Question d'origine :
Bonjour, Est-il légal de se suicider ? (Ne vous inquiétez pas, je vais bien, c'est pour la culture.) Bonne soirée, Alcibiade l'Athénien
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 10/12/2020 à 16h02
Bonjour,
Vous vous interrogez sur le caractère légal ou illégal du suicide.
Voici les explications que nous trouvons sur infosuicide.org :
«Responsabilité pénale du suicidant
La déclaration des droits de l’homme énonce que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société »
Le suicide n’est donc plus réprimé en France depuis le Code Napoléon de 1810. Dès lors, la question est de savoir si le silence du Code donne le droit ou la liberté de se supprimer?
Thouvenin, professeur de droit, répond que « l’absence d’incrimination pénale signifie seulement que la société n’attache pas de réprobation sociale au suicide, et non qu’elle entend considérer le suicide comme une prérogative positive ». « En effet, ajoute t-il, reconnaître à l’individu le droit de se suicider contribuerait à faire de lui un propriétaire libre de disposer de lui-même comme d’un bien ».
Accessoirement, le droit au suicide supposerait qu’un suicidé réanimé puisse réclamer réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait qu’on l’a obligé à vivre contre sa volonté. Or, c’est justement l’inverse qui se produit avec la « non-assistance à personne en péril ». Il n’en reste pas moins que le droit au suicide est revendiqué par des associations et comités amalgamant volontiers euthanasie et suicide.
Quant à la responsabilité de l’auteur d’un suicide « altruiste ou élargi », elle est celle de l’auteur d’un homicide volontaire, mais il peut bénéficier de circonstances atténuantes en vertu du deuxième alinéa de l’article 122-1 du Code Pénal (C.P) ou être considéré comme irresponsable en vertu du premier alinéa du même article.
Responsabilité civile du suicidant
Le Code civil ne mentionne pas le suicide, il ne connaît que les contractants. Or, «l’individu ne peut entrer en rapport juridique avec lui-même». Le code se préoccupe des conséquences de la mort, non de ses circonstances. La responsabilité civile se définissant comme l’obligation de réparer le dommage que l’on a causé par une faute intentionnelle ou non, on peut s’interroger sur la réparation des éventuels dommages matériels, corporels ou même moraux occasionné par un suicide violent. Au pénal, le suicidant qui a survécu est susceptible de bénéficier d’un non-lieu, en vertu de l’article 122-1 du C.P. Au civil, « la personne qui, sous l’emprise d’un trouble mental, a causé un dommage à autrui, est tenue à réparation » (article 489-2 de la loi du 03/01/1968 sur les incapables majeurs).
Responsabilité d’autrui en cas de suicide
Sur le plan pénal, le suicide n’étant pas punissable, la complicité n’est pas non plus réprimée. Encore faut-il que l’aide apportée au suicidant soit purement passive. Dès que la participation devient une aide matérielle effective, le fait que la victime soit consentante ou même demandeuse n’exonère pas le complice d’une condamnation probable pour meurtre ou assassinat (article 221-1 à 5 du C.P.).
Quant au témoin passif d’un suicide, il peut être poursuivi en vertu du deuxième alinéa de l’article 223-6 du C.P; pour s’être abstenu de porter secours à une personne en péril.
Enfin, la loi du 31/12/1987 condamne la provocation au suicide tenté ou consommé par autrui, de même que la propagande ou la publicité en faveur de produits, objets ou méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort (article 223-1 à 5 du C.P.). Sur le plan civil, la responsabilité d’autrui peut-être engagée lorsque le suicidant ou sa famille se portent partie civile et demandent réparation lors du procès pénal intenté pour l’une des infractions que l’on vient d’énumérer. A l’étranger, dix huit nations dont quinze européennes condamnent la participation, l’incitation ou l’aide au suicide d’autrui. La France est le seul pays à incriminer la propagande ou la publicité en faveur du suicide.
Responsabilité du médecin et de l’hôpital
Pour que la responsabilité pénale du médecin soit engagé, il est nécessaire qu’existe dans le Code Pénal une incrimination à laquelle l’acte reproché corresponde exactement. En matière de suicide, le médecin se voit le plus souvent reprocher une non-assistance à personne en péril (article 223-6 deuxième alinéa du C.P.), mais rares sont les condamnations, faute de pouvoir réunir les éléments constitutifs de cette infraction, qui sont au nombre de quatre:
• Existence d’un péril
• Possibilité d’assistance
• Absence de risque pour celui qui peut porter secours ou pour le tiers
• Abstention volontaire de porter secours.
Ainsi, selon la jurisprudence, le premier élément, l’existence d’un péril, doit être « imminent, constant et nécessiter une action immédiate ». Or, il est difficile de prouver que le médecin a connu de façon certaine la gravité et l’imminence du danger et qu’il avait la possibilité d’agir. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris précise que rien ne permettait au médecin qui, après un long entretien, avait renoncé à hospitaliser en placement volontaire un malade, de diagnostiquer un péril réel et imminent cinq jours avant le suicide. Quant à l’élément d’abstention volontaire de porter secours, il n’est a priori pas délibéré car il résulte souvent d’une erreur de diagnostic ou de traitement. Le médecin a sous estimé la gravité de l’état du malade ou n’a pas prescrit des médicaments assez puissants. Un autre chef de mise en examen a été invoqué : les atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne (article 221-6 et 222-19 du C.P.). Il n’a pas été retenu dans le cas du suicide d’un patient car il supposait de démontrer que le comportement du médecin a entraîné directement le décès par suicide.
La responsabilité civile du médecin et de la clinique ne peut mettre en cause que deux personnes privées, en l’occurrence le patient ou sa famille d’une part, le médecin exerçant en libéral ou les établissements privés d’autre part. La responsabilité médicale civile est engagé, soit par le non respect des obligations fixées par un contrat, c’est la responsabilité contractuelle, soit par l’obligation de réparer le dommage causé par une faute volontaire ou non, c’est la responsabilité délictuelle.
La responsabilité contractuelle d’un médecin ou d’une clinique crée une obligation de moyens, et non de résultats. Le médecin s’engage à apporter des soins « consciencieux, diligents et conformes aux données actuelles de la science ». Le contrat d’hospitalisation en clinique comporte une double obligation de soins et de garde et surveillance. Elle doit prendre des mesures appropriées à l’état du malade et à ses réactions antérieures. L’appréciation de l’inexécution de l’obligation de sécurité dépendra des consignes particulières de surveillance données par le médecin qui a posé le diagnostic et de leur exécution. En cas de suicide, la responsabilité de l’établissement est présumée et il devra apporter la preuve qu’il avait réellement pris les précautions qui s’imposaient.
Il faut rappeler que, parmi les obligations du médecin traitant, il y a aussi celle de prévenir du risque suicidaire la clinique à laquelle il adresse son patient, faute de quoi, elle n’a aucune raison d’exercer une surveillance particulière, et c’est donc la responsabilité du médecin traitant qui sera engagée en cas de suicide. L’attitude du patient et de la famille sont prises en compte, notamment leur refus de traitements préconisés ou d’hospitalisation proposée par le médecin, qui sera alors exonéré de sa responsabilité en tout ou en partie.
La responsabilité délictuelle civile du médecin est plus rarement engagée car elle suppose qu’il ne s’est pas formé de contrat. Ce peut-être le cas d’un tiers, par exemple la famille d’un malade décédé désirant obtenir du médecin, à qui ils imputent la responsabilité de cette mort, la réparation de leur propre préjudice pécuniaire ou moral. Il faut enfin rappeler que la responsabilité délictuelle du médecin peut-être engagée en raison d’une faute commise par son préposé (infirmière, secrétaire).
La responsabilité administrative de l’hôpital : lorsqu’un malade est hospitalisé dans un établissement public, il ne passe pas de contrat avec ou tel médecin, mais avec l’hôpital. Les médecins ne répondent personnellement que de fautes personnelles détachables du service. L’action est dirigée contre l’administration et non contre le médecin, à moins qu’il n’ait commis une infraction relevant du Code Pénal. Le régime de la responsabilité administrative de l’hôpital repose sur une distinction fondamentale entre les actes médicaux (diagnostic, traitement) et les soins courants, l’organisation, le fonctionnement du service. Pour les actes médicaux, le tribunal administratif ne retiendra la responsabilité de l’hôpital que pour une faute lourde, considérant les fautes simples comme excusables car la médecine est une activité « à risque ».
En matière de suicide, la faute du médecin réside dans une erreur de diagnostic ou de traitement, ayant cru à tort que le malade n’attenterait pas à ses jours. Mais la jurisprudence ne retient pas ce type d’erreur de diagnostic comme une faute lourde, sauf s’il y a eu un examen notoirement insuffisant ou une erreur grossière d’appréciation. C’est donc au niveau des activités de soins courants ou du fonctionnement du service hospitalier que la responsabilité de l’hôpital est le plus souvent retenue par les tribunaux administratifs. Les critères utilisés en cas de suicide sont généralement :
• Le caractère prévisible ou imprévisible du comportement du malade.
