contribuer au développement durable, mais aussi poser des questions liées à l'utilisation de ces technologies émergentes et au respect des droits humains fondamentaux. L'UNESCO joue un rôle de premier plan pour sensibiliser les différentes parties prenantes à la dimension éthique de l'utilisation de l'intelligence artificielle et à la réflexion sur les défis à relever et le développement de son utilisation pour promouvoir des sociétés du savoir équitables et inclusives. La Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) joue également un rôle de premier plan sur les questions éthiques soulevées par l'intelligence artificielle.
L'UNESCO continuera de plaider pour que les implications éthiques de la société de l'information fassent partie du débat mondial sur la technologie et son impact sur la société. Plusieurs initiatives ont déjà été prises, en coopération avec le Centre d'excellence africain pour l'éthique de l'information(link is external), pour produire du matériel de formation sur le thème de l'éthique de l'information."
Pour aller plus loin :
- Histoire de la société de l'information [Livre] / Armand Mattelart
- Ethique et société de l'information [Livre] / Groupe des écoles des télécommunications ; sous la dir. de Danielle Bahu-Leyser et Pascal Faure ; préf. de Laurent Fabius
- Territoires et sociétés de l'information en France [Livre] / Laboratoire CRITIC ; [publ. par] l'INT
- La "société de l'information" [Livre] : entre mythes et réalités / [publ. du Centre d'études et de recherches interdisciplinaires sur les médias en Europe, CERIME] ; sous la dir. de Michel Mathien ...
- Enjeux de mots [Livre] : regards multiculturels sur les sociétés de l'information = Palabras en juego : enfoques multiculturales sobre las sociedades de la informacion = Word matters : multicultura...
- Nicholas Garnham - Traducteur : Marie-Christine Gamberini "La théorie de la société de l'information en tant qu'idéologie : une critique" in Réseaux. Communication - Technologie - Société Année 2000, consultable sur Persée
- "La sociétéde l’information" Rapport par Nicolas Curienet et Pierre-Alain Muet sur vie-publique.fr
Bonne journée.
Voici un extrait d'un article de Jean-Philippe Accart publié en 2004 dans le Bulletin des bibliothécaires de France :
"Manuel Castells, sociologue, définit
La société de l’information présente un certain nombre de caractéristiques :
–
–
–
L’intégration de l’information dans la société passe par le réseau, à partir de points d’accès différents, en temps réel ou différé. D’aucuns y voient la transformation de la culture à un moment que Manuel Castells définit comme « intervalle de l’histoire ».
Un fait notable est, selon l’expression consacrée, la « fracture numérique » qui s’est instaurée entre pays développés et pays les moins avancés (PMA), c’est-à-dire entre pays du Nord et pays du Sud. Selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications (UIT), « il y avait, en 2001, à peu près un ordinateur personnel pour cent habitants en Afrique, contre vingt-six pour les Amériques ». « Aussi, la fracture numérique doit être considérée dans son sens le plus large comme la différence qui existe entre usagers dans la double capacité d’accéder et de contribuer à la production de connaissances et de sens véhiculés sur Internet ».
Accéder à la connaissance signifie, pour un individu,
Et c'est là où le bât blesse : la même année, Serge Théophile Balima publiait dans la revue Hermès l'article " Une ou des « sociétés de l'information » ? " (lisible sur Cairn :
"Certains auteurs ont pensé, non sans raison, que l’extension des marchés apporterait l’uniformisation culturelle à une « planète désormais “mondialisée” où partout la consommation de masse homogénéiserait les conduites et les besoins, sous la conduite d’industries façonnant désormais la même culture » (Le Coadic, 2003, p. 82). La société de l’information serait ainsi un mécanisme de domination dans lequel les dominants sont facilement identifiés : les pays qui renforcent leur emprise sur le monde au profit de leurs appareils économiques, de leurs technologies et de leurs conceptions des orientations culturelles de la vie collective.
La simple création d’une société de l’information telle que définie plus haut ne suffit pas à résoudre les problèmes du développement humain à l’échelle mondiale.
En théorie, elle est une société du savoir pouvant garantir que toute personne, sans distinction, se trouve en mesure de créer, de recevoir, de partager et d’utiliser des informations et des connaissances au profit de son développement, dans les domaines économique, social, culturel et politique. L’émergence d’une société mondiale de l’information et du savoir apparaît comme une chance pour les pays du Nord déjà en mesure d’exploiter les technologies de l’information et de la communication (TIC) et comme un défi pour ceux du Sud.
