Question d'origine :
Bonjour, je rechercheen 1968, sur Lyon, dans quels lieux (public ou privé) une femme enceinte en difficulté pouvait finir sa grocesse discrètement, à l'abri de sa famille, conjoint ou mari, svp? Cela pouvait etre par exemple: maison religieuse, abri associatif, pension, etc En vous remerciant vivement
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 10/02/2021 à 12h42
Bonjour,
Répondre à votre question nous semble compliqué car il est fort possible que certaines structures (religieuses notamment) dont ce n'était pas la vocation aient pu accueillir (ou confier à une famille) une femme enceinte dans la détresse - auquel cas il est difficile aujourd'hui d'en retrouver la trace.
Sans donc prétendre à l'exhaustivité, notre réponse se contentera de mettre en lumière la principale structure officielle destinée à prendre en charge les femmes dans la situation que vous décrivez, à la fin des années soixante et donc avant le développement des "pouponnières".
La fin du XIXe siècle, encouragée par la préoccupation grandissante de l'opinion sur le sort des enfants des rues, voit la création d'asile pour femmes enceintes, notamment celles qui souhaitent dissimuler leur grossesse : « Une maison maternelle est donc une institution où, sous la garantie du secret, sont hébergées des femmes enceintes quelques mois avant le terme de la gestation, où elles peuvent accoucher, et où elles demeurent après l’accouchement le temps que dure l’allaitement » (cf.thèse de doctorante de Sonia Treff en Droit).
A Lyon, une maison maternelle privée ouvre ses portes au début du XXe siècle dans le troisième. Puis c'est à Edouard Heriot qu'on doit l'ouverture en 1919 d'un asile maternel public dans le Chateau de Gerland, situé au 186, rue de Gerland. Le chateau, qui vient d'être racheté par la ville au Ministère des Armées, prend donc rapidement le nom de "Maison des Mères célibataires" (qui deviendra en 1981 le "Centre Maternel Départemental.") En 1968, cette maison maternelle est toujours en activité, comme l'atteste le témoignage de Marie-Joseph Bonnetain qui la dirigera dans les années 1980.
Cet article, peut également vous donner une idée des moyens qu'avaient les femmes de se débarrasser d'enfants non désirés, moyens auxquelles les "maisons des mères" cherchaient à se substituer : L’État, les élus locaux, les médecins (Pr Louis Trillat) se préoccupent de la natalité. Ils cherchent à limiter la mortalité périnatale, à prévenir les infanticides (nombreux) les abandons (il y avait eu les fameux « tours » dans les hôpitaux par Saint-Vincent-de-Paul.) À Lyon le tour de l’Hôtel-Dieu était installé quai Jules Courmont [ce bureau ouvert fonctionne jusque dans les années 60]. Une femme pouvait y déposer son bébé qui était recueilli à l’intérieur de l’hôpital. Alors, force est de constater que même les enfants bâtards deviennent précieux (cf. Yvonne Kniebiler : Histoire des mères du Moyen-Age au XIXe siècle –Edit. Montaldo).
Une autre évocation de ces maisons maternelles dans Du caritatif au politique, l’itinéraire de Jeanne Koehler-Lumière (on y apprend également qu'il existait une structure similaire au Vinatier - on en reparlera) : Les maisons maternelles proposent aux femmes enceintes sans ressource, mariées ou non, un asile afin de veiller au bon déroulement de la grossesse puis à la santé des nouveaux-nés. Le but poursuivi n’est plus moral mais bien démographique. Il s’agit de préserver des enfants mis en danger par la situation précaire de leur mère. À Lyon, deux initiatives répondent à cet objectif. En 1918, Edouard Herriot inaugure, dans la périphérie méridionale de Lyon, la maison des mères, au château de Gerland : un « asile » de 35 lits pour recevoir les femmes enceintes sans domicile qui sont ensuite accueillies avec leur bébé après leur accouchement à l’hôpital de la charité. En 1920, une structure similaire est fondée à Bron, autre commune au sud-est de l’agglomération lyonnaise. Il s’agit de la nourricerie départementale du Vinatier, qui reçoit, à leur sortie de la maternité, des femmes sans ressources avec leur nourrisson. L’originalité de ce dernier établissement tient au fait que chaque mère accueillie s’engage à nourrir également un nourrisson pupille de l’assistance publique. Ces maisons s’insèrent dans le dispositif de lutte contre la mortalité infantile en agissant contre les abandons d’enfants et pour la promotion de l’allaitement maternel. Ces initiatives sont complétées à Lyon, comme dans d’autres villes, par l’ouverture de restaurants où les mères nourrices peuvent venir se restaurer gratuitement, par la construction de crèches municipales et par une politique active en matière de suivi médical des nourrissons.
Marie-Joseph Bonnetain revient sur le fonctionnement de cette maison des mères dans les années 80s : ...je prendrai [...] les rênes d’une institution qui accueillait alors 55 jeunes femmes enceintes (pour le 1/3) ou avec des enfants de zéro à trois ans (2/3).
Quant à l’âge requis pour une admission, il pouvait être de 12 ans à 35 ans.