• La nature de la surveillance exercée.
• L’organisation matérielle du service.
Pour tous ces critères , la tendance du conseil d’État est de retenir la faute simple de surveillance comme suffisante pour engager la responsabilité de l’hôpital. Quant à l’efficacité des mesures de surveillance, comme l’a souligné Pierre Deniker, « on ne saurait trop répéter que contre le désir morbide de suicide, il n’existe pas de précaution absolue ».
La responsabilité disciplinaire du médecin est née de l’inobservation, par le médecin des règles du code de déontologie et singulièrement par rapport au suicide, de celle des articles suivants :
• «le médecin exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine»
• «Lorsqu’il se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, il doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires»
• «la volonté du malade doit toujours être respectée dans la mesure du possible».
Ceci nous amène à évoquer le problème du consentement : quelle attitude le médecin doit-il avoir devant un malade qui l’implore de le laisser mourir ? Il doit avant tout préserver la vie et, à l’exception de cas extrêmes touchant au problème de l’euthanasie, il n’y a pas à s’interroger sur la logique de la démarche suicidaire. Son approche est seulement clinique et a valeur psychothérapeutique s’il sait entendre la nature de la demande, dont le suicide est l’un des symptômes. Si l’état du patient ne permet pas d’obtenir un consentement éclairé, la jurisprudence prévoit dans ce cas que le médecin s’adresse aux proches du malade. C’est d’ailleurs l’objectif de la mesure d’hospitalisation sur demande d’un tiers, qui implique un tiers issu de l’entourage du malade. J.Vedrinne invoque la notion d’anticipation de consentement à propos de l’intervention médicale dans les services d’urgences pour des personnes en crise suicidaire. Un peu comme pour la sauvegarde de justice, il y aurait là une légitimité de l’acte en anticipant le consentement. Et il est vrai qu’il est rare qu’un malade reproche durablement à son médecin de l’avoir empêché de se suicider ou de l’avoir sauvé.
En ce qui concerne le secret professionnel (article 226-13 et 14 du C.P.) et le suicide, quelques points doivent être soulignés. L’information des proches peut être nécessaire en cas de risque de suicide, pour permettre une meilleure surveillance. Sinon le secret est dû au patient par delà la mort, et l’origine suicidaire d’un décès doit-être cachée même à la famille si tel était le vœu du suicidant. Vis à vis des assurances, rien n’oblige le médecin traitant à révéler la cause de la mort à l’assureur car c’est à la compagnie, éventuellement par le canal de son médecin conseil, de faire la preuve que le décès n’était pas couvert par le contrat.
larges extraits de l’article de B . Cordier revue FORENSIC de Déc 1994 n°7 »
Ajoutons les éléments historiques et juridiques présentés sur le site d’un cabinet de spécialistes en droit pénal :
«I). — Définition (Suicide)
Le suicide — du latin suicidium, terme composé du préfixe sui « soi » et du verbe caedere « tuer » l’acte délibéré de mettre fin à sa propre vie, de se donner volontairement la mort. t. Longtemps réprimé par le droit français, le suicide ne paraît plus aujourd’hui une infraction pénalement répréhensible.
II). — Histoire du suicide en droit français (Suicide)
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la mort demeure omniprésente et frappe à tout moment. Comme l’espérance de vie était très courte à l’époque, la mort n’était que très rarement considérée pour ne échéance lointaine. L’espérance de vie au XVIIe siècle était juste de 25 ans à la naissance, un enfant sur quatre décédait avant l’âge d’un an et seulement une personne sur deux atteignait ses 20 ans.
Le risque de mortalité était encore plus accru chez les femmes du fait des risques liés à l’accouchement. La question de se donner volontairement la mort ne se posait donc que très rarement au vu des circonstances de l’époque dans la mesure où les gens décédaient avant même de pouvoir se poser la question de savoir si elles souhaitaient en finir.
Le suicide était relativement toléré dans la Rome antique, mais va faire l’objet d’une condamnation radicale de la part de l’Église.