Malheureusement, le contexte africain est marqué par des déficits extrêmes dans les possibilités d’accès à cette nouvelle culture. Fournir l’infrastructure est une condition indispensable, mais ce n’est pas une condition suffisante pour résoudre cette inégalité. La fracture numérique est un produit de la fracture sociale et économique qui sépare les pays du monde. Ce sont les différences sociales, politiques et économiques préexistantes, la distribution du pouvoir et des ressources qui la provoquent. Il y a donc des sociétés et non une société de l’information. La société de l’information, déclinée au singulier, devrait donc être au pluriel, étant donné la diversité des situations, des cultures et des peuples en présence. Les « info pauvres » qui peuplent la terre ne semblent pas bénéficier de l’hégémonie « missionnaire » des « développeurs » du xxie siècle, même si la progression des TIC est remarquable dans les centres urbains des pays défavorisés."
Ainsi, deux objections majeures paraissent à l'auteur aller à l'encontre de l'idée d'une société de l'information une et indivisible à l'échelle globale :
"-
- les fossés à combler restent grands à l’échelle du globe. Fossé de l’information d’abord, fossé de la liberté des médias ensuite, et fossé technologique enfin. Ces trois fractures, loin de favoriser la naissance d’une société de l’information mondiale, engendrent des sociétés plurielles et multiformes susceptibles de cultiver des frustrations ou de générer des revendications identitaires de type nouveau."
À ces problématiques d'inégalités s'ajoutent des questions éthiques, que pointe l'UNESCO :
"L'impact exponentiel des technologies émergentes sur la vie quotidienne des citoyens ne peut être sous-estimé, car de plus en plus de personnes dans le monde interagissent avec les technologies de l'information et de la communication et produisent et acquièrent des informations. L'éthique de l'information concerne
L’éthique de l'information est fondée sur les principes relatifs à la Déclaration universelle des droits de l'homme et comprennent le droit à la liberté d'expression, l'accès universel à l'information, le droit à l'éducation, le droit à la vie privée et le droit de participer à la vie culturelle. L
L'une des questions d’éthiques difficiles auxquelles le PIPT s’adresse, est
Une attention particulière est également portée aux dimensions éthiques de l'intelligence artificielle qui peuvent certainement contribuer au développement durable, mais aussi poser des questions liées à l'utilisation de ces technologies émergentes et au respect des droits humains fondamentaux. L'UNESCO joue un rôle de premier plan pour sensibiliser les différentes parties prenantes à la dimension éthique de l'utilisation de l'intelligence artificielle et à la réflexion sur les défis à relever et le développement de son utilisation pour promouvoir des sociétés du savoir équitables et inclusives. La Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) joue également un rôle de premier plan sur les questions éthiques soulevées par l'intelligence artificielle.
L'UNESCO continuera de plaider pour que les implications éthiques de la société de l'information fassent partie du débat mondial sur la technologie et son impact sur la société. Plusieurs initiatives ont déjà été prises, en coopération avec le Centre d'excellence africain pour l'éthique de l'information(link is external), pour produire du matériel de formation sur le thème de l'éthique de l'information."
- Histoire de la société de l'information [Livre] / Armand Mattelart
- Ethique et société de l'information [Livre] / Groupe des écoles des télécommunications ; sous la dir. de Danielle Bahu-Leyser et Pascal Faure ; préf. de Laurent Fabius
- Territoires et sociétés de l'information en France [Livre] / Laboratoire CRITIC ; [publ. par] l'INT
- La "société de l'information" [Livre] : entre mythes et réalités / [publ. du Centre d'études et de recherches interdisciplinaires sur les médias en Europe, CERIME] ; sous la dir. de Michel Mathien ...
- Enjeux de mots [Livre] : regards multiculturels sur les sociétés de l'information = Palabras en juego : enfoques multiculturales sobre las sociedades de la informacion = Word matters : multicultura...
- Nicholas Garnham - Traducteur : Marie-Christine Gamberini "La théorie de la société de l'information en tant qu'idéologie : une critique" in Réseaux. Communication - Technologie - Société Année 2000, consultable sur Persée
- "La sociétéde l’information" Rapport par Nicolas Curienet et Pierre-Alain Muet sur vie-publique.fr
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