Question d'origine :
Bonjour cher Guichet, Lorsqu’il est question de « gueules cassées », on songe immédiatement au premier conflit mondial. Ce fléau n’a pourtant pas dû frapper que les soldats de cette guerre. Comment se fait-il alors qu’on ne le mentionne que pour cette époque ? Merci !
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 09/03/2021 à 10h44
Bonjour,
La Première Guerre mondiale est un conflit caractérisé par l'’émergence d'un nouveau type de blessures que sont les atteintes maxillo-faciales et ceci pour trois raisons. Il s'agit d'une guerre moderne aux armes nouvelles (les éclats d’obus et de grenades ont causé à eux seuls plus de 75 % des lésions), aux stratégies spécifiques (c'est une guerre de position avec des tranchées où les hommes sont enterrés face à face, la tête étant ainsi la partie la plus exposée du corps) et à la durée particulièrement longue (4 ans et demi de combats).
Voici ce qu'explique Mathieu Duvnjak dans sa thèse intitulée La prise en charge des blessés de la face lors de laGrande Guerre (1914-1918) : de la blessure au retour à la vie civile :
Ce franchissement d'un seuil de violence encore inégalé, dépasse en termes de blessures et de pertes, les guerres recensés dans l'histoire de l'Humanité. L'activité destructrice des nouvelles armes employées, pour dépasser l'ennemi, n'a jamais infligé de tels dégâts. Durant cette nouvelle guerre de position, les hommes deviennent facilement des corps déchiquetés. Ainsi apparaissent les premiers mutilés, soit d'une partie de leurs corps ou de leur face. Le Service de Santé des Armées dépassé par le nombre de blessés, mal organisé, doit également faire face à l'apparition des blessés de la face que l'on appellera les "Gueules Cassées".
[...]
Avec cetteguerre de position nouvellement instaurée , l'ennemi se retrouve face à face, terré de chaque côté. Le soldat attend l'assaut, pour sortir de sa tranchée. Il surveille l'horizon laissant sortir sa tête, qui devient une cible privilégiée pour l'adversaire. Par la malchance du destin parfois il se retrouve sous le champ d'action d'un éclat d'obus ou de grenade qui provoque des blessures de la face accompagnées de vastes délabrements tissulaires. [...]
En 1918, on recense 53,96% de blessures par éclats d'obus, 6,69% par éclat de grenades, 14,70% par balles, 0,26% par mines et l'on dénombre 24,39% par agents divers (chimiques, torpilles, bombes d'avions, armes blanches...).
Lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871 les chiffres sont différents. On dénombrait 25% de blessures par éclats d'obus, 70% de blessures par balles et 5% de blessures par agents divers (écrasements, etc..) dans l'armée française(3).
Sur ces blessures, on estime qu'environ 11 à 14% touchent le visage (approximativement 500 000 blessures), dont dix à quinze mille grands blessés de la face(13). [...]
La caractéristique des guerres anciennes est la prédominance des blessures par balles; celle de la guerre de tranchée de 1914-1918 des blessures par éclats d'obus, de grenades, de bombes, etc. Aux blessures relativement simples dues aux balles de l'infanterie (fusil et mitrailleuse), se sont substituées les blessures infiniment plus graves dues aux autres agents vulnérants. Les traumatismes faciaux existent bien dans les conflits précédents, mais ils restent marginaux et souvent moins mutilants. Ils sont dus à des armes blanches ou à des projectiles de faible vélocité. L'importance de ce nombre de blessures est liée à la modernisation des armements déjà évoquée, à la durée du conflit et à la pérennisation de la violence durant celui-ci."
Le caractère inédit de ces blessures est bien décrit dans la vidéo proposée par le Musée de la Grande Guerre : Les blessures.
Il y eut bien sûr des gueules cassées durant les autres conflits postérieurs à la Grande Guerre mais dans des proportions plus faibles. Rappelons que plus d’un milliard d’obus ont été utilisés en quatre ans et que le nombre d’invalides est estimé à 8 millions.
L'expression « gueules cassées » inventée par le Colonel Picot, lui-même mutilé de la face pendant la 1ere guerre mondiale, va être ensuite utilisée pour les victimes des guerres qui suivront (seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam, guerre d'Algérie) pour parler des blessés à la fois physiques et psychologiques.