En effet, le suicide demeure un acte traditionnellement condamné par les grandes religions monothéistes. Si le fait de se suicider reste d’abord un acte contre sa propre personne, le fait de s’ôter la vie crée une rupture entre la relation privilégiée que l’Homme a avec Dieu, en décidant de mettre fin à ses jours, la personne va à l’encontre de la souveraineté divine. Au Moyen-âge, le corps d’une personne qui s’était suicidée pouvait même faire l’objet d’un procès et celui qui se suicidait était privé de sépulture ecclésiastique.
III). — La dépénalisation du suicide
La Révolution française opère un tournant avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, l’article 4 de la déclaration énonce que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de limites que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits.
Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ». Suite à la promulgation de ce texte, l’interdit du suicide et son incrimination ne sont pas inclus dans le Code pénal de 1791 ni dans le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV.
Le Code pénal de 1810 et le Code pénal actuel n’en font pas non plus mention. Le suicide, sans être un droit, ne constitue donc plus un acte contraire à l’ordre public et n’est plus pénalement répréhensible. Cependant, si la répression pénale ne concerne plus la personne qui décide de mettre fin à ses jours, elle peut s’appliquer à un tiers qui interviendrait
dans le suicide.
En France, le suicide n’est plus réprimé depuis le Code pénal de 1810 autrement que par une éventuelle hospitalisation d’office sur décision du préfet dans le cadre d’une tentative. Cependant certaines infractions entourant cet acte sont prévues par le Code pénal et réprimées. Il en va notamment ainsi de la provocation au suicide.
III). — La répression pénale de l’aide au suicide
Le suicide n’est plus pénalement répréhensible. En outre, il n’est donc pas possible de poursuivre une personne qui aurait tenté de mettre fin à ses jours, ni même une personne qui aurait aidé une personne à se donner la mort ou qui provoque au suicide du chef de complicité en l’absence d’un fait principal punissable (Cass, Crim. 27 avril 1815).
En revanche, celui qui assiste la personne au suicide ne saurait toutefois échapper aux poursuites. Le consentement de la victime n’est jamais un fait justificatif. En outre, celui qui pousse l’aide au suicide jusqu’à tuer lui-même celui qu’il le désire se rend coupable d’homicide volontaire ou d’empoisonnement selon les moyens utilisés. Le fait de donner la mort à autrui selon l’article 221-6 du Code pénal est puni de 30 ans de réclusion criminelle. La personne qui aide activement une autre à se donner la mort encourt donc les mêmes peines.
IV). — L’insertion dans le Code pénal de nouvelles incriminations entourant le suicide
Depuis la Révolution française, le suicide et sa tentative de suicide ne sont plus punissables pénalement. La complicité de suicide par voie d’extension n’est pas non plus punissable, car le fait principal punissable fait ici défaut. La Cour de cassation l’a affirmé dans un arrêt rendu par sa chambre criminelle en date du 26 avril 1988 dans une affaire relative à la publication d’un ouvrage intitulé « Suicide mode d’emploi ».
Le législateur est cependant intervenu pour incriminer deux nouveaux comportements autour du suicide : la provocation au suicide (article 223-13 du Code pénal) et la propagande ou publicité en faveur de moyens de se donner la mort (article 223-14 du Code pénal).
Ces deux infractions constituent des infractions de mise en danger des personnes.
A). — La provocation au suicide
1). — Éléments matériels de l’infraction de provocation au suicide
La provocation au suicide est matériellement constituée par un acte positif de provocation, acte qui peut être indistinctement dirigé vers une personne précise ou un groupe de personnes indéterminées. En revanche, un simple conseil ne suffirait pas à caractériser l’infraction de provocation au suicide. Cette provocation doit avoir été suivie d’effet, c’est-à-dire d’un suicide ou d’une tentative de suicide.
2). — Élément intentionnel de l’infraction de provocation au suicide
Concernant l’élément intentionnel de l’infraction, l’acte doit avoir été accompli en connaissance de cause, l’auteur doit avoir eu conscience du caractère répréhensible de l’acte, mais aussi avoir eu la volonté que l’intéressé passe à l’acte.
B ). — La propagande ou la publicité en faveur de moyens de se donner la mort
1). — Élément matériel
L’article 223-14 du Code pénal incrimine également « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisées comme moyens de se donner la mort ».
Le délit formel de propagande en faveur de moyens de se donner la mort a été construit autour de la possibilité qu’a une personne tierce de s’immiscer dans le champ de la liberté individuelle de celui qui envisage de se suicider et la possibilité que celui-ci a d’influencer le libre arbitre de la personne qui contemple un passage à l’acte voire de déclencher celui-ci. Le tiers prend délibérément le risque d’influencer ou de déclencher le passage à l’acte.