Précisons que pour les mineurs dont nous allons parler, une unité de vie de 12 chambres leur est réservée. Donc vous voyez se dessiner là, dans un espace clos, des lieux de vie adaptés à l’âge et à la situation de chacune des femmes accueillies : section des mineurs, maison maternelle pour les majeures enceintes, foyer maternel pour les femmes reprenant le travail et en attente de logement à l’extérieur. Ajoutez à toutes ces structures, une pouponnière (fermée en 1985), une crèche, un bâtiment regroupant cuisine centrale, restauration et administration, des locaux techniques.
Qui travaille donc au plus près de ces mères ou futures mères ? À l’entrée pour les premières rencontres avant l’admission, une éducatrice et une assistante sociale sont chargées de cette mission. Dans les lieux de vie, éducateurs ou moniteurs éducateurs, auxiliaires de puériculture, infirmières, psychologue, une gynécologue obstétricienne, un pédiatre, une psychomotricienne, un psychiatre (vacataire), des veillants de nuit ainsi que des cadres qui se relayaient avec moi pour les gardes de nuit et de semaine. Au total avec l’ensemble des personnels administratifs et ouvriers nous étions plus de 60 à vivre auprès de 55 jeunes femmes et 30 enfants de zéro à trois ans.
J’étais nommée par le Ministère de la Santé (Direction de l’Action Sociale) pour diriger cette structure, elle-même sous la responsabilité du Conseil Général du Rhône ; à la tête donc d’un établissement public non doté de la personnalité morale (précision juridique), mais sous le contrôle d’une commission de surveillance composée d’élus locaux, municipaux ou généraux et personnalités de la CAF, auxquels je soumettais projets et réalisations.
Un article des archives départementales retrace l'histoire des prises en charge de femmes enceintes à Lyon. Pendant longtemps, le service des enfants assistés n’a pas disposé de réelles structures d’accueil. Seule la nourricerie du Vinatier faisait partie du patrimoine du département depuis les années 1930. Cette institution jouait un rôle assez semblable à celui de la maison des mères de Gerland, créée par la municipalité lyonnaise en 1919. Elle accueillait les femmes enceintes nécessiteuses pendant les six mois précédant et suivant l’accouchement. En imposant aux départements de financer des maisons maternelles, la loi du 15 avril 1943 conduit le conseil général du Rhône à prendre le contrôle de la maison des mères de Gerland. Le département se trouve à la tête de deux maisons maternelles et le reste jusqu’au milieu des années 1980. Lieu d’hébergement obligé pour les enfants en attente d’un placement, le foyer des pupilles a longtemps été abrité par les hospices civils de Lyon. Il faut attendre la seconde moitié du vingtième siècle pour que les hôpitaux se concentrent sur leur activité médicale et que la structure d’accueil du service des Enfants assistés lui soit directement rattachée. Installé à l’Antiquaille depuis les années 1930, le foyer déménage à l’hôpital de la Croix-Rousse au lendemain de la seconde guerre mondiale. En 1947, le département décide de se doter d’un bâtiment autonome près de la nourricerie du Vinatier. Cette solution dure une vingtaine d’années. Dès le début des années 1960, le département engage un vaste chantier pour rassembler l’ensemble de ses institutions liées à l’aide à l’enfance sur le site de Parilly. Les travaux ne s’achèvent qu’en 1968 avec le transfert de la nourricerie à la Cité de l’enfance. Les centres nourriciers cherchent à conjuguer les avantages du placement familial et du placement en établissement. Les jeunes enfants sont mis en nourrice dans une région bien délimitée. Au centre de cette zone de placement, une structure permanente est créée, avec un médecin et une assistante sociale à demeure. Ce personnel est chargé de veiller à la qualité des soins et à la bonne santé des enfants. Les visites médicales se font dans un bâtiment prévu à cet effet. Entre 1945 et 1975, le département du Rhône tente une expérience de ce type à Saint-Igny-de-Vers. De nombreuses associations se spécialisent dans l’accueil des mineurs en difficulté. Les organisations confessionnelles ne sont plus aussi présentes qu’au XIXe siècle, mais de nouveaux acteurs s’affirment. Créée pendant la seconde guerre mondiale, l’association pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence se place sur le terrain de la prévention et de la rééducation des mineurs délinquants. Instituée par la loi du 15 avril 1943, l’association d’entraide des anciens pupilles de l’Assistance publique gère elle aussi des établissements de plus en plus nombreux. L’agrément et le contrôle des maisons d’enfants ne relèvent pas du seul service de l’aide sociale à l’enfance, qui se concentre sur les aspects administratifs et financiers des dossiers. Son rôle consiste notamment à vérifier la qualification du personnel, l’équilibre des comptes et le montant du prix de journée. L’inspection de la santé et de l’hygiène intervient pour faire respecter des normes sanitaires.
Nous vous conseillons de vous adresser aux archives municipales et départementales qui conservent une partie des archives concernant ces sujets (voir les sources de l'article précédent).
Enfin, l'article suivant complètera avantageusement les informations précédentes sur le sujet : Etablissement d'accueil mère-enfant
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter