Question d'origine :
Bonjour, Legroupe marseillais I AM chantait en 1993 "je danse le Mia". Deux ans plus tard, il est aussi brièvement question de ce genre dans la chanson "Respect" d'Alliance ethnik : "Je suis down avec le mia, mais, chez nous c'est la peta Qui a comblé ces années-là" Pour ceux qui sont trop jeunes pour avoir connu ces genres musicaux : pouvez-vous nous faire un petit historique ? Qu'est-ce que le mia ? La peta ? Quels sont les tubes associés à ces genres ? Et d'un point de vue de la danse : ça donnait quoi? Merci le GDS
Réponse du Guichet
bml_mus
- Département : Musique
Le 24/11/2020 à 14h18
Bonjour,
Il ne sera pas évident de dérouler l'historique des genres musicaux 'mia' et 'peta', de vous en donner les tubes les plus représentatifs, et de vous en détailler la chorégraphie... Car ce ne sont ni des genres musicaux ni des danses.
"Il n’existe d’ailleurs aucune danse nommée « mia » à Marseille. Ce terme a été inventé par IAM. Il représente l’anagramme du nom du groupe. C’est aussi le symbole du jeune marseillais typique des années 1980, amateur de Funk. C’est enfin le comportement de l’époque. Le mia n’est pas une danse : c’est l’univers de toute une génération. "
(...)
"Deux temps différents sont utilisés : l’imparfait dans les couplets, en général, et le présent dans le refrain, comme si « je danse le mia » signifiait en réalité « j’évoque le mia ». "
(Jean-Marie Jacono, « Ce que révèle l’analyse musicale du rap : l’exemple de « Je Danse le Mia » d’IAM », Volume !, 3 : 2 | 2004, 43-53.)
En résumé, pour nous auditeurs et danseurs amateurs, danser le mia, si ça existe vraiment, c'est tout simplement danser sur la chanson "je danse le mia", en s'inspirant des années 80 évoquées dans la chanson.
Quant à la 'peta', c'est à la rigueur une danse urbaine, si on veut poétiser cette pratique :
Le dictionnaire de la zone nous renseigne ainsi :
1. Taper, frapper, battre.
Contrôle musclé, la BAC passe et demande tes piépas | Si j'les ai pas, là ça commence par insulter ta mère, ta sœur, tes frères | Ça dégénère et tu t'fais péta (Sniper, « La France », Du rire aux larmes, 2001) .
2. Voler, dérober.
Des potos l'appellent, font un cambriolage | Moussa décide d'les rejoindre pour péta la console | Il s'dit qu'il pourra jouer et n'plus trainer d'vant le Hall (La Fouine, « Du ferme », Mes repères, 2009) .
Crois pas qu'voir mon fils sur un quad me foutra la barre | À part péta des Nokia y'a rien à foutre à la gare (Nakk Mendosa, « Homme à part », Le monde est mon pays, 2010) .
3. Consommer.
J'péta la William Peel quand j'ai fini ma tise | Tandis qu'un milliard de filles me dit sisi l'artiste ! (1995, « Milliardaire », La Source, 2011) .
4. Se battre.
Au Microphone, le boug d'en bas, prêt à se péta pour des scalpas | Pas par choix, non c'est la vie qui veut ça (Suprême NTM, « C'est arrivé près de chez toi », Suprême NTM, 1998) ."
Vous l'aurez compris, c'est le verlan de 'taper' : la péta c'est donc la bagarre.
A vous d'en déduire le sens de l'extrait de 'Respect' d'Alliance Ethnik.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 12/01/2021 à 08h26
Bonjour,
Nous nous permettons d'apporter un complément de réponse à nos collègues du département musique, concernant la définition dumia . Dans le récent ouvrage Entre la pierre et la plume / IAM ; avec Baptiste Bouthier, le groupe marseillais donne cette explication :
Le hip-hop a débarqué à Marseille et dans nos vies, alors que nous n'étions encore que des adolescents, dans ce contexte à la fois violent et convivial. La musique, en ce début des années 1980, rimait avec Francis Cabrel, BobMarley, Dire Straits, les Rolling stones, Supertramp, Pink Floyd... Et puis le funk, car il y avait en réalité deux camps : celui du rock ou de la pop, et celui du funk. Il existait alors des après-midis et des soirées entièrement dédiées à cette musique, celles que nous décrivons dans Je danse le mia. Ces fêtes existaient partout en France, mais à Marseille, on y retrouvait des personnages folkloriques typiques de la période, que l'on appelait "mia".Ce mot venait tout simplement de nos parents, qui parlaient déjà verlan : un "mia", c'était pour eux un ami , et pour nous, un "kakou" ne jurant que par la funk.
Le mia, c'est la grosse chaîne, un brushing impeccable ultra-laqué, une voiture que l'on entend arriver de loin ... et puis un accent à couper au couteau, et un vocabulaire bien particulier que l'on cite d'ailleurs dans le morceau : "On va se filer", "Je vais te fumer derrière le cyprès", "Oh cousine, tu danses ou je t'explose ?" Attention, "mia" n'est pas un terme péjoratif, mais bien tendre, affectif. Ils nous disaient : "Oh IAM, c'est quand votre prochain gala ?" Vous êtes les gars de l'orchestre ? On était morts de rire ! Un peu moins avec ceux que nous connaissions bien, car nous en comptions tous dans nos familles. "Oh minot ! Tu es dans le showbizness toi maintenant, allez, raconte-moi deux ou trois histoires..." Ils avaient cinq ou dix ans de plus que nous, ils avaient tout simplement la vingtaine au moment de l'apogée du funk. Ils étaient en quelque sorte des Tony Manero dans La Fièvre du samedi soir.
Si vous vous intéressez aux textes d'IAM, nous vous conseillons vivement la lecture de ce livre, où les membres du groupe s'étendent longuement sur les diverses influences de l'argot marseillais, des langues étrangères parlées dans la ville, ou encore du slang américain dans le développement de leur style textuel.
Bonne journée.
Nous nous permettons d'apporter un complément de réponse à nos collègues du département musique, concernant la définition du
Le hip-hop a débarqué à Marseille et dans nos vies, alors que nous n'étions encore que des adolescents, dans ce contexte à la fois violent et convivial. La musique, en ce début des années 1980, rimait avec Francis Cabrel, BobMarley, Dire Straits, les Rolling stones, Supertramp, Pink Floyd... Et puis le funk, car il y avait en réalité deux camps : celui du rock ou de la pop, et celui du funk. Il existait alors des après-midis et des soirées entièrement dédiées à cette musique, celles que nous décrivons dans Je danse le mia. Ces fêtes existaient partout en France, mais à Marseille, on y retrouvait des personnages folkloriques typiques de la période, que l'on appelait "mia".
Si vous vous intéressez aux textes d'IAM, nous vous conseillons vivement la lecture de ce livre, où les membres du groupe s'étendent longuement sur les diverses influences de l'argot marseillais, des langues étrangères parlées dans la ville, ou encore du slang américain dans le développement de leur style textuel.
Bonne journée.
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