2). — L’élément intentionnel
L’agent doit vouloir préconiser ou recommander l’usage de produits ou de méthodes pour éveiller chez autrui la résolution de se donner la mort. »
Pour aller plus loin :
- Le droit face à la mort volontaire, Aude Mullier
- Suicide, euthanasie et suicide assisté – Le rôle de la loi face aux demandes de mort, Etienne Montero
Bonne journée.
Vous vous interrogez sur le caractère légal ou illégal du suicide.
Voici les explications que nous trouvons sur infosuicide.org :
«
La déclaration des droits de l’homme énonce que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société »
Le suicide n’est donc plus réprimé en France depuis le Code Napoléon de 1810. Dès lors, la question est de savoir si le silence du Code donne le droit ou la liberté de se supprimer?
Thouvenin, professeur de droit, répond que « l’absence d’incrimination pénale signifie seulement que la société n’attache pas de réprobation sociale au suicide, et non qu’elle entend considérer le suicide comme une prérogative positive ». « En effet, ajoute t-il, reconnaître à l’individu le droit de se suicider contribuerait à faire de lui un propriétaire libre de disposer de lui-même comme d’un bien ».
Accessoirement, le droit au suicide supposerait qu’un suicidé réanimé puisse réclamer réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait qu’on l’a obligé à vivre contre sa volonté. Or, c’est justement l’inverse qui se produit avec la « non-assistance à personne en péril ». Il n’en reste pas moins que le droit au suicide est revendiqué par des associations et comités amalgamant volontiers euthanasie et suicide.
Quant à la responsabilité de l’auteur d’un suicide « altruiste ou élargi », elle est celle de l’auteur d’un homicide volontaire, mais il peut bénéficier de circonstances atténuantes en vertu du deuxième alinéa de l’article 122-1 du Code Pénal (C.P) ou être considéré comme irresponsable en vertu du premier alinéa du même article.
Le Code civil ne mentionne pas le suicide, il ne connaît que les contractants. Or, «l’individu ne peut entrer en rapport juridique avec lui-même». Le code se préoccupe des conséquences de la mort, non de ses circonstances. La responsabilité civile se définissant comme l’obligation de réparer le dommage que l’on a causé par une faute intentionnelle ou non, on peut s’interroger sur la réparation des éventuels dommages matériels, corporels ou même moraux occasionné par un suicide violent. Au pénal, le suicidant qui a survécu est susceptible de bénéficier d’un non-lieu, en vertu de l’article 122-1 du C.P. Au civil, « la personne qui, sous l’emprise d’un trouble mental, a causé un dommage à autrui, est tenue à réparation » (article 489-2 de la loi du 03/01/1968 sur les incapables majeurs).
Sur le plan pénal, le suicide n’étant pas punissable, la complicité n’est pas non plus réprimée. Encore faut-il que l’aide apportée au suicidant soit purement passive. Dès que la participation devient une aide matérielle effective, le fait que la victime soit consentante ou même demandeuse n’exonère pas le complice d’une condamnation probable pour meurtre ou assassinat (article 221-1 à 5 du C.P.).
Quant au témoin passif d’un suicide, il peut être poursuivi en vertu du deuxième alinéa de l’article 223-6 du C.P; pour s’être abstenu de porter secours à une personne en péril.
Enfin, la loi du 31/12/1987 condamne la provocation au suicide tenté ou consommé par autrui, de même que la propagande ou la publicité en faveur de produits, objets ou méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort (article 223-1 à 5 du C.P.). Sur le plan civil, la responsabilité d’autrui peut-être engagée lorsque le suicidant ou sa famille se portent partie civile et demandent réparation lors du procès pénal intenté pour l’une des infractions que l’on vient d’énumérer. A l’étranger, dix huit nations dont quinze européennes condamnent la participation, l’incitation ou l’aide au suicide d’autrui. La France est le seul pays à incriminer la propagande ou la publicité en faveur du suicide.
Pour que la responsabilité pénale du médecin soit engagé, il est nécessaire qu’existe dans le Code Pénal une incrimination à laquelle l’acte reproché corresponde exactement. En matière de suicide, le médecin se voit le plus souvent reprocher une non-assistance à personne en péril (article 223-6 deuxième alinéa du C.P.), mais rares sont les condamnations, faute de pouvoir réunir les éléments constitutifs de cette infraction, qui sont au nombre de quatre:
• Existence d’un péril
• Possibilité d’assistance
• Absence de risque pour celui qui peut porter secours ou pour le tiers
• Abstention volontaire de porter secours.
Ainsi, selon la jurisprudence, le premier élément, l’existence d’un péril, doit être « imminent, constant et nécessiter une action immédiate ». Or, il est difficile de prouver que le médecin a connu de façon certaine la gravité et l’imminence du danger et qu’il avait la possibilité d’agir. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris précise que rien ne permettait au médecin qui, après un long entretien, avait renoncé à hospitaliser en placement volontaire un malade, de diagnostiquer un péril réel et imminent cinq jours avant le suicide. Quant à l’élément d’abstention volontaire de porter secours, il n’est a priori pas délibéré car il résulte souvent d’une erreur de diagnostic ou de traitement. Le médecin a sous estimé la gravité de l’état du malade ou n’a pas prescrit des médicaments assez puissants. Un autre chef de mise en examen a été invoqué : les atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne (article 221-6 et 222-19 du C.P.). Il n’a pas été retenu dans le cas du suicide d’un patient car il supposait de démontrer que le comportement du médecin a entraîné directement le décès par suicide.
La responsabilité civile du médecin et de la clinique ne peut mettre en cause que deux personnes privées, en l’occurrence le patient ou sa famille d’une part, le médecin exerçant en libéral ou les établissements privés d’autre part. La responsabilité médicale civile est engagé, soit par le non respect des obligations fixées par un contrat, c’est la responsabilité contractuelle, soit par l’obligation de réparer le dommage causé par une faute volontaire ou non, c’est la responsabilité délictuelle.
La responsabilité contractuelle d’un médecin ou d’une clinique crée une obligation de moyens, et non de résultats. Le médecin s’engage à apporter des soins « consciencieux, diligents et conformes aux données actuelles de la science ». Le contrat d’hospitalisation en clinique comporte une double obligation de soins et de garde et surveillance. Elle doit prendre des mesures appropriées à l’état du malade et à ses réactions antérieures. L’appréciation de l’inexécution de l’obligation de sécurité dépendra des consignes particulières de surveillance données par le médecin qui a posé le diagnostic et de leur exécution. En cas de suicide, la responsabilité de l’établissement est présumée et il devra apporter la preuve qu’il avait réellement pris les précautions qui s’imposaient.
Il faut rappeler que, parmi les obligations du médecin traitant, il y a aussi celle de prévenir du risque suicidaire la clinique à laquelle il adresse son patient, faute de quoi, elle n’a aucune raison d’exercer une surveillance particulière, et c’est donc la responsabilité du médecin traitant qui sera engagée en cas de suicide. L’attitude du patient et de la famille sont prises en compte, notamment leur refus de traitements préconisés ou d’hospitalisation proposée par le médecin, qui sera alors exonéré de sa responsabilité en tout ou en partie.
La responsabilité délictuelle civile du médecin est plus rarement engagée car elle suppose qu’il ne s’est pas formé de contrat. Ce peut-être le cas d’un tiers, par exemple la famille d’un malade décédé désirant obtenir du médecin, à qui ils imputent la responsabilité de cette mort, la réparation de leur propre préjudice pécuniaire ou moral. Il faut enfin rappeler que la responsabilité délictuelle du médecin peut-être engagée en raison d’une faute commise par son préposé (infirmière, secrétaire).
La responsabilité administrative de l’hôpital : lorsqu’un malade est hospitalisé dans un établissement public, il ne passe pas de contrat avec ou tel médecin, mais avec l’hôpital. Les médecins ne répondent personnellement que de fautes personnelles détachables du service. L’action est dirigée contre l’administration et non contre le médecin, à moins qu’il n’ait commis une infraction relevant du Code Pénal. Le régime de la responsabilité administrative de l’hôpital repose sur une distinction fondamentale entre les actes médicaux (diagnostic, traitement) et les soins courants, l’organisation, le fonctionnement du service. Pour les actes médicaux, le tribunal administratif ne retiendra la responsabilité de l’hôpital que pour une faute lourde, considérant les fautes simples comme excusables car la médecine est une activité « à risque ».
En matière de suicide, la faute du médecin réside dans une erreur de diagnostic ou de traitement, ayant cru à tort que le malade n’attenterait pas à ses jours. Mais la jurisprudence ne retient pas ce type d’erreur de diagnostic comme une faute lourde, sauf s’il y a eu un examen notoirement insuffisant ou une erreur grossière d’appréciation. C’est donc au niveau des activités de soins courants ou du fonctionnement du service hospitalier que la responsabilité de l’hôpital est le plus souvent retenue par les tribunaux administratifs. Les critères utilisés en cas de suicide sont généralement :
• Le caractère prévisible ou imprévisible du comportement du malade.
• La nature de la surveillance exercée.
• L’organisation matérielle du service.
Pour tous ces critères , la tendance du conseil d’État est de retenir la faute simple de surveillance comme suffisante pour engager la responsabilité de l’hôpital. Quant à l’efficacité des mesures de surveillance, comme l’a souligné Pierre Deniker, « on ne saurait trop répéter que contre le désir morbide de suicide, il n’existe pas de précaution absolue ».
La responsabilité disciplinaire du médecin est née de l’inobservation, par le médecin des règles du code de déontologie et singulièrement par rapport au suicide, de celle des articles suivants :
• «le médecin exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine»
• «Lorsqu’il se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, il doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires»
• «la volonté du malade doit toujours être respectée dans la mesure du possible».
Ceci nous amène à évoquer le problème du consentement : quelle attitude le médecin doit-il avoir devant un malade qui l’implore de le laisser mourir ? Il doit avant tout préserver la vie et, à l’exception de cas extrêmes touchant au problème de l’euthanasie, il n’y a pas à s’interroger sur la logique de la démarche suicidaire. Son approche est seulement clinique et a valeur psychothérapeutique s’il sait entendre la nature de la demande, dont le suicide est l’un des symptômes. Si l’état du patient ne permet pas d’obtenir un consentement éclairé, la jurisprudence prévoit dans ce cas que le médecin s’adresse aux proches du malade. C’est d’ailleurs l’objectif de la mesure d’hospitalisation sur demande d’un tiers, qui implique un tiers issu de l’entourage du malade. J.Vedrinne invoque la notion d’anticipation de consentement à propos de l’intervention médicale dans les services d’urgences pour des personnes en crise suicidaire. Un peu comme pour la sauvegarde de justice, il y aurait là une légitimité de l’acte en anticipant le consentement. Et il est vrai qu’il est rare qu’un malade reproche durablement à son médecin de l’avoir empêché de se suicider ou de l’avoir sauvé.
En ce qui concerne le secret professionnel (article 226-13 et 14 du C.P.) et le suicide, quelques points doivent être soulignés. L’information des proches peut être nécessaire en cas de risque de suicide, pour permettre une meilleure surveillance. Sinon le secret est dû au patient par delà la mort, et l’origine suicidaire d’un décès doit-être cachée même à la famille si tel était le vœu du suicidant. Vis à vis des assurances, rien n’oblige le médecin traitant à révéler la cause de la mort à l’assureur car c’est à la compagnie, éventuellement par le canal de son médecin conseil, de faire la preuve que le décès n’était pas couvert par le contrat.
larges extraits de l’article de B . Cordier revue FORENSIC de Déc 1994 n°7 »
Ajoutons les éléments historiques et juridiques présentés sur le site d’un cabinet de spécialistes en droit pénal :
«
Le suicide — du latin suicidium, terme composé du préfixe sui « soi » et du verbe caedere « tuer » l’acte délibéré de mettre fin à sa propre vie, de se donner volontairement la mort. t. Longtemps réprimé par le droit français, le suicide ne paraît plus aujourd’hui une infraction pénalement répréhensible.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la mort demeure omniprésente et frappe à tout moment. Comme l’espérance de vie était très courte à l’époque, la mort n’était que très rarement considérée pour ne échéance lointaine. L’espérance de vie au XVIIe siècle était juste de 25 ans à la naissance, un enfant sur quatre décédait avant l’âge d’un an et seulement une personne sur deux atteignait ses 20 ans.
Le risque de mortalité était encore plus accru chez les femmes du fait des risques liés à l’accouchement. La question de se donner volontairement la mort ne se posait donc que très rarement au vu des circonstances de l’époque dans la mesure où les gens décédaient avant même de pouvoir se poser la question de savoir si elles souhaitaient en finir.
Le suicide était relativement toléré dans la Rome antique, mais va faire l’objet d’une condamnation radicale de la part de l’Église.
En effet, le suicide demeure un acte traditionnellement condamné par les grandes religions monothéistes. Si le fait de se suicider reste d’abord un acte contre sa propre personne, le fait de s’ôter la vie crée une rupture entre la relation privilégiée que l’Homme a avec Dieu, en décidant de mettre fin à ses jours, la personne va à l’encontre de la souveraineté divine. Au Moyen-âge, le corps d’une personne qui s’était suicidée pouvait même faire l’objet d’un procès et celui qui se suicidait était privé de sépulture ecclésiastique.