La définition de la Gueule cassée a aujourd'hui changé. L'Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) s'ouvre en effet à d'autres pathologies :
"Pour prendre en compte les réalités de la Société d'aujourd'hui et dans le droit fil de la pensée de ses Fondateurs, l'Union a décidé d'ouvrir ses rangs à toutes les victimes de leur devoir : pompiers militaires, professionnels ou bénévoles blessés au visage dans une action de lutte contre le feu, aux douaniers et policiers blessés en service, et plus généralement à tous ceux qui ont payé de leur sang l'accomplissement de leur devoir humanitaire ou social, ainsi qu'aux victimes civiles d'attentats."
A lire aussi :
- Les blessés de la face durant la Grande Guerre : les origines de la chirurgie maxillo-faciale par François Xavier LONG
- La prise en charge des blessés de la face lors de la Grande Guerre (1914-1918) : de la blessure au retour à la vie civile / Mathieu Duvnjak
- Les gueules cassées de la Première Guerre mondiale :thérapeutiques prothétiques et chirurgicales / Virginie ROCHETTE, Jacques MARGERIT
- Gueules cassées : d'autres guerres, toujours d'actualité
- Les gueules cassées [Livre] : les blessés de la face de la Grande guerre / Sophie Delaporte ; préf. de Stéphane Audoin-Rouzeau
Précédentes réponses du Guichet du Savoir :
- La chirurgie : mode ou besoin ?
- Chirurgie durant la ww1
Bonne journée.
La Première Guerre mondiale est un conflit caractérisé par l'’émergence d'un nouveau type de blessures que sont les atteintes maxillo-faciales et ceci pour trois raisons. Il s'agit d'une guerre moderne aux armes nouvelles (les éclats d’obus et de grenades ont causé à eux seuls plus de 75 % des lésions), aux stratégies spécifiques (c'est une guerre de position avec des tranchées où les hommes sont enterrés face à face, la tête étant ainsi la partie la plus exposée du corps) et à la durée particulièrement longue (4 ans et demi de combats).
Voici ce qu'explique Mathieu Duvnjak dans sa thèse intitulée La prise en charge des blessés de la face lors de laGrande Guerre (1914-1918) : de la blessure au retour à la vie civile :
Ce franchissement d'un seuil de violence encore inégalé, dépasse en termes de blessures et de pertes, les guerres recensés dans l'histoire de l'Humanité. L'activité destructrice des nouvelles armes employées, pour dépasser l'ennemi, n'a jamais infligé de tels dégâts. Durant cette nouvelle guerre de position, les hommes deviennent facilement des corps déchiquetés. Ainsi apparaissent les premiers mutilés, soit d'une partie de leurs corps ou de leur face. Le Service de Santé des Armées dépassé par le nombre de blessés, mal organisé, doit également faire face à l'apparition des blessés de la face que l'on appellera les "Gueules Cassées".
[...]
Avec cette
En 1918, on recense 53,96% de blessures par éclats d'obus, 6,69% par éclat de grenades, 14,70% par balles, 0,26% par mines et l'on dénombre 24,39% par agents divers (chimiques, torpilles, bombes d'avions, armes blanches...).
Lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871 les chiffres sont différents. On dénombrait 25% de blessures par éclats d'obus, 70% de blessures par balles et 5% de blessures par agents divers (écrasements, etc..) dans l'armée française(3).
Sur ces blessures, on estime qu'environ 11 à 14% touchent le visage (approximativement 500 000 blessures), dont dix à quinze mille grands blessés de la face(13). [...]
Le caractère inédit de ces blessures est bien décrit dans la vidéo proposée par le Musée de la Grande Guerre : Les blessures.
Il y eut bien sûr des gueules cassées durant les autres conflits postérieurs à la Grande Guerre mais dans des proportions plus faibles. Rappelons que plus d’un milliard d’obus ont été utilisés en quatre ans et que le nombre d’invalides est estimé à 8 millions.
L'expression « gueules cassées » inventée par le Colonel Picot, lui-même mutilé de la face pendant la 1ere guerre mondiale, va être ensuite utilisée pour les victimes des guerres qui suivront (seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam, guerre d'Algérie) pour parler des blessés à la fois physiques et psychologiques.
La définition de la Gueule cassée a aujourd'hui changé. L'Union des blessés de la face et de la tête (UBFT) s'ouvre en effet à d'autres pathologies :
"Pour prendre en compte les réalités de la Société d'aujourd'hui et dans le droit fil de la pensée de ses Fondateurs, l'Union a décidé d'ouvrir ses rangs à toutes les victimes de leur devoir : pompiers militaires, professionnels ou bénévoles blessés au visage dans une action de lutte contre le feu, aux douaniers et policiers blessés en service, et plus généralement à tous ceux qui ont payé de leur sang l'accomplissement de leur devoir humanitaire ou social, ainsi qu'aux victimes civiles d'attentats."
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