La Révolution française opère un tournant avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, l’article 4 de la déclaration énonce que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de limites que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits.
Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ». Suite à la promulgation de ce texte, l’interdit du suicide et son incrimination ne sont pas inclus dans le Code pénal de 1791 ni dans le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV.
Le Code pénal de 1810 et le Code pénal actuel n’en font pas non plus mention. Le suicide, sans être un droit, ne constitue donc plus un acte contraire à l’ordre public et n’est plus pénalement répréhensible. Cependant, si la répression pénale ne concerne plus la personne qui décide de mettre fin à ses jours, elle peut s’appliquer à un tiers qui interviendrait
dans le suicide.
En France, le suicide n’est plus réprimé depuis le Code pénal de 1810 autrement que par une éventuelle hospitalisation d’office sur décision du préfet dans le cadre d’une tentative. Cependant certaines infractions entourant cet acte sont prévues par le Code pénal et réprimées. Il en va notamment ainsi de la provocation au suicide.
Le suicide n’est plus pénalement répréhensible. En outre, il n’est donc pas possible de poursuivre une personne qui aurait tenté de mettre fin à ses jours, ni même une personne qui aurait aidé une personne à se donner la mort ou qui provoque au suicide du chef de complicité en l’absence d’un fait principal punissable (Cass, Crim. 27 avril 1815).
En revanche, celui qui assiste la personne au suicide ne saurait toutefois échapper aux poursuites. Le consentement de la victime n’est jamais un fait justificatif. En outre, celui qui pousse l’aide au suicide jusqu’à tuer lui-même celui qu’il le désire se rend coupable d’homicide volontaire ou d’empoisonnement selon les moyens utilisés. Le fait de donner la mort à autrui selon l’article 221-6 du Code pénal est puni de 30 ans de réclusion criminelle. La personne qui aide activement une autre à se donner la mort encourt donc les mêmes peines.
Depuis la Révolution française, le suicide et sa tentative de suicide ne sont plus punissables pénalement. La complicité de suicide par voie d’extension n’est pas non plus punissable, car le fait principal punissable fait ici défaut. La Cour de cassation l’a affirmé dans un arrêt rendu par sa chambre criminelle en date du 26 avril 1988 dans une affaire relative à la publication d’un ouvrage intitulé « Suicide mode d’emploi ».
Le législateur est cependant intervenu pour incriminer deux nouveaux comportements autour du suicide : la provocation au suicide (article 223-13 du Code pénal) et la propagande ou publicité en faveur de moyens de se donner la mort (article 223-14 du Code pénal).
Ces deux infractions constituent des infractions de mise en danger des personnes.
1). — Éléments matériels de l’infraction de provocation au suicide
La provocation au suicide est matériellement constituée par un acte positif de provocation, acte qui peut être indistinctement dirigé vers une personne précise ou un groupe de personnes indéterminées. En revanche, un simple conseil ne suffirait pas à caractériser l’infraction de provocation au suicide. Cette provocation doit avoir été suivie d’effet, c’est-à-dire d’un suicide ou d’une tentative de suicide.
Concernant l’élément intentionnel de l’infraction, l’acte doit avoir été accompli en connaissance de cause, l’auteur doit avoir eu conscience du caractère répréhensible de l’acte, mais aussi avoir eu la volonté que l’intéressé passe à l’acte.
1). — Élément matériel
L’article 223-14 du Code pénal incrimine également « la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisées comme moyens de se donner la mort ».
Le délit formel de propagande en faveur de moyens de se donner la mort a été construit autour de la possibilité qu’a une personne tierce de s’immiscer dans le champ de la liberté individuelle de celui qui envisage de se suicider et la possibilité que celui-ci a d’influencer le libre arbitre de la personne qui contemple un passage à l’acte voire de déclencher celui-ci. Le tiers prend délibérément le risque d’influencer ou de déclencher le passage à l’acte.
L’agent doit vouloir préconiser ou recommander l’usage de produits ou de méthodes pour éveiller chez autrui la résolution de se donner la mort. »
- Le droit face à la mort volontaire, Aude Mullier
- Suicide, euthanasie et suicide assisté – Le rôle de la loi face aux demandes de mort, Etienne Montero
Bonne journée.
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